L'essor des industries mécaniques, textiles, chimiques et de construction est également remarquable, et l'installation de trois nouvelles centrales nucléaires a été décidée ; selon les prévisions du IIIe Plan, 28 % de l'électricité produite dans le pays en 1980 serait d'origine nucléaire.

Contradictions

Un nouveau traité devrait intervenir d'ici la fin de 1973 entre la Communauté européenne et l'Espagne, élargissant l'accord préférentiel du 29 juin 1970. Mais il n'est toujours pas question de son intégration comme membre de plein droit, tant qu'il n'y a pas de changement des structures politiques.

Or, la contradiction entre l'immobilisme de ces structures politiques et le dynamisme économique n'a jamais paru plus flagrante ni plus difficile à supporter par la population. Les conflits sociaux, l'agitation estudiantine en témoignent. Et, comme chaque fois dans ces circonstances, le pouvoir a choisi la répression. Les incidents du 1er mai 1973 sont caractéristiques : un policier est tué à Madrid par des manifestants, un autre est grièvement blessé à Bilbao par des militants de l'ETA. Pour la première fois depuis la guerre civile, des manifestants, se réclamant du régime, descendent dans la rue à l'occasion des messes célébrées à la mémoire du policier tué. Près de 5 000 personnes, avec à leur tête le commandant en chef de la garde civile, demandent la destitution du ministre de l'Intérieur et des technocrates de l'Opus Dei, taxés de libéralisme.

Agitations

Lors de la rentrée universitaire de 1972, les autorités avaient cru pouvoir amadouer les étudiants madrilènes en compensant la désignation d'un nouveau recteur, un phalangiste dur, par quelques mesures visant à la détente, tel le retrait de la police du campus ; mais dès le début de janvier 1973 les étudiants vont rompre cette fragile trêve et se mettre en grève. Le désordre va gagner plusieurs universités. À Barcelone, le gouvernement décide la fermeture provisoire de toutes les facultés avant de supprimer, le 16 février, le régime d'autonomie des trois universités de la capitale catalane, comme il avait supprimé, en juillet 1972, celui des universités de Madrid.

Les conflits sociaux vont se multiplier. Deux sont particulièrement cruciaux : le 12 septembre 1972, un mouvement de grève éclate aux usines Citroën-Hispania du Vigo, en Galice ; il va se prolonger jusqu'au 2 octobre, touchant 15 000 travailleurs. Seul résultat : le licenciement de 150 ouvriers, dont 125 délégués syndicaux ou membres du comité d'entreprise.

À Barcelone, l'explosion est plus rapide : le 3 avril, les ouvriers du bâtiment entament une grève des bras croisés sur leurs chantiers pour soutenir leurs revendications. Les responsables des entreprises appellent la police pour déloger les grévistes. Une bagarre s'engage. Un ouvrier de 27 ans est tué. En signe de protestation, plusieurs dizaines de milliers de travailleurs débrayent dans toute la Catalogne. Et le cardinal de Barcelone déclare : « Ce qui s'est passé est grave et montre clairement que les relations sociales, spécialement dans le monde du travail, ne se fondent pas encore suffisamment sur la vérité, la justice, l'amour et la liberté. »

Église

Les propos du prélat, comme ceux qui ont été tenus par ses collègues dans des cas similaires, rejoignent les nouvelles prises de position de l'Église espagnole. Dès septembre, la commission permanente de la Conférence épiscopale espagnole s'était réunie pour traiter de l'attitude de l'Église devant les problèmes politiques et sociaux. Le 1er janvier 1973, un document de la commission Justice et Paix était distribué dans toutes les églises du pays, déclarant que « les structures politiques du régime franquiste annulent toute possibilité de paix véritable en Espagne ». Le 20 janvier, la Conférence épiscopale approuvait un texte, intitulé L'Église et la communauté politique, dans lequel le désir de prendre des distances à l'égard du pouvoir apparaît évident. Ce texte indique que si l'État affirme que ses lois s'inspirent de la doctrine de l'Église, cela ne signifie pas que « l'Église ou la hiérarchie cautionne celles-ci ».

ETA

Le principal souci du gouvernement demeure cependant l'agitation au Pays basque. Attentats et enlèvements se sont multipliés dans le nord-ouest, du pays, en dépit des arrestations et d'une sévère répression. Le 19 avril 1973, le chef de la branche armée de l'ETA, l'ancien novice bénédictin Euzequio Mendizabal, était abattu à Algorta, près de Bilbao. Mais deux événements allaient particulièrement secouer l'opinion. Le 2 novembre 1972, un groupe de cinq étudiants gauchistes incendiait le consulat français à Saragosse pour protester contre l'expulsion de France de militants basques qui s'y étaient réfugiés. Le consul, R. Tur, devait périr dans d'atroces souffrances. Les jeunes gens furent condamnés à trente ans de prison par le conseil de guerre.