Fin juin, plusieurs mois après le crime, les policiers n'arrivaient toujours pas à fournir une réponse. Apparemment, il ne pouvait y avoir qu'un seul mobile au meurtre : les rancunes suscitées, dans les milieux de la boucherie et chez les chevillards, par la création d'un abattoir intercommunal à Formerie — création dont le conseiller général, homme très estimé et très aimé dans la région, grand ami du député Marcel Dassault, avait été l'un des principaux artisans.

L'apparition de cet abattoir moderne, qui entraînait la fermeture des tueries particulières, avait valu à Gaston Buisson une lettre anonyme de menaces : « On trouera ta sale peau », y lisait-on. Les auteurs de cet odieux avertissement ont été retrouvés et écroués.

Il s'agissait de deux habitants d'un village voisin, Canny-sur-Thérain, un certain Marceau Duhamel, ancien chevillard, et de son fils Maxime.

Pour éteindre sa dette

Mais sont-ils les auteurs du crime commis le jour même où les tueries particulières devaient clore leurs portes ? Les policiers n'ont pu ni le prouver ni obtenir leurs aveux.

Il est vrai qu'une autre hypothèse est envisagée : l'existence des menaces étant connue, quelqu'un ayant intérêt à la disparition du conseiller général a pu chercher à mettre à profit le prétexte ainsi fourni pour détourner les soupçons. Gaston Buisson, qui n'hésitait jamais à prêter de l'argent sans intérêt et sans reçu à des amis en difficulté, aurait été, dans ce cas, victime d'un créancier, qui aurait choisi ce moyen pour éteindre sa dette.

L'affaire, en tout cas, a fait apparaître au grand jour les ressentiments que peuvent faire surgir chez de petits commerçants des entreprises visant à la modernisation (et prévues par la loi), comme c'était le cas avec l'abattoir intercommunal de Formerie.

Des auto-écoles qui se conduisent mal

Avoir une automobile est un rêve que beaucoup de Français ont désormais réalisé ; pour certains, la difficulté n'est pas d'acheter un véhicule — ils ont les moyens —, mais d'obtenir le permis de conduire — l'examen leur faisant perdre leurs moyens.

Rose Damato, bijoutière à Marseille, était dans ce cas. Sept tentatives, sept échecs ! Jeanne Teysseyre, directrice de l'auto-école nationale dans la cité phocéenne, et Philibert Mathieu, officier en retraite, chargé de faire passer les épreuves, n'avaient pas eu de mal à obtenir d'elle 3 000 francs en échange de la réussite, c'est-à-dire de la précieuse feuille rose qui lui permettrait d'aller folâtrer, accrochée à un volant, le long des routes.

La bijoutière n'était pas seule à avoir ainsi acheté son permis. Le scandale, découvert en décembre 1966, n'était pas isolé non plus. Au cours du même mois, on devait découvrir que semblable trafic se déroulait en Saône-et-Loire, dans la Loire et dans l'Ain, grâce à un inspecteur, Henri Fégueur.

Ce dernier pratiquait toutefois des prix plus modérés que son homologue de la Côte d'Azur : entre 750 et 1 000 francs.

Dans le même temps, les tribunaux faisaient connaître (eux aussi) leurs prix pour ce genre de délit. La cour d'appel de Douai portait de six mois de prison avec sursis à un an de prison ferme et de 5 000 francs à 10 000 francs la peine et l'amende du directeur d'une auto-école d'Avion dans le Nord, M. Corbeau, qui se livrait également à cette fraude lucrative sur les permis de conduire.

Une justicière en jupon : « Mme Détective »

Anne-Marie Labro, 27 ans, ne se contente pas d'exercer le métier de détective privé, déjà rare pour une femme. Elle veut l'exercer à sa manière : en justicière qui, selon ses propres propos, « enlève les enfants au nom de la loi ». Mais comme les justiciers agissent au mépris de la justice, celle-ci ne les apprécie guère. Et c'est ainsi qu'Anne-Marie Labro s'est retrouvée en prison, au mois de décembre 1966.

Récidive en Italie

Cette jolie et séduisante jeune femme avait déjà fait parler d'elle une première fois, peu auparavant ; en Espagne, elle s'était emparée successivement de deux enfants que se disputaient des parents désunis. Comme elle avait utilisé de faux papiers pour franchir la frontière, la police française (régulière) devait lui demander des comptes.