Un peu partout, on exhume des vieux catalogues les chansons anciennes. Anny Flore, qui poursuivait systématiquement sa série Mes cahiers de chansons, Lina Margy, Marie-José connaissent un regain de faveur...

Un groupe yéyé en 1967, les Sunlights, avait montré qu'il n'y avait pas incompatibilité d'humeur entre les jeunes et les chansons d'autrefois : leur version rythmée à la moderne des Roses blanches de Léon Raiter avait connu un grand succès.

Sur les ondes, durant les derniers mois de 1967, se révèle un curieux chanteur à la voix de bétonneuse et pourvu d'un solide accent du Nord, dont on met quelque temps à retenir le nom : Raoul de Godewarsvelde. Il interprète de vieux saucissons comme Tu n's'ras jamais qu'un employé, l'Accordéoneu et le Grand Métingue du Métropolitain. Succès immédiat qui déclenche le lancement de l'opération Capenoules. Raoul, photographe de métier, avec ses amis lillois, forme une troupe de joyeux lurons dont les microsillons savent plaire à un vaste public.

Vedettes d'hier, Tino Rossi continue imperturbablement à vendre, Joséphine Baker retrouve un moment de faveur grâce à son passage à l'Olympia. Quant au jeune Frank Fernandel, il redonne vie aux airs à succès de Vincent Scotto.

Chanteurs à voix

Mireille Mathieu et Georgette Lemaire poursuivent sur leur lancée des carrières solides. Johnny Stark nous prépare de nouvelles vedettes : Martine Baujoud (Ma cour des miracles) et la Polonaise Cristina. Dans ce secteur des chanteuses qui ont de la voix, il faut mentionner la montée de Nicoletta (la Musique). Quant à Nana Mouskouri, elle est devenue une des très grandes de la chanson avec de ravissantes interprétations comme Au cœur de septembre ou le Temps des cerises.

La chanson yéyé hurlée et bêtifiante n'existe pratiquement plus. Si Claude François continue à émouvoir les nymphettes en criant qu'il a peur la nuit, Johnny Hallyday s'est montré d'une émouvante nostalgie dans San Francisco.

Les Beatles continuent à faire des enregistrements d'une incontestable qualité musicale. Sheila est restée égale à elle-même, et Sylvie Vartan s'est réimposée avec de bonnes interprétations.

Les grands de la chanson se portent bien : Brassens, Brel (qui a abandonné la vie active des galas), Jean Ferrât (qui a ramené de Cuba de jolis airs accompagnés par l'orgue limonaire), Charles Trenet (qui a enregistré des chansons de jeunesse inédites) continuent d'émouvoir un large public.

Bécaud, Aznavour : la courbe du succès reste régulière. Sacha Distel, qui pourrait avoir plus d'ambition, reste dans la gentillesse un peu fade. Richard Anthony se maintient, de même que le doux Adamo.

Il faut signaler les intelligents enregistrements d'Yves Montand, qui nous promet un nouveau récital, le beau 30 cm de Félix Leclerc intitulé la Vie, le regain de succès de Guy Béart avec des œuvres très personnelles.

Serge Gainsbourg continue à œuvrer avec un talent diabolique dans l'humour blême : citons son excellente comédie musicale Anna, avec Anna Karina, et le Bonnie and Clyde qu'il a enregistré avec Brigitte Bardot.

Un nouveau venu

La révélation de l'année a été le tour de chant à Bobino de Serge Reggiani, qui a pris place d'emblée parmi les grands interprètes de cet art dit mineur qu'est la chanson avec le Petit Garçon, Ma solitude et l'amère ironie du Boris Vian de La vie, c'est comme une dent.

Compartiment dames : poursuite de la qualité avec Barbara, Anne Sylvestre, Catherine Sauvage, qui a donné un récital très apprécié à Bobino, Anne Vanderlove, Juliette Gréco, Michèle Arnaud, Régine (la malheureuse Gribouille a disparu, ce qui lui a valu un triste et paradoxal succès de vente posthume...).

Ascension dans le succès de Béatrice Arnac, qui a donné au studio des Champs-Élysées un récital de chansons anciennes et nouvelles, et de Jacqueline Dulac, prix Charles-Cros avec Contre-Jour. Succès également du disque de Colette Magny, la seule chanteuse française de blues (Viêt-nam-67, les Gens de la moyenne).

En France, le rayon gaieté n'est jamais pauvre : Henri Salvador tient une place importante depuis des années déjà. Pierre Perret confirme ses premiers succès avec Tonton Cristobal, les Postières.