Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

architecture

Art de bâtir les édifices. Le terme d’architecture recouvre des notions trop complexes, des conceptions trop diverses pour qu’il soit possible d’en donner une définition dogmatique.



Introduction

• Il faut d’abord éliminer l’opposition entre architecture et construction comme étant un faux problème. On constate en effet que les plus anciens exemples connus d’habitations ou de constructions défensives laissent supposer une certaine habileté, l’application de certaines trouvailles, c’est-à-dire une technique tendant à des buts précis : satisfaire les besoins de l’homme en tant qu’individu ou en tant que partie d’une communauté plus ou moins étendue. Les programmes, qui constituent pour le maître d’œuvre la commande, expriment ces besoins.

Ceux de l’homme isolé sont simples : l’individu a toujours éprouvé la nécessité de se protéger durant son sommeil, d’abriter sa progéniture, de conserver le feu. L’apparition de besoins dépassant ceux de l’individu caractérise la vie en société (défense commune, vie spirituelle, exercice du gouvernement et de la justice, activités de travail ou de jeu). Ce schéma général peut s’appliquer à toutes les époques ; ce qui varie, c’est l’état de la technique, susceptible de donner des possibilités différentes, c’est le goût qui agit sur l’aspect de l’architecture. Les édifices des plus anciennes civilisations historiques (palais funéraire de Djoser et sa pyramide à Saqqarah [Égypte] ; temple de Ninhoursag à Tell el-Obeïd [Sumer]) indiquent qu’à la technique se sont ajoutées des notions scientifiques permettant de prévoir les résultats du travail du bâtisseur — donc d’innover par l’expérience — et des impulsions d’ordre esthétique conduisant à choisir des formes en vue d’un effet — donc d’imaginer. L’architecte qui construit pour des hommes à une époque donnée dispose des moyens techniques de son temps et est sensible aux préférences de ses contemporains. Aussi, l’architecture sera-t-elle tour à tour, dans un rythme cyclique facile à déceler, décorée ou dépouillée, sévère ou magnifique, stricte ou contournée. Si, depuis que la photographie a diffusé les modèles et que la rapidité des voyages a rapproché les points éloignés du globe, ce qu’on appelait autrefois le génie d’un peuple ne s’exprime plus aussi nettement dans l’architecture, celle-ci demeure toutefois le témoin de la civilisation qui l’a vue naître et apparaît comme étant à la fois un art et une science faisant appel à des techniques.

• Reprenant l’analyse précédente, nous préciserons quelques points.
1. La technique n’est pas un élément purement matériel ; on y retrouve toujours l’œuvre de la main qui n’agit que sous l’impulsion du cerveau.
2. Aucun art ne peut se passer d’un élément matériel : support, matière ou instrument ; mais l’architecture se trouve affrontée à des forces naturelles : la pesanteur en premier lieu. La nécessité de contenir les poussées a stimulé l’invention, faisant succéder la science à l’empirisme ; aux massives constructions des époques archaïques succédèrent les colonnades grecques, qui répartissent les charges, les croisées d’ogives gothiques, qui localisent les poussées, et les actuelles réalisations, où l’acier et le béton réduisent les volumes aux structures et surplombent de vastes espaces.
3. L’architecture est un art parce que le maître d’œuvre exerce un choix, choix qui n’est pas uniquement motivé par un certain état de civilisation. La façon d’arranger les matériaux dans les trois dimensions, de proportionner les éléments, de réaliser l’harmonie des parties, de mettre en place les volumes relève du talent et de la sensibilité de l’architecte.

Du domaine de l’architecte sont également le décor, simple ou chargé, avouant ou dissimulant la structure, et la distribution, c’est-à-dire la dimension des pièces et leur rapport mutuel. Finalement, l’œuvre construite apparaît comme le truchement d’un langage que l’architecte veut faire entendre à l’homme qui habitera ou passera dans les lieux « architecturés », langage subtil, car il aura pour effet de créer ou non chez l’utilisateur ou le spectateur un sentiment complexe de bien-être fait de sécurité, de confort matériel et moral ainsi que de satisfaction visuelle.

Nous en arrivons à proposer de définir l’architecture comme l’emploi de matériaux 1o destinés à réaliser un édifice répondant à un programme, c’est-à-dire à certains besoins, conformément à des principes de stabilité et de résistance nés de l’expérience ; 2o disposés suivant des systèmes de proportion et d’harmonie commandés par les sens, le raisonnement et l’imagination créatrice.


L’architecture des premières civilisations (4000-1000 av. J.-C.)

Si l’habitation est sans doute la première construction apparue, les plus anciens exemples en sont perdus, bien que l’on ait retrouvé, par exemple en Crète (Magassa, Cnossos), des bases de maisons antérieures à l’histoire traditionnelle, celle qui s’appuie sur des documents écrits.


Aspect général

L’Égypte* et la Mésopotamie* ont été sensibles aux grandes masses, à l’effet monumental. En Égypte, les mastabas et les pyramides sont d’une extrême simplicité, et les temples se réduisent à quelques volumes accolés. La recherche de la sécurité de la construction poussait à l’accroissement du volume des supports et à leur multiplication, ce qui, dans les grandes salles des temples, fausse les impressions optiques. En Mésopotamie, les ressauts verticaux des murs réalisent une prise de lumière différente. Les ziggourats sont construites en étages ; l’emploi du nombre 7 (celui des étages de la ziggourat) semble une base de l’architecture mésopotamienne.

Entre 3000 et 2500, l’architecture se manifeste à Our* (Sumer*) avec les tombes royales, en Crète avec les palais de Malia, en Égypte avec la pyramide à degrés de Djoser à Saqqarah. Les pyramides, grandes masses de pierres dont la stabilité est assurée par la large base, ne posent pas de problèmes architecturaux complexes ; on a pu sans danger y creuser des chambres funéraires. Elles évoluent pour aboutir au type à revêtement appareillé des grandes pyramides de Gizeh.