Malgré l'opposition des contestataires, un peu plus de la moitié des étudiants ont voté. Le quorum fixé à 60 % par la loi n'ayant pas été atteint, tous les sièges réservés aux étudiants dans les conseils n'ont pas été pourvus.

L'imprécision des chiffres

Les résultats officiels sur les pourcentages de participation ont prêté à discussion. On s'est aperçu, en effet, que le nombre des électeurs (qui a servi de base au calcul des pourcentages) était très nettement inférieur à celui des étudiants (480 000 contre 580 000).

L'importance de cette différence tient en grande partie à l'imprécision des statistiques officielles. Le chiffre de 580 000 étudiants est obtenu par le recensement des inscriptions à l'Université. Or, de très nombreux étudiants sont inscrits dans deux établissements à la fois (2 facultés, ou une faculté et une grande école, ou un institut et une classe préparatoire).

Il faut noter, par ailleurs, que les étudiants de 1re année de capacité en droit (30 000 environ) n'étaient pas appelés à voter. Dans certaines facultés, enfin, les étudiants n'étaient pas inscrits automatiquement sur les listes électorales.

Les gauchistes ont en plusieurs endroits tenté de perturber le scrutin, soit par la violence (Nantes, Tours), en bloquant l'accès aux urnes, soit par la dérision (Nanterre, Strasbourg, Rennes), en organisant des kermesses dans les bureaux de vote.

La participation a été la plus faible dans les facultés des lettres et des sciences (42 % et 43 %). C'est là que l'influence des comités d'action est la plus forte. C'est là aussi que le malaise des étudiants concernant l'organisation des études et leurs débouchés est le plus prononcé. En lettres, les étudiants ont beaucoup plus voté dans les disciplines traditionnelles (lettres, histoire, langues) qu'en sciences humaines, où, dans certaines villes, le vote n'a pas pu avoir lieu... faute de candidats (Rennes, Strasbourg, Lyon, Aix).

En revanche, la participation a été forte en droit (59 %) et très forte en médecine (68 %) et dans les instituts universitaires de technologie (77 %).

Si les gauchistes boycottaient (sauf à Caen, où ils se sont présentés et ont obtenu un net succès), la gauche, elle, participait. Sous l'influence des étudiants communistes se sont constitués des comités UNEF-Renouveau qui, unis aux étudiants de différents courants de gauche, ont obtenu un nombre important de voix. Dans certaines facultés des lettres (Sorbonne, Nanterre, Lille, Nancy, etc.), ces listes ont remporté la moitié des sièges.

Les autres listes étaient modérées ou réformistes. Quelques-unes étaient présentées par le CLERU. La plupart avaient un caractère local.

Une année agitée dans les facultés

Les troubles ont été nombreux dans les facultés. Grèves, manifestations, bagarres, heurts avec la police, enseignants pris à partie, etc.

Les incidents se sont multipliés de façon sporadique. Ils ont atteint parfois une grande violence, mais sont toujours restés isolés. Jamais les mouvements de protestation n'ont pris une ampleur nationale et n'ont été vraiment coordonnés. Ils étaient le plus souvent suscités par des éléments d'extrême gauche, qui désiraient provoquer l'administration et le gouvernement par des gestes spectaculaires et mobiliser ensuite les étudiants contre la répression policière qui en découlait, dette tactique a réussi à plusieurs reprises.

Les premiers troubles

Les gauchistes pouvaient tabler sur un malaise général des étudiants, qui avait des causes anciennes : mauvaises conditions de travail, incertitudes quant aux débouchés, inadaptation de l'enseignement. Le malaise s'est trouvé avivé par la déception née des difficultés d'application de la loi d'orientation, de la reprise en main de l'université par les enseignants conservateurs et de l'absence de changements profonds dans les programmes et les méthodes pédagogiques.

Les premiers troubles importants ont éclaté à l'occasion des examens du certificat préparatoire aux études médicales (CPEM), à Paris, en septembre 1968. Le comité d'action des étudiants avait décidé de boycotter les épreuves pour protester contre le fait que les étudiants n'avaient pas été consultés pour leur organisation. Pour repousser les perturbateurs venus empêcher le déroulement normal des épreuves, le ministère de l'Éducation nationale a fait appel à des appariteurs musclés (agents contractuels recrutés pour maintenir l'ordre). Des échauffourées ont eu lieu dans certaines salles d'examen. Plusieurs épreuves ont dû être annulées et recommencées.