Le premier Noël de la concurrence des deux chaînes se révèle bien terne. Le propos de Pierre Sabbagh est de distraire les spectateurs de la première chaîne, tandis que Maurice Cazeneuve souhaite entraîner ceux de la deuxième au domaine de la poésie et de la féerie musicale. Bien que spécialement conçues pour les fêtes, les émissions traditionnelles ne tirent pas le téléspectateur de son ennui chronique. Il subit sans enthousiasme des émissions sans éclat : l'Homme hanté, traditionnel conte de Noël, emprunté à Charles Dickens ; Samsong, conte musical sur une idée de Billy Nencioli et Bob Duparc ; l'Envolée belle, d'Alexandre Rivemale et Jean Prat, sorte de fable sur le thème d'un rêve très cher à l'homme, voler ; le Songe d'une nuit d'été, de Shakespeare, monté par Jean-Christophe Averty ; l'Étoile, de Chabrier ; Giselle, ballet dansé par Erik Bruhn et Caria Fracci ; Une nuit à Paris, comédie musicale sur une intrigue policière, et un feuilleton inspiré par les Cahiers du capitaine Coignet.

Le 5 janvier, Pierre Sabbagh et Maurice Cazeneuve, respectivement responsables des programmes de la première et de la deuxième chaîne depuis août 1968, sont officiellement nommés directeurs de la première et de la deuxième chaîne. Le poste de directeur de la télévision est supprimé. André François se voit confier la direction du service de l'inspection générale ; il s'occupe, en outre, de l'étude des rapports de la télévision avec le cinéma et les moyens audiovisuels extérieurs. Le but de la réforme est de créer un esprit de compétition entre les deux chaînes, mais la concurrence ne doit pas, cependant, s'exercer dans l'anarchie. Il faut éviter les doublons, trouver équilibre et harmonie. Les services de production restent communs aux deux chaînes ; la coordination financière et administrative est confiée à Xavier Larère, ancien chef de cabinet de J.-J. de Bresson.

Sur-information

Le 19 janvier, Jacqueline Baudrier lance un grand show d'information quotidien qui dure une heure (19 h 30-20 h 30). Après l'annonce, brève, des nouvelles, on peut y voir des sujets-magazines d'actualité moins immédiate, qui présentent les problèmes de notre époque à travers les hommes. Le détail de l'actualité du jour est donné au cours de la deuxième demi-heure et suivi d'un autre sujet-magazine. Cette réorganisation se traduit par la disparition des magazines d'information comme Régie IV et Point-Contrepoint. Certains producteurs sont intégrés à l'équipe afin d'assurer des rubriques, au fil de l'actualité, tandis que d'autres reprennent leur liberté. Le dimanche, 24 heures sur la 2 ne dure qu'une demi-heure, mais, un dimanche par mois, est diffusée une nouvelle émission de Frédéric Rossif, Jean Ferniot et Roland Sadoun, l'Avocat du diable.

Sur la première chaîne, quatre magazines mensuels d'information le mardi : XXe Siècle (le couple, le crime, le Japon), transfuge de la deuxième chaîne qui a suivi l'un de ses producteurs, Pierre Desgraupes ; À armes égales (Debré-Duclos, Servan-Schreiber-Giscard d'Estaing, Riboud-Descamps Faure-Rocard), version revue et corrigée de l'ancien Face à face ; l'Hexagone, dont le numéro sur l'agriculture (Adieu coquelicots) vaut à François-Henri de Virieu d'être la cible des exploitants agricoles, et le Quatrième Mardi (la catastrophe de Val-d'Isère), qui présente chaque fois un dossier complet sur un problème d'actualité.

Le téléspectateur, qui s'est plaint longtemps de ne pas être informé, ne tarde pas à être sursaturé par le nombre des tables rondes, causeries, entretiens, tribunes et débats. Ce raz-de-marée mis à part, la télévision ne lui offre guère de raisons de satisfaction.

La valeur des dramatiques est de plus en plus discutée. Au théâtre ce soir (Un amour qui ne finit pas, Service de nuit, Match, les Hussards, Affaire vous concernant, George et Margaret, les Enfants d'Édouard, les Joyeuses Commères de Windsor, Ombre chère) bénéficie d'une audience stable de 70 %. Mais faire de cette série populaire l'émission dramatique type, c'est oublier la véritable création télévisuelle. La direction de l'Office en est consciente. Elle confie à Jacques Dacqmine la gestion d'un bureau d'accueil des idées et des textes il s'agit de trouver un style nouveau.

Dramatiques discutées

Marchant sur les traces d'un certain cinéma-vérité, une mode se fait jour : on filme dans la rue, avec des caméras légères de reportage et des équipes réduites (Un seul jour de la vie, de Françoise Dumayet) et quelquefois même des acteurs non professionnels (Un fils unique et Demain, la fin du monde, de Michel Polac ; l'Usine, un jour, de Jacques Krier). On meuble les blancs avec la série Voir et revoir, qui diffuse pour la deuxième fois des émissions appréciées : la Tour de Nesles, la Nuit de nos adieux, la Bien-Aimée, l'Arlésienne, les Indes noires, l'Espagnol.