Les trois principaux festivals pop de l'été qui se sont tenus en août à Aix-en-Provence, à Valbonne et à Biot ont causé des soucis à leurs promoteurs. Quelques désordres, des résultats financiers médiocres ont terni des fêtes où se produisirent des groupes et des vocalistes de tout premier plan : Leonard Cohen, Johnny Winters, Mungo Jerry, Catherine Ribeiro, Joan Baez, Country Joe, Frank Zappa et Jean-Luc Ponty. Plus ordonné, plus constructif, peut-être parce que l'auditoire anglo-saxon est plus réfléchi, fut le Festival qui se déroula du 28 au 30 août dans l'île de Wight, avec Richie Heavens, Leonard Cohen, Jethro Tull, les Ten Years After, les Moody Blues, Procol Harum, les Voices of East Harlem, Joan Baez, Sly and Family Stones, les Who, Jimi Hendrix et Miles Davis.

La présence des Pink Floyd à la fête de l'Humanité, en septembre, aux côtés de Michel Polnareff et de Marcel Amont, confirme que la pop est devenue sous toutes les latitudes occidentales un divertissement pour tous. Après les vacances, Paris fut ainsi le théâtre d'événements importants, dont le plus marquant fut le passage des Rolling Stones au Palais des Sports les 22, 23 et 24 septembre. Depuis la dispersion des Beatles, ce groupe est celui qui conserve la popularité la plus sûre. Au cours du même programme, deux authentiques créateurs du blues : les Noirs Buddy Guy et Junior Wells, furent totalement incompris par l'assistance, qui prouva une fois de plus qu'elle s'attache plus aux apparences qu'à la musique. Néanmoins, les Stones sont arrivés à une sorte de perfection dans la violence avec laquelle ils expriment, en l'adaptant aux goûts de leur clientèle, le blues.

Prêtres de la pop

En revanche, le 30 janvier, à l'Olympia, le couple Ike et Tina Turner rétablit la hiérarchie de l'authenticité. Spectaculaire et lascive, Tina Turner est une vocaliste dans la meilleure veine des lionnes noires. Directement issue du gospel et de la soul music, finalement plus fidèle à la tradition du swing nègre qu'aux modes actuelles, Tina Turner prouve que l'on ne peut exclure une notion de prédisposition raciale, ou plutôt ethnique, dans l'exaltation des vertus rythmiques.

L'Olympia est donc toujours le temple parisien où les grands prêtres de la pop viennent régulièrement officier. Parmi eux, au fil des Musicoramas, les Doors, Jethro Tull, Deep Purple, Donovan, Muddy Waters, Mungo Jerry, Buddy Miles et The Band. Quant aux Blood, Sweat and Tears, ils furent les hôtes du Gaumont en septembre, tandis que East of Eden fut présenté au Théâtre de la Ville, au mois de mai.

Fin des Beatles

Les clubs de jazz, dont la mode subit une éclipse à Paris, tout comme à New York d'ailleurs, programment eux aussi de la pop et du free. Au Chat qui Pêche, petite cave inconfortable de la rue de la Huchette, sont présentés aussi bien le Total Issue, Jean-Luc Ponty, Richard Boone, Ted Curson que des jazzmen orthodoxes, tels Guy Lafitte ou Stan Getz. Il est dommage que l'activité réduite des clubs ne donne pas plus la possibilité aux groupes français de pop et de jazz de jouer pour le public en direct. On aimerait, en effet, que les orchestres Magma, Red Noise, Triangle, Variations, Zoo, ne limitent pas leurs apparitions à des festivals épisodiques.

Il y a le disque, il est vrai. Mais ce sont les microsillons d'importation qui ont le plus la faveur, tant il apparaît que les goûts ont tendance à s'uniformiser dans nos sociétés occidentales. Ainsi les meilleures ventes sont obtenues par la publication des albums posthumes de Janis Joplin et de Jimi Hendrix, par les vocalistes Aretha Franklin, Bob Dylan, Leonard Cohen, Tom Jones, par les groupes des Rolling Stones et des Beatles.

Evénement capital à propos de ces derniers : au moment où ils sont au sommet de leur gloire (l'album Let it be fut l'un des best-sellers de l'été 1970), les Beatles, qui contribuèrent essentiellement à définir le grand mouvement de la pop'music de ces dix dernières années, décident de rompre leur association. Ils continuent à enregistrer séparément.