Adoptée le 28 octobre 1969, la réforme laisse insatisfaite le GEROP et le CJD, qui lui adressent deux reproches fondamentaux :
– ses insuffisances dans le renforcement des structures du CNPF ;
– sa méconnaissance du poids des managers dans les entreprises, où les détenteurs de pouvoirs ne sont plus les propriétaires, mais les directeurs, qui devraient avoir accès au CNPF.

Grands et petits

Partisans d'une réforme modérée ou partisans d'un changement plus radical, la frontière n'est pas là. La véritable ligne de partage se fait entre les petits et les grands.

Au moment où se préparait la réforme, les grandes entreprises cotées en Bourse constituaient l'Association générale des grandes entreprises françaises (AGREF). Ce club fermé ne réunissant que 20 à 50 entreprises est présidé par G. Ferry, président de la sidérurgie.

Il est significatif que, rompant avec leur tradition de clandestinité, les grandes entreprises réclament pour la première fois une structure officielle. La rupture s'accentue avec le nouveau statut de la Confédération générale des PME, désormais indépendante du CNPF : situation dont La volonté des PME, organe de presse des PME, s'est fait l'écho. « Le problème qui se pose actuellement sur le plan de l'industrie, c'est de savoir si sont susceptibles de coexister dans une seule et même centrale des formes si différentes entre elles qu'elles ne peuvent éviter de s'affronter sur le plan de la doctrine pour défendre un système capitaliste libéral. »

Le CNPF s'ouvre aux nouveaux chapitres de l'économie. Cette nouvelle approche ne satisfait pas tous les intéressés. Si le monde patronal a réussi jusque-là à conserver une structure homogène, ses responsables sont unanimes à penser que l'essentiel des réformes reste à faire.

Le 35e congrès de la CFTC (Sauty)

Le débat le plus animé du 35e congrès de la CFTC, du 8 au 10 novembre 1969, a eu pour thème l'affiliation internationale de la centrale. Les interventions passionnées montrent combien, cinq ans après la scission avec la CFDT, l'attachement au mot chrétien dans le titre de l'organisation demeure vif.

Bien que la CISC (Confédération internationale des syndicats chrétiens) se soit déconfessionnalisée pour devenir CMT (Confédération mondiale du travail), Jacques Tessier, secrétaire général, soutient la thèse suivante : malgré le changement de sigle, l'ex-CISC conserve l'essentiel de sa doctrine spiritualiste. Il souhaite donc que la CFTC s'affilie à la CMT.

La majorité des militants est d'un autre avis : l'amendement s'opposant à l'affiliation à la CMT a recueilli le tiers des mandats au cours d'un premier vote. Les débats démontrent que les militants seraient plus nombreux à refuser l'affiliation lors d'une décision qui serait définitive.

La confédération a, par ailleurs, rappelé son attachement à l'apolitisme et son indépendance « notamment à l'égard des partis politiques ». Elle propose d'instituer des organismes d'arbitrage et réclame la « restitution au plan de son efficacité, en tant que moyen de réalisation d'un ensemble d'objectifs cohérents et précis ».

Le 35e congrès de la CFDT

Au 35e congrès de la CFDT, le 6 mai 1970, les 1 700 délégués (âge moyen 35 ans, 20 % de femmes) adoptent le rapport d'activité par 91,2 % des voix (7,3 % contre, 1,5 % abstentions), malgré les critiques adressées au secrétaire général Eugène Descamps. Très attaqué à propos des contrats de progrès (« C'est mépriser les militants de la CFDT que de croire que la signature d'un accord les intègre au système qu'ils combattent », devait riposter Eugène Descamps), le secrétaire général a vu se dessiner contre lui deux tendances :
– celle des grandes fédérations du secteur privé, considérant que la politique contractuelle du gouvernement cherche à intégrer le syndicalisme à la société néo-capitaliste ;
– celle, plus dure, du courant de mai, assez peu représentative, mais très active, déclarant : « À force de négocier, on oublie d'agir. »

Pourtant, c'est dans la voie d'une condamnation très nette de la société actuelle que devait s'engager André Jeanson dans son rapport sur les perspectives et stratégies : « Nous affirmons avec netteté notre opposition au capitalisme [...] nous considérons que c'est à travers les affrontements inhérents à l'existence d'une classe de capitalistes que nous lutterons pour le socialisme. Notre arme essentielle, ce sera la prise de conscience collective par les travailleurs de la nécessité de briser les résistances. »