En attendant, on admet toujours que la cellule ne se dédifférencie pas sous l'influence d'une seule cause : le cancer est l'étape ultime d'une histoire. Néanmoins, les chercheurs gardent l'espoir (et la crainte) de cerner finement un modèle de cancérisation. C'est pourquoi ils se penchent sur le virus, agent causal sujet à caution, mais merveilleux outil de travail comparativement aux substances chimiques et aux agents physiques, qui créent au bout de longs mois des lésions mal définies et incontrôlables. Trouvera-t-on un modèle de dédifférenciation suffisamment fondamental pour être unique ?

À cette question, on peut répondre qu'il y a une centaine d'années le fameux moine Mendel a découvert en expérimentant sur des petits pois les règles de base de la génétique, valables aussi bien chez les végétaux que chez l'homme.

Le problème du vaccin anticancer

Qui dit virus dit vaccin, sérum à plus ou moins lointaine échéance. Tout en gardant foi dans sa discipline, l'immunologiste demeure réservé, car l'immunothérapie présente trois caractères importants :
– D'étroites limites : on admet qu'en stimulant activement, mais non spécifiquement les défenses immunitaires d'un organisme au moyen du BCG ou d'un autre bacille atténué, on peut éliminer de 10 000 à 100 000 cellules. Or, une tumeur de 1 g compte environ un milliard de cellules. Cette forme d'immunothérapie est surtout employée dans le cas des leucémies en rémission ;
– Des difficultés : l'antigénicité de certaines tumeurs d'origine virale (c'est-à-dire leur pouvoir de susciter la formation d'anticorps) est admise, mais le vaccin antivirus est encore du domaine des espérances lointaines. Dans le cas des tumeurs provoquées par des agents chimiques ou physiques, les anticorps sont différents pour chaque malade. Il faudrait faire un vaccin particulier pour chaque cas ;
– Des dangers : l'expérimentation sur l'animal a montré que les cellules cancéreuses pouvaient se trouver paradoxalement protégées par les sérums, auquel cas la tumeur se développe de façon galopante et échappe à toute thérapeutique ultérieure.

Offensive de la tuberculose et de la syphilis

La menace de la rage a suscité quelque alarme (Journal de l'année 1968-69) ; d'autres maladies infectieuses, que chacun peut assez facilement contracter, semblent, à tort, oubliées du public. Le vieux péril vénérien n'effraie plus. La tuberculose, pas davantage. Ces infections restent pourtant dangereuses et posent un problème.

Les déserteurs du BCG

Tandis que — par des mesures draconiennes — la Hollande et le Danemark ont pratiquement éradiqué la tuberculose de leur territoire, la France détient les chiffres records pour tous les pays européens, avec quelque 45 000 nouveaux cas chaque année, et une mortalité de 10,1 pour 100 000 habitants, soit 5 261 décès en 1968. À cette permanence d'une maladie parfaitement curable, et que l'on peut éviter, il y a plusieurs raisons. Tout d'abord, un certain pourcentage de travailleurs émigrants arrivent en France malades ou, assez sensibles au bacille de Koch, deviennent tuberculeux, se soignent mal et sont contagieux. D'autre part, le BCG se heurte à un préjugé tenace : 40 à 50 % des assujettis échappent à la vaccination grâce à des certificats (complaisants) de contre-indication. À noter aussi qu'un BCG qui ne donne pas ou ne donne plus lieu à une intra-dermo réaction positive n'a aucune valeur. La durée de la protection induite est très variable selon les individus et doit être contrôlée une fois par an. Si la zone d'induration produite par l'allergie à la tuberculine décroît ou disparaît, c'est que l'immunité conférée par le bacille de Calmette et Guérin décroît également ou disparaît, et il est nécessaire alors de procéder à une seconde vaccination.

Ce sont enfin les malades eux-mêmes qu'il faut incriminer. Comme la tuberculose exige un traitement de douze à dix-huit mois et comme certains antibiotiques présentent des inconvénients secondaires mineurs, la tentation est grande, soit d'abandonner prématurément toute médication, soit de faire un tri parmi les remèdes.