Il n'est pas douteux qu'une politique tenace d'industrialisation des régions à excédent de population active, en supprimant ou en atténuant la mobilité régionale, la plus contestable et la plus rebutante à celui qui la subit, rendrait moins pénible les deux autres, convaincrait les travailleurs concernés qu'ils ne sont pas laissés à eux-mêmes et contribuerait au progrès économique et à la réduction des tensions sociales.

Les ordonnances sur l'emploi

« Seule une politique active de l'emploi qui permette non seulement une confrontation permanente des offres et des demandes, mais qui soit susceptible également de prévoir et d'anticiper les besoins de l'économie, peut amener le meilleur emploi possible des travailleurs dans une société en perpétuelle évolution. »

Cette affirmation de principe figure dans le Rapport au président de la République qui préface les quatre ordonnances du 13 juillet 1967 sur l'emploi.

Connaître le marché

Comment ces intentions s'inscrivent-elles concrètement dans les textes ? Les ordonnances ont voulu répondre à trois ordres de préoccupations :
– meilleure connaissance du marché de l'emploi ;
– amélioration du système d'allocations aux chômeurs ;
– renforcement des garanties individuelles aux travailleurs licenciés.

L'ordonnance créant une Agence nationale de l'emploi visait à donner aux pouvoirs publics les moyens d'information qui leur faisaient défaut pour connaître le marché de l'emploi.

L'essentiel de l'information des pouvoirs publics résulte des statistiques de l'INSEE. Cela ne suffit pas à donner une analyse assez fine du marché de l'emploi, capable de fournir une base sérieuse aux prévisions économiques.

Les bureaux de main-d'œuvre du ministère des Affaires sociales, par ailleurs, ne reçoivent que 8 % des offres d'emploi et 20 % des demandes d'emploi malgré leur monopole de principe du placement.

Il ne suffisait pas d'installer un ordinateur pour amener une confrontation efficace entre les offres et les demandes, aux niveaux national et régional. Il était essentiel pour les pouvoirs publics de mieux recenser l'ensemble des offres et demandes de travail.

L'Agence nationale

L'Agence nationale, créée dans ce dessein, est un établissement public national, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, et placé sous l'autorité du ministère des Affaires sociales (avec un Comité consultatif où sont représentées les organisations professionnelles ouvrières et patronales). Cet organisme apporte son concours aux services chargés de l'emploi dans le domaine de l'accueil, de l'information, du conseil professionnel et du placement.

L'Agence a des antennes locales (leur installation va, en fait, s'étaler sur plusieurs années) sous la direction du directeur départemental du travail. Chaque bureau doit devenir le correspondant unique des demandeurs d'emploi. Des agents contractuels accueillent les demandeurs d'emploi, les documentent, et s'efforcent de trouver le poste recherché grâce à un démarchage presque quotidien auprès des entreprises.

L'ensemble des renseignements recueillis par les agents locaux est groupé à l'échelon central pour assurer l'équilibre géographique et professionnel des emplois.

Pour assurer une meilleure mobilité de l'emploi, l'ordonnance réformant le Fonds national de l'emploi institue une allocation de conversion en faveur des salariés non privés d'emploi et qui désirent suivre un cycle de formation professionnelle les préparant à un métier pour lequel une pénurie de main-d'œuvre est constatée. Il s'agit donc d'un encouragement à la mobilité volontaire, c'est-à-dire d'une mesure préventive du chômage.

Le système d'allocations

Deux ordonnances, l'une relative à la réforme du Fonds national de l'emploi, et l'autre aux garanties de ressources des travailleurs privés d'emploi, généralisent le versement des allocations chômage et en simplifient les opérations de perception.

On ne connaissait en France, jusqu'à 1958, qu'un système d'aide publique, et dans les seules communes où existait un fonds de chômage. En 1958, les organisations professionnelles établirent, par accord contractuel, un régime privé alimenté par des cotisations des salariés et des entreprises. Une ordonnance (7 janvier 1959) devait, par la suite, étendre l'accord à environ 80 % des salariés du commerce et de l'industrie.