Dans les branches toutes neuves de la science, les questions soulevées sont bien plus nombreuses que les réponses. Comparée à l'astronomie optique ou à la radio-astronomie, la gamma-astronomie est très jeune et difficile. Elle utilise, pour sonder l'infiniment grand, les instruments et les données les plus fins de la physique nucléaire, c'est-à-dire la connaissance de l'infiniment petit. C'est un bel exemple de l'unité de la science. On comprend la fièvre dans laquelle se préparent les nouvelles expériences si l'on songe que seules les étoiles à rayons gamma peuvent nous donner certaines réponses capitales sur la distribution de la matière et sur son histoire dans notre Univers.

Le grand observatoire européen du Chili

À 500 km au nord de Santiago du Chili, sur un sommet désertique des pré-Andes, à 2 400 m d'altitude, se poursuit l'installation d'un des plus importants complexes astronomiques du monde.

Le projet avait pris forme le 5 octobre 1962 ; une convention était signée par la France, la République fédérale allemande, la Belgique, les Pays-Bas et la Suède, créant une organisation chargée d'implanter un grand observatoire sous le ciel de l'hémisphère austral, encore peu connu (bien que fort riche en objets du plus grand intérêt, comme les nuages de Magellan et le centre de notre Galaxie.

On taille aux ateliers REOSC installés à Ballainvilliers, dans la région parisienne, l'un des plus grands miroirs astronomiques jamais réalisé (366 cm de diamètre, 53 cm d'épaisseur, poids 11,3 t) ; il équipera le télescope central de l'observatoire, dont la mise en service est prévue pour 1974-75.

Avec une optique d'une qualité sans précédent, en silice fondue, placée dans un site d'une valeur exceptionnelle, tant par la transparence du ciel que par l'absence de turbulences, les astronomes européens espèrent obtenir des résultats comparables à ceux du télescope de 508 cm du Mont-Palomar.

Plusieurs autres télescopes importants, jusqu'à 180 cm de diamètre, équiperont le site, notamment un grand télescope de Schmidt (à grand champ et grande luminosité) de 162/104 cm, dont l'optique est en cours de réalisation à l'observatoire de Paris.

Les noyaux des galaxies et les dimensions de l'Univers

Les premiers résultats des observations effectuées dans l'ultraviolet lointain par l'Observatoire astronomique orbital (OAO) posent le problème de la structure des galaxies et de la nature des mystérieux quasars (Journal de l'année 1967-68) ; ils laissent aussi présager de nouvelles révisions de l'échelle des distances dans l'Univers.

Univers en ultraviolet

Lancé le 7 décembre 1968, à 780 km d'altitude, le satellite astronomique OAO 2 (un premier OAO avait échoué en avril 1966) constitue le plus lourd satellite scientifique des USA jamais lancé, avec ses 2 t en charge, dont 450 kg d'équipements, et une dizaine de télescopes.

L'ozone de la haute atmosphère intercepte tout le rayonnement ultraviolet de longueur d'onde inférieure à 2 900 A (A : angström ou dix-millionième de millimètre). Ainsi, par exemple, en est-il malheureusement de la brillante et significative raie Lyman-α de l'hydrogène, à 1 216A.

Les études réalisées dans l'ultraviolet lointain par les instruments d'OAO 2 ont porté sur un très grand nombre d'objets célestes : étoiles, nébuleuses diffuses, une comète exceptionnelle (entourée d'un halo d'hydrogène de la dimension du Soleil) et une quinzaine de galaxies. La grande découverte réside dans l'intensité insoupçonnée de l'émission ultraviolette de chacun de ces types d'objets.

Dans la plupart des galaxies, on connaît l'existence, au sein de la condensation centrale souvent observée, d'une formation d'aspect ponctuel, le noyau. L'observation dans l'ultraviolet lointain confirme que le noyau est la principale source d'émission des galaxies. L'existence de noyaux très compacts, sources très intenses d'émissions ultraviolettes, rapprochée de l'existence de radio-galaxies fortement émettrices dans les régions centrales, pose la question d'une proche parenté avec les énigmatiques quasars, découverts en 1961. Comme les noyaux galactiques, ces radio-sources très puissantes et très lointaines présentent optiquement un aspect stellaire, bien qu'elles révèlent à l'étude des structures radio souvent multiples, avec noyaux et halos de gaz. Cette parenté paraît confirmée par l'observation d'objets bleus quasi stellaires intermédiaires, sans rayonnement radio intense. Les uns et les autres, de même que les noyaux galactiques, sont très lumineux dans l'ultraviolet.

Astre super-massif

De ce fait, on pense que les noyaux sont tout différents de simples agglomérations d'étoiles, pour lesquelles on les avait pris très longtemps. Les astrophysiciens de l'observatoire de Burakan (URSS) proposent une théorie suivant laquelle le noyau des galaxies serait constitué par un astre super-massif, ce qui expliquerait de nombreux phénomènes constatés : émission de nuages de gaz à des vitesses élevées (des milliers de kilomètres à la seconde), explosions libérant des énergies comparables à celle de 1 000 milliards de supernovae, avec émission de nuages de gaz pouvant peser, au total, un million de fois le Soleil. Les radiogalaxies seraient les restes de telles explosions.