Journal de l'année Édition 1973 1973Éd. 1973

Conjoncture économique

Inflation et expansion

L'économie française, en 1972-73, a poursuivi avec une belle régularité sa marche en avant, sans se laisser perturber par les péripéties électorales à l'intérieur, ni par les nouveaux rebondissements de la crise monétaire internationale. Le problème de l'inflation en est malheureusement devenu encore plus inextricable.

Cette constance dans l'expansion, qui contraste d'ailleurs avec le développement de l'interrogation sur les finalités de la croissance, est propre à la France. Déjà, de 1959 à 1968, la production totale avait augmenté de 5,7 % par an en France (en volume), contre 4,7 % en moyenne pour l'ensemble de nos principaux partenaires commerciaux. Or, de 1968 à 1973, cet écart a doublé : la croissance française (+ 6,1 % par an) a été en moyenne supérieure de près de deux points à celle des économies environnantes (+ 4,4 %).

Ainsi, la France n'a pas seulement échappé à la récession mondiale de 1970-72 et à la crise de l'emploi, mais elle a même forcé sa propre allure à la faveur des transformations intervenues dans sa structure économique, conformément à l'objectif d'industrialisation et d'ouverture sur l'extérieur retenu par le VIe Plan (1971-1975). Ce bilan, objectivement positif, a sans doute influé sur le vote des Français en mars.

Expansion

L'année 1972, pourtant, ne s'annonçait pas bien. Au début de l'année, la préoccupation dominante concernait le rythme de l'expansion : serait-il assez rapide pour éviter une aggravation du chômage ? Les experts ne le pensaient pas, ni le gouvernement, puisque sa politique, tout au long du premier semestre, a eu pour objet de relancer l'activité (Journal de l'année 1971-72). Du coup, celle-ci s'est intensifiée, de sorte que la croissance de 1972 a été assez forte – du moins par rapport à la grisaille de l'environnement international : l'économie française a crû de 5,6 % ; ce chiffre est certes inférieur à l'objectif annuel du VIe Plan (5,9 %), mais il est très supérieur à l'expansion de la production étrangère (+ 3,7 %). 1972 restera l'année où le PNB de la France (c'est-à-dire la valeur de tout ce que le pays produit en biens et en services) a atteint 1 000 milliards de francs – dix fois plus qu'en 1950.

Le rythme de l'activité industrielle, qui avait nettement ralenti (4 % l'an au premier semestre), s'est progressivement accéléré à partir de l'été : à la rentrée, la pause saisonnière d'après les congés annuels n'a pas été observée et la production a forcé son allure, passant à 6/7 % puis à 9/10 % l'an. Ce rythme très rapide a été conservé au premier semestre de 1973. De sorte que le gouvernement a pu se présenter devant les électeurs, en mars, avec une production en hausse et un chômage en baisse.

Freinage

Hélas ! la tenue des prix risquait d'être moins brillante. Car l'accélération de l'expansion n'a pas manqué de se transmettre à l'inflation, qui est devenue le problème no 1. Du début à la fin de 1972, les préoccupations des Français se sont ainsi totalement retournées : si les bataillons de chômeurs n'ont pas été au rendez-vous de 1972, le péril s'est porté, symétriquement, sur le front des prix. Aussi le ministre des Finances, qui, au fur et à mesure qu'il annonçait le relèvement des prévisions de croissance, n'en répétait pas moins que la décélération de l'inflation était proche, a-t-il été contraint de changer son fusil d'épaule : l'heure n'était plus à la relance, mais au freinage...

Dès juin, puis en août et encore en novembre 1972, les autorités ont restreint la distribution des liquidités monétaires. En août, le gel des tarifs publics a été décidé, ainsi que des importations de viande (avec création d'un Office national) ; pendant le seul mois de novembre, le taux d'escompte a été porté de 5,75 % à 6,5 % puis à 7,5 % ! Mais la flambée de l'indice officiel du coût de la vie en octobre, connue fin novembre (+ 0,9 %), a déclenché le branle-bas de combat anti-inflationniste de décembre. Le nouveau plan antihausse comprenait : un sérieux tour de vis au crédit ainsi qu'un emprunt national de 6,6 milliards de francs dans le but de modérer la demande, et, pour agir sur les prix, la baisse des taux de la TVA (et sa suppression complète sur la viande). Au printemps 1973, le resserrement du crédit a encore été accentué.