Armée

Les réformes opèrent de profondes transformations

La nomination, en juin 1969, de Michel Debré au poste de ministre d'État chargé de la Défense nationale a coïncidé avec la mise au point définitive d'une série de réformes des institutions militaires préparées par son prédécesseur, P. Messmer. Le plus attendu de ces différents projets a été, sans conteste, la réorganisation du service national, votée par l'Assemblée nationale le 10 juin 1970.

Michel Debré et son secrétaire d'État, André Fanton, ont voulu à la fois rajeunir le contingent — qui était appelé sous les drapeaux de plus en plus tard en raison de la prolongation de la scolarité — et réduire à un an (au lieu de seize mois) la durée du service. À leur libération, quel que soit leur âge, les appelés pourront s'inscrire sur les listes électorales.

4 Français sur 5

Dans leur très grande majorité, les jeunes Français seront incorporés entre 18 et 21 ans, selon qu'ils auront ou non achevé leur apprentissage ou leurs études secondaires dans ces délais. Seuls bénéficieront d'un sursis les étudiants en médecine, les personnels de la coopération à l'étranger (au nombre de 10 400 en 1969), des spécialistes (environ 2 000) qui occuperont des emplois scientifiques dans des laboratoires dépendant des armées et des professeurs du contingent qui enseigneront dans des écoles militaires.

Signant un véritable contrat avec l'État qui les choisit, tous ces sursitaires s'engageront à faire 16 mois de service militaire, mais ils toucheront en contrepartie un salaire au-delà de la durée d'un an, à l'exception des coopérants techniques, qui serviront pendant 21 mois et qui seront immédiatement rétribués.

La réduction du nombre des sursitaires amènera la disparition des conseils de révision, qui avaient pour tâche de délivrer les sursis. En 1969, on a enregistré 110 000 demandes de sursis, le quart de la classe d'âge, mais 92 000 seulement ont pris effet. En modifiant ainsi les critères du recrutement et en limitant le nombre des exemptions pour des inaptitudes physiques ou psychologiques (de l'ordre de 13 % des 440 000 recrues chaque année), le ministre de la Défense appellera sous les drapeaux quatre Français sur cinq.

Un autre aspect de la réforme vise à créer des unités de promotion sociale où seront regroupées, au-delà de la durée légale, des recrues qui ne possèdent pas le niveau du certificat d'études primaires. Il est prévu que des spécialistes civils leur dispensent des cours de rattrapage professionnel et scolaire dans la limite de 16 mois de service.

Rénovation

En même temps, les armées ont prévu de mettre à la disposition de certains ministères civils (l'Agriculture, l'Intérieur ou la Jeunesse et les Sports) une partie du contingent pour des tâches épisodiques d'intérêt national. Certains régiments recevront une formation spéciale de protection civile qui leur permettra d'intervenir, à la demande des autorités, pour des missions d'assistance et de secours. Le cas échéant, une administration ou une collectivité locale pourront obtenir le concours d'unités militaires nommément désignées, entraînées et encadrées pour des tâches de sauvegarde de la nature, comme la surveillance des parcs nationaux. Enfin, la gendarmerie confiera à de jeunes appelés des missions concernant la sécurité routière.

Michel Debré n'a pas voulu seulement modifier l'organisation du service national, il a aussi invité les cadres de carrière, dans une instruction sur la formation générale qu'il leur a adressée en avril 1970, à participer à la « rénovation » des armées.

Les maîtres mots de l'instruction ministérielle sont : organisation, information et participation, et ils s'appliquent dans la vie courante à tous les instants de l'instruction du personnel et lors des manœuvres comme dans les loisirs et les activités de promotion sociale.

Selon le ministre de la Défense, une organisation « vivante » du milieu militaire est la condition de son efficacité, mais elle doit susciter les initiatives et permettre de répartir largement les responsabilités. Pour y parvenir, l'information doit circuler dans les deux sens et porter sur la vie de l'unité et des forces armées, sur les problèmes d'ordre personnel et — avec nuance et prudence — sur l'activité nationale ou internationale. Enfin, la participation suppose « le respect des opinions » et « l'établissement d'un dialogue spontané et constructif entre échelons successifs », mais il reste entendu « que la décision n'appartient qu'au chef ».