Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

Orléanais

Ancienne province de France, partagée en 1790 entre les départements d’Eure-et-Loir, de Loir-et-Cher et du Loiret.



La situation

L’Orléanais regroupe géographiquement plusieurs régions naturelles. Il se structure fondamentalement sur le Val de Loire, qui, dans sa grande inflexion du nord vers l’ouest, le coupe de part en part. Plaine inondable fertile, précocement mise en valeur à l’abri de levées, grande voie de communication suivie autrefois par le roulage et la batellerie, aujourd’hui par la route et le chemin de fer, le Val de Loire rassemble villes (Gien, Orléans, Blois), industries (mécanique, automobile, électronique) et trésors d’architecture. Au sud, la Sologne, longtemps déshéritée sur ses sols froids et lourds d’argile, mais bonifiée sous le second Empire, a trouvé de lucratives ressources dans l’élevage bovin laitier, la pisciculture d’étang et surtout dans la chasse sur de grands domaines affermés. Au nord, la Beauce livre à la culture intensive des céréales ses campagnes découvertes de calcaires et de limons. Sur ses bordures, Perche à l’ouest, Gâtinais et Puisaye à l’est, de lourdes collines argilo-marneuses disséquées par les réseaux du Loir et du Loing sont le domaine, dans un paysage souvent bocager, de différents types d’élevages (chevaux et bovins laitiers dans le Perche ; veaux, aviculture et apiculture en Gâtinais ; embouche charolaise en Puisaye). L’Orléanais, anciennement industrialisé (travail de la laine, confection, tanneries, vinaigreries, petite métallurgie), mais privé, à l’ère néo-technique, de ressources minérales, de sources d’énergie et de bonnes voies d’eau, a dû faire appel, pour sa relance, à des initiatives extérieures. Aux portes de Paris, il a bénéficié depuis 1954 d’un large soutien de la décentralisation (40 000 emplois nouveaux en 18 ans ; premier rang en France).

L’unité de l’Orléanais a toujours été compromise par la conformation hydrographique. Si Orléans, au point de rupture de charge de la batellerie en Loire et du roulage sur Paris, éclipsait vite dès l’Antiquité, par son entrepôt, la vieille capitale politique et religieuse des Carnutes, Chartres, l’appartenance au bassin de la Seine du pays chartrain par l’Eure et du Gâtinais par le Loing dispersait les courants de vie. Forêt d’Orléans et Gâtinais ont toujours constitué, entre Loire et Loing, un no man’s land. Paris soumet directement à son emprise Chartres, Orléans et Montargis sans liens entre elles. Les pays du Loir eux-mêmes (Dunois, Vendômois) subissent, par la sollicitation naturelle de leur vallée, les influences voisines de la Touraine et du Maine. Le découpage de 1790 a brisé l’unité des grandes régions qui se partageaient la province. Du moins, de mêmes préoccupations, liées aux impératifs agricoles, à l’analogie des terroirs, au voisinage parisien, à la facilité des dessertes à travers la Beauce, cœur de la province, et aux héritages historiques, maintiennent-elles bien des affinités entre les trois départements d’Eure-et-Loir, du Loiret et de Loir-et-Cher.

Y. B.


L’art en Orléanais

À défaut d’un art spécifique, cette province offre un riche patrimoine monumental, sujet du présent article. L’époque mérovingienne a laissé la nef de Saint-Christophe de Suèvres (Loir-et-Cher). Restaurée à l’excès, la petite église de Germigny-des-Prés (Loiret) n’en demeure pas moins l’un des principaux témoins français de la renaissance carolingienne. Devancée par l’ancienne cathédrale d’Orléans (xe-xie s.), connue grâce aux fouilles, et par la crypte de Saint-Aignan, dans la même ville (xie s.), l’abbatiale bénédictine de Saint-Benoît-sur-Loire illustre l’évolution de l’art roman. La grosse tour carrée qui lui tient lieu de frontispice (troisième tiers du xie s.) forme, au niveau inférieur, un vestibule ouvert sur trois côtés, avec des piles cruciformes dont les chapiteaux, comme ceux de l’étage, sont vigoureusement sculptés de scènes bibliques ou de feuillages. Construit de 1070 à 1180, le chœur, voûté en berceau, précède un majestueux hémicycle qu’entoure un déambulatoire à chapelles rayonnantes. À Saint-Aignan (Loir-et-Cher), le transept, le chœur et le déambulatoire du xiie s. surmontent une vaste crypte dont les peintures murales appartiennent au style roman de la France de l’Ouest. Des peintures de la même famille ornent plusieurs églises de la vallée du Loir, notamment celle de Saint-Jacques-des-Guérets et la chapelle Saint-Gilles de Montoire-sur-le-Loir.

L’éclosion précoce de l’art gothique s’est faite en liaison étroite avec l’Île-de-France* et selon des formes encore imprégnées de l’esthétique romane. C’est ce que montre à Chartres* la façade ouest de la cathédrale (1134-1170), avec son « clocher vieux », frère du clocher isolé de la Trinité de Vendôme, les statues-colonnes de son portail Royal, ses trois lumineuses verrières. Saint-Laumer de Blois* (1138-1186) est un bel exemple des progrès de la croisée d’ogives, comme Saint-Liphard de Meung-sur-Loire, au plan tréflé, ou Saint-Euverte d’Orléans (modifiée aux xve et xviie s.).

Rien n’exprime mieux ensuite la maturité de l’art gothique que la cathédrale de Chartres, reconstruite pour le gros œuvre de 1194 à 1225, avec les pages de sculpture que déploient les portails de son transept et sa parure de vitraux à médaillons ou à grands personnages, produit d’un atelier local dont la France du xiiie s. atteste le rayonnement. Les églises de Bonneval (Eure-et-Loir) et de Boiscommun (Loiret) sont de beaux vaisseaux sur plan rectangulaire. Reconstruite à partir de 1287, la cathédrale d’Orléans a gardé de cette époque les chapelles de son chevet. Saint-Pierre de Chartres témoigne déjà de la tendance générale à l’évidement, qui marquera l’architecture gothique au xive s., inspirant notamment la reconstruction de la Trinité de Vendôme. Achevée dans la seconde moitié du xve s., la nef de cette abbatiale donne l’exemple, avec Notre-Dame de Cléry, Saint-Aignan et Notre-Dame-de-Recouvrance d’Orléans, d’une version sobre du style flamboyant, que sa façade (premières années du xvie s.), comme le « clocher neuf » de la cathédrale de Chartres, laisse au contraire s’épanouir. C’est encore en style flamboyant que sera rebâtie à partir de 1601 la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, détruite par les calvinistes ; une interprétation plus originale des données gothiques marquera toutefois sa façade, élevée au xviiie par Louis-François Trouard.