Journal de l'année Édition 1969 1969Éd. 1969

Relations sociales

Un style nouveau est apparu

La situation est simple pour les syndicats, après la pause des vacances 1968.

Les carnets de rendez-vous des responsables sont chargés et il s'agit essentiellement de consolider les acquis, sur la lancée des accords et constats de mai-juin 1968, en évitant le développement d'un climat de revanche et de répression. Soucieux de rassurer, le nouveau Premier ministre, Couve de Murville, reçoit dès fin août 1968 des délégations syndicales.

Fait nouveau, la commission des Finances de l'Assemblée nationale procède à l'audition des représentants des confédérations ouvrières. Dès le 5 septembre, M. Schumann, ministre des Affaires sociales, réunit une deuxième table ronde (la première a eu lieu le 30 juillet) entre syndicats et CNPF, avant de rédiger le projet de loi définitif sur l'exercice du droit syndical dans l'entreprise.

Le mouvement divisé

Le ministre s'emploie — avec succès — à apaiser les craintes des quatre grands (CGT, CFDT, FO, CFTC-Sauty), inquiets de la convergence entre les intentions du chef de l'État en matière de participation (ces intentions sont dévoilées lors de sa conférence de presse de septembre 1968, ainsi que dans une note-cadre officieuse rédigée à l'Élysée) et la pression des responsables UDR en faveur des syndicats indépendants.

Dans le secteur privé, dès le 26 septembre 1968, s'ouvre la négociation avec le CNPF sur les commissions paritaires et la sécurité de l'emploi. Dans la métallurgie, des pourparlers s'engagent sur la réduction du temps de travail.

La situation économique et politique ne laisse guère d'autre voie aux syndicats que celle de la négociation souple et prudente. Les menaces sur l'emploi s'aggravent jusqu'à l'automne et les syndicats craignent d'autant plus le contrecoup financier des grèves de mai que les élections de juin 1968 ont renversé le rapport des forces en leur défaveur. Surtout, ils se sentent plus divisés que jamais.

Les vagues d'adhésions dont profitent inégalement toutes les organisations (la CGT revendique 300 000 à 400 000 nouveaux adhérents, la CFDT près de 200 000, FO 100 000) et les premières élections professionnelles (recul de la CGT, souvent au profit de la CFDT : chez Renault, à Rhodiaceta, à la RATP, chez Berliet, à Usinor, etc.) suscitent rivalités et polémiques.

L'intéressement

C'est sur un rythme très lent qu'ont été signés les accords de participation, obligatoires cependant depuis le 1er janvier 1969. Au cours des six premiers mois de 1969, 262 accords seulement ont été passés, concernant 217 364 salariés. 18 décisions d'intéressements (touchant 23 412 salariés) prises en dehors des ordonnances de 1967 ont été reconnues équivalentes. Expression de la réticence des syndicats, 57 accords seulement ont été signés directement avec eux, les 205 autres ayant été conclus au sein du comité d'entreprise. C'est, le plus souvent, la formule des « comptes courants bloqués » qui a été choisie (167 accords). Dix accords seulement ont prévu la distribution d'actions.

La relance des actions

L'affaire tchécoslovaque accentue la cassure entre la CGT et la CFDT : à l'appel de cette dernière, un débrayage de cinq minutes a lieu le 26 août pour condamner « l'intervention de l'impérialisme soviétique ». FO se joint à la manifestation, tandis que la CGT dénonce l'initiative « comme inopportune et de nature à créer la confusion à la faveur de laquelle ne manquerait pas de se mêler aux travailleurs tout ce que ce pays compte de fascistes ». Le pacte d'unité d'action CGT-CFDT, après la rupture de mai, semble définitivement oublié. Une rencontre, le 18 novembre 1968, entre la CFDT et FO symbolise le renversement des alliances.

Au moment où le vote de la loi sur la réforme de l'enseignement supérieur et le dépôt du projet sur le droit syndical dans l'entreprise paraissent confirmer les aspects libéraux de la politique sociale du gouvernement, la crise monétaire provoque un raidissement. Les mesures d'austérité financière sont le point de départ d'une nouvelle vague d'agitation diffuse.