Quand le Bœing 727 qui ramène le souverain du Maroc (après un séjour de trois semaines en France et une escale en Espagne) se trouve à la verticale de Tétouan, le 16 août 1972, quatre avions de chasse F-5 Northrop, de la base de Kenitra, apparaissent dans le ciel. L'un d'eux ouvre le feu sur le flanc gauche du Bœing royal, touchant deux réacteurs et endommageant la carlingue tandis qu'un autre s'attaque à l'aile gauche et un troisième aux tuyères d'échappement. Plusieurs personnes, dont le ministre du Tourisme, sont blessées. Le roi, lui, est sain et sauf. Le Boeing est enfumé et secoué de vibrations ; son commandant de bord, Mohamed Kabbaj, a du mal à tenir les commandes. Il fait transmettre par radio un message aux pilotes des F-5 indiquant que le pilote est tué, le copilote et le souverain grièvement blessés. Les mutins cessent alors le feu. Au prix d'extrêmes difficultés, le Boeing parvient à se poser vingt minutes plus tard sur l'aérodrome de Rabat Salé.

Après avoir passé en revue la garde et salué les personnalités venues l'accueillir, Hassan II se retire dans un bureau attenant au salon d'honneur lorsque le passage répété des F-5 lui donne la conviction que la ruse est éventée. Sortant de l'aérodrome en compagnie de son frère, le prince Moulay Abdallah, et de quelques personnalités, il se réfugie dans un petit bois de pins tandis que les F-5 attaquent en piqué et mitraillent le salon d'honneur. Quatre cents à cinq cents balles sont tirées. Des morts, des blessés, des vitres qui volent en éclats, des murs criblés de projectiles, des voitures qui explosent ; pendant dix minutes les rafales se succèdent.

Oufkir

Cependant la ville est calme. Apparemment, le complot se limite à quelques éléments de la base de Kenitra, d'où sont partis les F-5. Elle est bientôt investie par les troupes loyalistes sans qu'un coup de feu soit tiré. Son commandant, El Wafi Kouera, qui a sauté de son F-5 en parachute, est arrêté par la gendarmerie tandis que le lieutenant-colonel Amokrane, commandant adjoint des Forces de l'air, se réfugie à Gibraltar (les autorités britanniques le remettront aux Marocains). Dans son palais de Skhirat, le roi convoque le général Oufkir, ministre de la Défense, major général des Forces armées.

On apprend, le lendemain, que celui qui était jusqu'alors considéré comme l'homme fort du royaume s'est suicidé. Et sa mort n'est pas un suicide de loyauté mais un suicide de trahison, précise bientôt le souverain qui révèle qu'Oufkir était l'organisateur du complot.

Si les mutins avaient réussi à mener à bien leur action, ils auraient touché les réservoirs de kérosène du Boeing, provoquant ainsi la désintégration de l'avion. En raison du jeune âge – 9 ans – du prince héritier Sidi Mohammed, Oufkir aurait pu exercer le pouvoir. Oufkir, qui, pendant onze ans, paraissait avoir servi aveuglément le roi, n'est plus désormais qu'un félon, responsable de la dégradation des rapports franco-marocains à la suite de l'affaire Ben Barka.

Deux cents vingt militaires de la base aérienne de Kenitra sont arrêtés et traduits devant le tribunal militaire. Parmi les juges, le colonel Dlimi, directeur des aides de camp du roi, qui se trouvait auprès de lui dans le Boeing. Onze condamnations à mort sont prononcées, et les exécutions ont lieu le 13 janvier 1973.

Opposition

Après Skhirat, Hassan II avait déclaré : « Je vais changer quelque chose à ma façon de gouverner. » Cette fois, il lance un appel à « toutes les forces vives de la nation ». Mais le dialogue qu'il tente de renouer avec l'opposition, une fois encore, n'aboutit pas.

Il est vrai que la gauche connaît une période de crise. La commission administrative de l'Union nationale des forces populaires (UNFP) met fin à la mission du bureau politique – constitué par Me Abderrahim Bouabid, Abdallah Ibrahim, Mahjoub ben Seddik – accusé de carence. Des divergences entre le parti et la centrale syndicale de l'Union marocaine du travail aboutissent à une scission qui donne la branche de Rabat et la branche de Casablanca.