Journal de l'année Édition 1969 1969Éd. 1969

En mars et avril, la situation se détériore à nouveau sur le front Israélo-égyptien, suscitant de vives inquiétudes dans les chancelleries étrangères. Au cours d'un combat particulièrement violent, le 9 mars, l'un des meilleurs chefs militaires de la RAU, le chef de l'état-major, le général Abdel Moneim Riad, est tué par un obus sur les rives du canal de Suez. Le 30 avril, une nouvelle aggravation est enregistrée à la suite d'une opération israélienne derrière les lignes égyptiennes. Des commandos font sauter des câbles électriques entre Isna et Nag-Hamadi.

Le 21 juin, une station de radar est détruite à Ras-Adabya, située à 10 km de la ville de Suez, et le 30 juin — pour la troisième fois en un an — les commandos israéliens frappent au cœur industriel de la RAU en essayant de détruire en Haute-Égypte une ligne de haute tension, à Sohag. Le 22 juin, une unité israélienne avait endommagé le canal d'irrigation d'El-Ghor, en Jordanie. Israël, indiquait-on à Tel-Aviv, avait décidé de passer de la défense active à la dissuasion offensive.

Le fossé s'élargit

Tandis que l'escalade militaire suivait sa courbe ascendante, le fossé politique entre les antagonistes s'élargissait. Le 8 octobre 1968, le général Dayan déclare que le Sinaï est nécessaire à l'État d'Israël tout autant que les hauteurs du Golan, dont l'annexion lui paraît indispensable. Le 16, il revient à la charge en affirmant qu'il faudra se préparer à une nouvelle guerre « tout en créant des faits accomplis dans les régions libérées ».

Conditions pour négocier

Le 6 novembre, le président Nasser déclare qu'il n'acceptera jamais une pax israelica. « Ce que nous voulons, c'est un règlement honorable, non une capitulation », précise-t-il le 10, au cours d'un entretien avec l'ancien ministre britannique Anthony Nutting. Dans une interview à Newsweek, début février 1969, il se déclare disposé à engager des négociations directes avec Israël, mais seulement après l'évacuation des territoires occupés. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, déclare qu'il s'agit là d'une ruse destinée à liquider l'État d'Israël en deux étapes.

Le 12 mai, le président Nasser déclare à la revue Time qu'il est prêt à « accepter la réalité d'Israël » à deux conditions : qu'Israël consente à se retirer des territoires conquis et qu'il contribue à une « solution humaine » du problème des réfugiés. Le président de la RAU n'exclut pas la conclusion d'un pacte de non-agression avec l'État juif. Ce dernier, cependant, continue à réclamer l'ouverture immédiate de négociations directes destinées à définir de « nouvelles frontières ».

Démenties de part et d'autre, des conversations secrètes se sont effectivement déroulées à partir de septembre 1968 entre Abba Eban et le roi Hussein, à Londres et ailleurs. Le souverain jordanien se serait déclaré disposé à reconnaître l'État d'Israël de jure et à intégrer dans son royaume tous les réfugiés palestiniens, à condition qu'Israël lui restitue les régions conquises lors de la guerre de juin 1967. La principale pierre d'achoppement aurait été le sort de Jérusalem, Abba Eban ayant refusé de rendre à la souveraineté jordanienne la partie orientale de la ville sainte.

Durcissement

Après l'échec de ces négociations, un certain durcissement se manifeste dans le monde arabe sous la forme d'un appui accru aux organisations palestiniennes. Le 15 janvier, l'Irak s'aligne sur ces dernières en répudiant tout règlement pacifique fondé sur la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967. Le 20 janvier, le président Nasser — pour la première fois — reconnaît aux fedayin le droit de rejeter cette résolution. Dans des articles publiés les 7 et 21 mars dans Al Ahram, le porte-parole habituel du président égyptien, Hassanein Heykal, écrit que désormais les Arabes devraient prendre l'initiative des hostilités, afin d'empêcher Israël de transformer les lignes du cessez-le-feu en frontières permanentes.

Devant la montée des périls, les chancelleries étrangères multiplient les initiatives pour empêcher une conflagration générale. Gunnar Jarring, l'envoyé spécial de l'ONU au Moyen-Orient, ne parvient pas à rapprocher les points de vue des antagonistes malgré ses nombreux déplacements entre Nicosie, son quartier général, Le Caire, Jérusalem et Amman.

Concertation à quatre

Dès le 7 octobre 1968, la France — par la voix de son ministre des Affaires étrangères de l'époque, Michel Debré — réitère la proposition que les quatre grandes puissances élaborent un projet de règlement qui serait proposé aux belligérants. Le 14, le secrétaire général de l'ONU, U Thant, donne sa caution à une réunion des quatre « à un échelon élevé ». Aussitôt après son élection à la présidence des États-Unis, en novembre, Richard Nixon envoie l'un de ses proches, William Scranton, enquêter dans les pays du Moyen-Orient.