Le Paris Jazz Festival a tenu ses assises au palais de Chaillot, du 23 au 29 octobre. Bonne année pour ce festival qui présente toujours un large éventail de talents et de genres : Phil Woods and his European Swing Machine, Buddy Rich and his big band, Ivan Jullien, le Modem Jazz Quartet, le trio Martial Solal, le quartette d'Earl Hines, Jean-Claude Naude et son grand orchestre, le trio de Dave Brubeck avec Gerry Mulligan, la chanteuse Anita O'Day, Georges Arvanitas, le sextette de Charlie Mingus, le trio de Michel Roques, et le grand orchestre de Kenny Clarke et de Francis Boland. Une révélation, le batteur Buddy Rich, quinquagénaire robuste à la technique insurpassable.

En novembre, Paris applaudit Oscar Peterson et son trio, et la chanteuse Ella Fitzgerald, concerts sans surprise ni déception. Le 9 du même mois, à la Salle Pleyel, retour aux origines du blues avec Bakka White, Champion Jack Dupree, Willie Dixon, Sonny Terry et Brownie Mac Ghee, et, au même programme, la chanteuse de gospels Sister Rosetta Tharpe. Une soirée folklorique avec beaucoup de guitare, d'harmonica et des contes du Mississippi. Le 9 mars, Lionel Hampton fait une apparition attendue. Mais, en dépit de la présence dans son groupe du ténor Illinois Jacquet et du jubilant Milt Buckner au piano et à l'orgue, beaucoup regrettent que ce vibraphoniste étincelant ne soit plus entouré du grand orchestre qui le porta au tout premier plan il y a vingt ans.

Également à Paris, le 4 mai, c'est le retour très applaudi, Salle Pleyel, du grand orchestre de Count Basie, avec Freddie Greene, Al Grey et Eddie Davis. Il participe aux récitals d'Ella Fitzgerald, jouant pendant la première partie et l'accompagnant dans la seconde. Le 11 mai, c'est le tour du pianiste Erroll Garner, dont la formule séduisante, inventée il y a vingt-cinq ans, continue à attirer un public qui n'est pas seulement celui du jazz.

Enfin la saison européenne s'achève en juin par les rencontres jazz et pop de Montreux avec la participation de Melanie, des pianistes Ahmad Jamal et Hampton Hawes, du batteur Max Roach et de la chanteuse Roberta Flack. La présence, les 3 et 4 avril, d'un groupe de free jazz au Festival de musique contemporaine de Royan a suscité un intérêt qui dépasse de loin le seul attrait de la curiosité. Les recherches d'Alan Silva et de son New Phonic Art, déjà présentées à la Maison de l'ORTF le 29 décembre, sont acceptées avec une réceptivité sympathique et vibrante par un public de mélomanes habitué à John Cage et Xenakis.

Frontières floues

Les jeunes musiciens se divisent en deux groupes. Les uns, ceux du free jazz, se coupent délibérément de la foule, ne voulant ou ne pouvant s'abaisser. Les autres, ceux du rock and roll et du pop, vont au-devant des désirs du plus grand nombre, considérant que l'exaltation rythmique se suffit à elle-même et renoncent à toutes recherches ésotériques sollicitant chez leurs fidèles des transes plus ou moins physiques.

Cependant, on découvre chez le trompettiste Miles Davis, le violoniste Jean-Luc Ponty, le saxophoniste Phil Woods, le batteur Tony Williams, les guitaristes John Mac Laughlin et Larry Corryell le désir d'intégrer les sonorités et les rythmes d'instruments révélés par la pop'music, notamment le piano électrique, la fender bass et les guitares wa-wa, dans le cadre de la petite formation d'improvisation de jazz. C'est encore Miles Davis qui a le mieux réussi ce mariage. La frontière est de plus en plus floue entre le monde du jazz et celui de la pop.

Mosaïque de genres

S'il est possible de définir avec précision les limites de l'art négro-américain désigné sous le nom de jazz depuis près d'un demi-siècle, l'univers de la pop est une mosaïque bariolée de genres très divers. Pour les fans, et ils sont nombreux, n'est pas forcément pop ce qui est populaire. Le public de la pop admire sans beaucoup de discernement des œuvres inspirées par le gospel ou le blues, des chansons du folklore de l'Ouest américain, des mélanges d'hindouisme et de musique élisabéthaine, pourvu que ses idoles arrivent à donner l'impression d'une sincérité qui, en fait, est tout aussi ambiguë que celle des vedettes d'autrefois.