Le succès du film Funny Girl fait de la petite fille de Brooklyn Barbra Streisand une vedette internationale.

Le jazz

Les 50 000 auditeurs du festival de Newport ont accueilli sans chaleur Archie Shepp et acclamé les pionniers des années 1920-1930. À Antibes, où ni Count Basic ni Claude Bolling n'ont déçu leurs admirateurs, Mahalia Jackson a triomphé par la splendeur de sa voix et l'éclat de sa présence. Avec Rosetta Tharpe, au style moins solennel, Mahalia Jackson est la plus émouvante des chanteuses de spirituals.

Messes en jazz

Ces spirituals, on a beaucoup dit qu'ils avaient fait une entrée bruyante dans les églises européennes. On a énormément parlé des messes en jazz, sur le mode enthousiaste ou scandalisé. En fait, pour reprendre l'heureuse expression d'Henri Sauguet, il ne s'agissait que de « formations instrumentales abusivement dénommées jazz, qui n'en avaient ni le style ni la noble authenticité ». Le jazz, art tout d'exécution, ne réside pas dans les textes, mais dans leur interprétation ; faute d'interprètes, ce n'est pas le jazz qui est entré dans les églises françaises, ce n'en est qu'une contrefaçon. À Rome, en revanche, on a pu entendre, en mars 1969, dans la chapelle du séminaire latino-américain, une messe composée par la célèbre pianiste Mary-Lou Williams, messe imprégnée de l'esprit du jazz et offrant tous les caractères de la musique sacrée.

Le style jungle

Dans le domaine profane, une tournée européenne a confirmé les hautes qualités de Buddy Tate, aussi bien comme chef d'orchestre que comme soliste du saxo-ténor. Tate possède au plus haut point ce que le trompette Clark Terry appelle le Texas feeling : « cette résonance spéciale, ce son et cette attaque que je ne puis mieux décrire qu'en l'assimilant au pays texan lui-même : vaste et portant loin ». L'orchestre de Buddy Tate, qui fit les belles nuits du Celebrity Club de Harlem, comptait de grands musiciens, au premier rang desquels Dicky Wells, redevenu, après quelques années d'éclipsé, le plus majestueux, le plus fougueux, le plus inventif des trombones.

Le trompette Dud Bascomb, que la plupart des amateurs ne connaissaient que par le disque, a été une révélation ; spécialiste du style jungle, il emploie la sourdine avec une maîtrise comparable à celle de Cootie Williams ; il chante, en outre, le blues avec un humour et un accent de terroir fort savoureux. Buddy Tate lui-même se distingue toujours par un jeu d'une exemplaire sobriété. Chacune de ses notes fait mouche et il excelle aussi bien dans les tempos vifs que dans les ballades auxquelles sa sonorité chaude et pleine donne un charme incomparable.

Le style cry guitar

Au cours d'une autre tournée, on a pu entendre le chanteur et guitariste John Lee Hooker, ponctuant d'accords lancinants ses blues mi-chantés, mi-parlés, et le pianiste Jay McShann, longtemps chef d'un orchestre avec lequel Charlie Parker fit ses meilleurs disques.

Une troisième tournée a fait connaître au grand public un des rares spécialistes de la guitare à quatre cordes, Tiny Grimes. Comme Buddy Tate et John Lee Hooker, Tiny Grimes est un grand interprète du blues, ce morceau-vérité, comme l'a défini Jacques Morgantini, cette pierre de touche des musiciens de jazz. Son dynamisme, son attaque fulgurante, l'abondance de ses idées mélodiques, harmoniques et rythmiques font de Tiny Grimes un des deux ou trois guitaristes les plus excitants.

Moins raffiné, B. B. (Blues Boy) King, vedette d'un Musicorama en mai 1969, a prouvé par son succès que les amateurs français, las des expériences de laboratoire, étaient de plus en plus sensibles à la pure musique noire, celle qui coule de source. B. B. King, qui s'est révélé il y a une dizaine d'années, jouit aux États-Unis d'une célébrité comparable à celle de Ray Charles ou de James Brown.

Son jeu a influencé quantité de jeunes musiciens. Il pratique le style cry guitar (guitare qui pleure), ce qui n'implique rien de larmoyant, ni même de sentimental.

Erroll Garner a donné à Pleyel un récital éblouissant, pour lequel il a fallu, comme d'habitude, mettre des chaises sur la scène. Les amateurs de Barcelone, Lyon, Bordeaux et Nancy, plus heureux que les Parisiens, ont pu applaudir Earl Hines. Milt Buckner et Jo Jones ont chauffé à blanc le Théâtre de la Ville.