Dès 1964, la COMEX a commencé ses études en utilisant ses propres installations hyperbares. Puis, à partir de 1967, elle a signé des contrats de recherche avec les grands groupes pétroliers. Elf-Erap a financé pour moitié l'expérience Janus II, l'autre moitié a été payée par le CNEXO (Centre national pour l'exploitation des océans). En deux ans, celui-ci a versé à la COMEX 1 300 000 F pour un programme de recherche sur la plongée profonde et complété ses caissons par une grande hydrosphère qui reste sa propriété. L'hydrosphère est un caisson sphérique de 5 m de diamètre (le plus grand caisson « humide » du monde), dont les 35 m3 inférieurs sont remplis d'eau, permettant ainsi de reconstituer en caisson les conditions physiques de travail en mer.

« Janus II »

Du 17 au 24 septembre 1970, trois hommes, Patrick Cadiou, Christian Cornillaux et Michel Logier, sont descendus chaque jour travailler à 250 m de profondeur sous la surface des eaux du golfe d'Ajaccio. C'était la première fois au monde que du travail réel — raccordement de tuyauterie, découpage et soudure à l'arc électrique — était accompli à cette profondeur.

La technique avait été mise au point lors de phases préliminaires qui s'étaient déroulées du 24 avril au 6 mai 1970, dans des caissons classiques, puis du 10 au 20 août et du 30 août au 11 septembre dans l'hydrosphère. Expériences en caisson ou plongées réelles en mer, le rythme de vie a été le même. Les hommes séjournaient dans un caisson pressurisé à 21 bars (la pression régnant à — 200 m) et descendaient deux fois par jour travailler à 26 bars (la pression régnant à — 250 m). Le passage biquotidien des 26 bars aux 21 bars se faisait en quelques minutes ; mais la décompression finale a duré quatre jours.

Quatorze plongées à — 250 m ont été réalisées à bord de l'Astragale, le navire expérimental de la Société Doris (qui participe à la mise au point et à la construction d'équipements de la COMEX). Chaque homme a ainsi travaillé tous les jours au fond pendant trois à quatre heures. Mais la dernière plongée — le 24 septembre — a duré à elle seule trois heures dix minutes, montrant ainsi que le problème du froid — l'eau de la Méditerranée est à 12 °C — avait été résolu, alors qu'il avait fait échouer, en 1968, l'expérience Hydra de la même COMEX. Janus II a donc prouvé que l'homme a désormais accès aux 26 millions de kilomètres carrés de l'ensemble du plateau continental, dont la limite est habituellement l'isobathe 200 m (l'isobathe est la ligne qui, sur la carte, suit une profondeur déterminée).

« Physalie V »

Depuis avril 1970, le record de profondeur (fictive) était détenu par la Royal Navy, avec une descente de deux hommes en caisson jusqu'à une pression correspondant à – 457 m. Depuis le 19 novembre, le record appartient à deux Français, Patrice Chemin et Bernard Reuiller, qui, dans les caissons hyperbares de la COMEX, ont passé quelques minutes à – 520 m.

Le but de l'expérience n'était certes pas de décrocher un record. On voulait voir jusqu'où des hommes peuvent descendre sans dommage, si les mélanges respiratoires deviennent toxiques sous hautes pressions, et si une descente lente entrecoupée de très longs paliers peut faire reculer l'apparition du syndrome nerveux des grandes profondeurs. Sur les animaux comme sur l'homme, on avait, en effet, constaté, à des profondeurs variant selon les espèces, l'apparition de signes inquiétants : tremblements, somnolences, tracés électro-encéphalographiques anormaux, semblables à ceux qui caractérisent les crises d'épilepsie. Ce syndrome était d'ailleurs effectivement allé, chez le singe, jusqu'à la crise d'épilepsie. Or, l'expérience anglaise avait déjà montré qu'une descente lente et de longs paliers permettaient d'éviter les premières manifestations nerveuses du syndrome des grandes profondeurs.

La descente commence le 16 novembre 1970. Le 17, à 15 h, on est à – 350 m. Un long palier est alors marqué jusqu'au 18 à 7 h. De 7 h à 7 h 50, une reprise de mise en pression rapide fait atteindre – 402 m. Puis un ralentissement : de 7 h 50 à 17 h 45, on passe de – 402 m à – 460 m. Nouveau palier de seize heures quinze minutes. Le 19 à 10 h, la mise en pression reprend lentement : à 10 h 30, on gagne 30 m supplémentaires ; à 12 h 50, on atteint – 500 m ; à 17 h 23, on est à – 520 m. Les deux hommes, en pleine forme, voudraient continuer après quelques minutes. Par prudence, les Drs X. Fructus et R. Naquet, qui dirigent l'expérience, décident la remontée et après une heure et dix-sept minutes à – 518 m, la décompression commence. Elle durera 210 heures.

« Béluga »

Le froid est l'un des pires ennemis du plongeur. Les mélanges respiratoires à l'hélium — l'hélium remplace obligatoirement l'azote à partir de – 80 m — favorisent les déperditions calorifiques. Les caissons alimentés en mélange à l'hélium doivent être chauffés à 30 °C pour que les hommes n'y grelottent pas. Dans des eaux dont la température n'est que de quelques degrés, les plongeurs revêtent des combinaisons chauffantes et le mélange respiratoire est réchauffé à 37 °C avant d'être inhalé. Or, le plateau continental prolongeant en mer les régions arctiques commence à intéresser fortement les pétroliers.