Le cœur de l'antenne à détecter les ondes gravitationnelles est constitué de cylindres d'aluminium massif de plus d'un mètre de long sur un mètre de diamètre. L'appareil est assez sensible pour détecter le bombardement des molécules de l'air sur les cylindres, ce qui déplace les faces d'un millionième de milliardième de centimètre !

Ondes et parasites

De telles sensibilités posent de sérieux problèmes, car beaucoup d'autres phénomènes peuvent ébranler les masses aussi légèrement : microséismes, ondes électromagnétiques, rayons cosmiques, déplacements d'objets ou de personnes au voisinage de l'appareil... Sans le dépouillement des mesures par une technique spéciale dérivée du calcul des probabilités, il serait impossible de distinguer l'effet de ces parasites de celui d'une véritable onde de gravitation. Weber emploie donc deux antennes identiques, situées à 1 000 km l'une de l'autre, et reliées par téléphone à un centre de calcul, qui sélectionne automatiquement les coïncidences entre les signaux. Seule une onde de gravitation peut agir en même temps sur deux antennes aussi éloignées.

La technique des coïncidences élimine ainsi la plupart des parasites locaux. Évidemment, des microséismes ou toute autre cause peuvent donner des coïncidences fortuites, mais le calcul montre qu'elles ne se produiraient qu'à peu près tous les quarante-huit ans. Or, dans les expériences les plus récentes, des coïncidences apparaissent en moyenne tous les deux jours. Il semble donc bien qu'on ne puisse les expliquer que par l'action des ondes gravitationnelles. D'où viennent ces ondes ! Les résultats de Weber paraissent s'expliquer par l'existence d'une source vers le centre de notre Galaxie. Cette région échappe à l'observation astronomique, car elle est cachée par de très nombreux nuages de poussières disséminés entre les étoiles. On sait cependant, d'après les calculs et l'observation d'autres galaxies, que la densité des étoiles y est très grande. Weber pense qu'une part importante des ondes gravitationnelles qu'il observe sont produites par les collisions incessantes entre les étoiles tassées dans ce centre. Mais le débat reste ouvert. Un théoricien de New York, George Greenstein, croit avoir prouvé que le flux de radiation observé par Weber entraînerait une déperdition de la masse du centre tellement rapide que la Galaxie ne devrait plus exister à notre époque !

TSF de 1900

La découverte des ondes de gravitation, ces discussions le montrent, ouvre tout un domaine nouveau. Leur technologie est encore à l'état de celle de la TSF vers 1900 ; aussi est-il un peu tôt pour envisager d'autres applications que la recherche pure. Mais rien ne permet de douter qu'elles puissent un jour être utilisées à des fins très pratiques. Leur intérêt théorique est déjà évident ; la majeure partie de l'énergie de notre univers se propagerait en tous sens sous forme d'ondes gravitationnelles qui nous baignent de toute part. L'appareil de Weber est encore trop peu sensible pour les détecter toutes ; s'il y parvenait, nous posséderions une donnée de plus pour connaître l'âge exact et le devenir de notre univers.

À Serpoukhov, l'antimatière

La construction d'un grand accélérateur commence près de Chicago ; dans un premier temps, il communiquera aux protons une énergie de 200 GeV (milliards d'électron-volts), puis ira ensuite jusqu'à 400 GeV. Durant ce temps, le projet du grand accélérateur européen s'enlise dans le marais des marchandages internationaux. La réunion à l'échelle ministérielle qui devait, au début de l'année 1970, décider du choix du site n'a pas pu se tenir, le gouvernement de Bonn ayant fait savoir par avance qu'il se retirerait du projet si le site allemand n'était pas adopté.

Les physiciens du CERN ne perdent cependant pas tout espoir et mettent ce nouveau délai à profit pour élaborer des projets de remplacement ; utilisant la nouvelle technique des aimants supraconducteurs, ils prévoient un synchrotron qui, dans sa version finale, atteindrait 1 000 GeV.

Le laboratoire soviétique de Serpoukhov demeure, avec son accélérateur de 76 GeV, le haut lieu de la physique des hautes énergies. On y a synthétisé pour la première fois des noyaux d'antimatière (dans lesquels les protons sont remplacés par des antiprotons, porteurs de charges négatives) : anti-deutérium et anti-hélium.