À ces aménagements fiscaux décidés dans le budget de 1967 s'ajoutent les effets de mesures antérieures, notamment la déduction de 10 % en faveur de certains investissements et l'allégement des impôts sur les revenus des valeurs mobilières. Au total, le manque à gagner pour le fisc est de l'ordre de 1,5 milliard de francs.

Apparemment, le budget de 1967 est présenté en équilibre strict, puisque le total des dépenses (y compris les prêts) comparé aux recettes ordinaires (impôts et revenus de l'État) laisse un solde positif de 3 millions de francs. Mais la loi de finances prévoit explicitement la possibilité de lancer un emprunt pour couvrir des dépenses supplémentaires, ce qui réintroduit, en fait, la notion de découvert budgétaire, officiellement bannie depuis 1964.

Impasse et découvert

Dans la réalité, ce découvert a d'ailleurs existé dès 1965 et plus encore en 1966. En 1965, Giscard d'Estaing avait lancé, hors budget, un emprunt de 1 milliard de francs pour financer des prêts aux entreprises. En 1966, Debré a lancé un emprunt de 1,5 milliard de francs avec le même objet, mais il l'a réintroduit dans le budget. Comme, en outre, l'État a dû avancer 2 milliards à la Sécurité sociale pour financer son déficit, le budget de 1966 s'est achevé sur une impasse de 3,5 milliards de francs, alors que, théoriquement, il avait été présenté en équilibre (On peut sommairement distinguer le découvert de l'impasse, en disant que le premier finance par des emprunts des dépenses remboursables, créatrices de richesses nouvelles (exemple : prêt à une entreprise rentable), tandis que l'impasse finance par l'emprunt (et, parfois, par la création pure et simple de monnaie) des dépenses dont le caractère temporaire est aléatoire, voire inexistant (exemple : le déficit de la Sécurité sociale).).

Pour 1967, on peut s'attendre à une évolution comparable, car la réforme de la Sécurité sociale n'aura pas été adoptée à temps pour effacer tout déficit (malgré l'augmentation de la cotisation patronale de 0,75 %, depuis le 1er août 1966), et le report après les élections de la hausse des tarifs publics devait laisser à la charge de l'État le financement du déficit de certaines entreprises nationales (SNCF, RATP, Charbonnages).

Les finances de l'État jouent donc un rôle plus actif dans l'économie, par l'accroissement rapide des dépenses et par l'abandon d'une politique d'équilibre qui était, en fait, une politique de suréquilibre, puisque les impôts finançaient des prêts remboursables. Le budget de 1967 est un budget d'expansion, par opposition à ceux de 1964 et 1965, qui étaient des budgets de stabilisation, celui de 1966 ayant fait la transition.

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Les banques font peau neuve

Vingt ans après les textes fondamentaux de la Libération, trente ans après la première réforme de la Banque de France, le système bancaire français se retrouve en 1967 sensiblement transformé par le vent de réforme qui a soufflé sur lui.

L'année 1966 a vu, en effet, intervenir des réformes importantes qui constituent, ou amorcent par certains aspects, une modification profonde de nos pratiques et une remise en cause d'idées sacro-saintes.

Comme le laissait prévoir assez clairement le rapport de la Commission de l'équilibre général et du financement du Ve plan, publié l'année précédente, le système bancaire français devait réaliser un effort rapide et sérieux de modernisation et d'adaptation, tant pour faire face aux besoins de financement considérables à prévoir, que pour s'harmoniser avec les pratiques en usage chez nos principaux partenaires et concurrents étrangers.

Une nouvelle banque

Pour illustrer sa volonté de hâter les réformes des structures bancaires, le gouvernement, à peine en place depuis quelques semaines, annonça la fusion de deux des quatre grandes banques nationalisées, la BNCI et le Comptoir national d'escompte, qui formeraient la Banque nationale de Paris : dès le mois de juillet, les agences et guichets des deux banques ravalaient leur façade et accrochaient la nouvelle enseigne, qui devenait celle de la première banque française. On laissait entendre qu'une telle initiative ne serait pas isolée et devait avoir valeur d'exemple. Dans les cinq ou six mois qui suivirent, une bonne douzaine de banques ou établissements financiers spécialisés du secteur privé devaient effectivement conclure, sous une forme ou sous une autre, des accords de rapprochement plus ou moins étroits. Ils laissaient prévoir une accélération des efforts de fusions et de concentrations bancaires pendant les années suivantes, dans le dessein essentiel de rechercher une mobilisation plus efficace de l'épargne liquide en offrant un meilleur service à la clientèle et en mettant des moyens de financement plus importants au service du développement industriel. La décision également prise dans le courant de l'année de relever le capital minimal des banques répond à cette même préoccupation.