Journal de l'année Édition 1971 1971Éd. 1971

Conjoncture économique

La nouvelle inflation

Identifier l'inflation : tel a été le problème no 1 de l'économie française en 1970-71. La réussite de la dévaluation du franc, incontestable dans l'immédiat, n'a pas complètement rassuré les Français sur l'avenir de leur économie. En effet, les prix et les revenus ont continué de croître, même en 1971, à un rythme trop élevé pour que l'équilibre économique paraisse assuré durablement. Et si, durant l'été 70, on cherchait à sortir du mini-plan de stabilisation qui avait accompagné la dévaluation d'août 1969, au début de l'été 71 c'était la question inverse qui se posait : ne fallait-il pas prévoir un nouveau plan d'austérité ? Seulement, on ne choisit pas une thérapeutique sans connaître exactement le mal qu'il faut soigner. Il y a inflation et inflation. L'évolution de l'économie française en 1970 et en 1971 pose à cet égard quelques énigmes troublantes.

Équilibre des échanges

Les résultats globaux de l'année 70 sont relativement satisfaisants. Le point marquant est le renversement de tendance de notre commerce extérieur : alors qu'en 1969 nos achats à l'étranger avaient crû beaucoup plus vite que nos ventes, provoquant un déficit qui conduisit à la dévaluation, en 1970 les ventes à l'extérieur ont augmenté plus de deux fois plus vite que les achats, grâce à quoi l'équilibre des échanges fut rétabli dès le printemps.

Toute l'économie française s'est trouvé tirée en avant par les exportations. Le transfert, souhaité par le gouvernement, d'une partie de la demande intérieure vers la demande extérieure s'est donc réalisé. Aucune récession chez nos principaux clients étrangers n'est venue contrarier le mouvement ; au contraire, l'inflation généralisée, notamment en Allemagne (notre principal client), nous a été largement favorable. Les Français ont été sobres : ils n'ont accru leur consommation que de 4,4 % au total par rapport à 1969 (contre 6,5 % l'année précédente). Les administrations ont même fait preuve d'une véritable austérité : leur consommation ne s'est accrue que de 1,9 %.

Au début de l'été 1970, on commence même à s'inquiéter de l'abstinence des consommateurs. Les grands magasins se plaignent de faire de mauvaises affaires. Les pouvoirs publics, soucieux de ne pas trop prolonger la diète, desserrent les contraintes : en juillet, ils débloquent un peu plus d'un milliard de francs de crédits budgétaires gelés ; en août, ils assouplissent le contrôle des changes pour permettre aux Français de voyager plus commodément à l'étranger ; ils abaissent le taux d'escompte de la Banque de France, qui revient de 8 % (niveau record) à 7,5 % ; en septembre, les restrictions sur le crédit à la consommation sont assouplies ; en octobre, le taux d'escompte est abaissé à nouveau, revenant à 7 %, tandis que le carcan dans lequel l'ensemble du crédit était enfermé est enlevé.

La préoccupation du gouvernement est, alors, de ne pas remplacer une crise financière par une crise sociale. Les statistiques de l'emploi révèlent, en effet, une réapparition très nette du chômage : le nombre des demandes d'emploi non satisfaites (corrigé des variations saisonnières) est passé de 220 000 au début de 1970 à 310 000 en novembre. Bien que ces chiffres aient été quelque peu faussés par la mise en place de l'Agence nationale de l'emploi, qui recense mieux les personnes à la recherche d'un travail, la tendance est préoccupante. D'autant que l'indice de la production industrielle est stagnant depuis le début de l'année.

La consommation repart

À l'automne, changement de décor : les Français retrouvent le chemin des magasins ; la consommation repart et, avec elle, la production. Alors que, de janvier à octobre, l'indice n'avait progressé que d'un tout petit point, d'octobre à janvier il gagne 4 points. À partir de janvier 1971, le chômage lui-même se met à décroître.

Prise dans son ensemble, l'année 1970 présente des résultats honorables, puisque la production globale est en hausse d'un peu plus de 6 % par rapport à 1969, ce qui permet de dépasser légèrement les objectifs du Ve Plan (1966-1970) malgré la crise de 1968.