Journal de l'année Édition 1972 1972Éd. 1972

Les courses

Procès réels et fictifs

Vedette de l'année hippique 1971-72 : Monsieur X, dont le nom — Patrice des Moutis — a déjà été révélé au public à l'occasion de ses nombreux démêlés avec le PMU. Après une instruction qui n'a pas duré moins de neuf années, le procès de ce qu'on a appelé l'affaire du Prix de Bordeaux s'ouvre devant les juges de la 13e Chambre correctionnelle. À l'issue d'une course disputée à Vincennes le 2 décembre 1962, le PMU dénombra une accumulation anormale de paris tiercés comportant les cinq mêmes chevaux. 51 commissionnaires, représentant les commandos accusés d'avoir agi en violation de la loi de 1891 pour le compte d'un tiers à Marseille, Lyon, Lille et Bordeaux, sont présents dans la salle. L'interrogatoire d'identité révèle que certains collectionnent les condamnations. Considéré comme le cerveau de l'affaire, Patrice des Moutis, accusé de complicité de tentative d'escroquerie, transforme son propre procès en celui du PMU. Il expose sa conviction que cet organisme ne comptabilise pas tous les paris qu'il reçoit. Les débats durent six jours et, après un délibéré de deux mois, le tribunal rend sa sentence : Patrice des Moutis et ses coïnculpés sont relaxés. Phrase clé du jugement : « De simples spéculations à partir d'éléments incertains ne permettent pas de désigner Patrice des Moutis comme le maître d'œuvre d'une opération d'ensemble destinée à dépasser le plafond des enjeux... »

Les sociétés de courses et le Trésor public devront supporter les frais de justice, mais, le jugement n'étant pas exécutoire tant qu'il n'a pas été confirmé en appel, les 4 065 638 F de gains litigieux (qui, avec les intérêts, représentent quelque 7 millions aujourd'hui) réalisés par les amis de M. X lors du Prix de Bordeaux restent bloqués.

À l'occasion de ce procès, le tiercé est à plusieurs reprises mis sur la sellette, notamment à la télévision où M. X est invité à s'expliquer devant des journalistes et au cours d'une décevante émission de la série Procès. Bien que le montant des paris soit stationnaire, il ne semble pas, toutefois, que ce jeu connaisse un engouement moindre que les années précédentes.

Pour les courses, cette année marque un tournant et une arrivée. L'arrivée est celle des propriétaires japonais qui, jusqu'à présent importateurs de pur-sang — notamment d'étalons qu'ils payaient très chers —, semblent maintenant vouloir s'implanter en France. La victoire de Hard to Beat dans le Jockey-Club va certainement susciter des vocations : la télévision japonaise consacre deux heures d'antenne à la réunion de Chantilly. Acheté 6 millions de francs huit jours avant la course par Jungo Kashiyama, Hard to Beat en vaut 10 après son succès. Le tournant concerne l'élevage : fait curieux, la plupart des grandes épreuves classiques reviennent à des chevaux payés à des prix relativement modestes : Rescousse, gagnante du Prix de Diane : 30 000 F ; Prodice, gagnante du Saint-Alary et seconde du Prix de Diane : 7 000 F ; Hard to Beat yearling : 12 000 F, alors que les grands élevages traditionnels semblent marquer le pas et ne plus produire de cracks.

Aux courses, les hommes ont autant d'importance que les chevaux. Cette année est marquée par un mouvement d'entraîneurs : Albert Klimscha quitte la comtesse Batthyany, qui confie son important effectif à l'Argentin Ange Penna (qui ramène le jockey Jean Cruguet des États-Unis où il était considéré comme l'un des meilleurs professionnels) ; Daniel Wildenstein se sépare de Maurice Zilber : ses chevaux vont chez Albert Klimscha pour le plat et chez Georges Pelat pour l'obstacle ; l'ancien crack jockey britannique George Moore, installé à Chantilly, connaît, en tant qu'entraîneur, une carrière de météore : N.B. Hunt lui retire ses chevaux, qu'il confie à Maurice Zilber.

Yves Saint-Martin reste, aux yeux de beaucoup d'observateurs, le no 1 : en juin 1972, il est tête de liste des jockeys et il n'est pas impossible qu'il retrouve une cravache d'or qui, l'année dernière, est revenue à Freddy Head. En tout cas, sa victoire avec Rescousse, dans le Prix de Diane, restera comme modèle.