Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

Olivier (Laurence) (suite)

En 1939, William Wyler lui offre son premier grand rôle au cinéma : il est Heathcliff dans les Hauts de Hurlevent, adaptation soignée du chef-d’œuvre d’Emily Brontë. Sa prestation lui vaut d’être immédiatement engagé par Alfred Hitchcock dans Rebecca (1940), où son élégance et sa superbe sont unanimement louées. Mais le comédien n’en oublie pas pour autant les planches. Il déploie une intense activité, partagée entre l’Old Vic Theatre et la Shakespeare Theatre Company, où il joue Richard III, le Roi Lear, Hamlet, Macbeth et Œdipe de Sophocle. C’est après avoir servi, entre 1939 et 1945, dans la Fleet Air Arm qu’il signe sa première mise en scène de cinéma. Henri V, en même temps que sa fidélité à Shakespeare, révèle chez le cinéaste débutant un sens de l’espace et des décors, inspirés des Très Riches Heures du duc de Berry et des toiles de Paolo Uccello, qui font de l’œuvre une réussite originale fort éloignée du simple théâtre filmé. En 1948, son Hamlet, tourné en noir et blanc avec une caméra très mobile, se voit attribuer le Lion d’or du festival de Venise, pour l’intelligence de sa mise en images et de l’interprétation d’un Hamlet psychanalytique singulièrement actuel. En 1952, Laurence Olivier débute à Broadway, puis revient à Londres jouer une comédie, The Sleeping Prince (de T. Rattigan, 1953), organise le festival de Stratford on Avon (1955), joue The Entertainer (le Cabotin) de J. Osborne (1957), réalise pour le cinéma un Richard III (1955) qui marque une nouvelle fois son attachement à Shakespeare. Il engage Marilyn Monroe pour être sa partenaire dans le Prince et la danseuse (1957), charmante pause en forme de comédie qu’il filme avant de partir pour une tournée européenne avec Titus Andronicus (1958) ; 1959 le voit débuter à la télévision new-yorkaise dans la Lune et soixante-quinze centimes (de W. S. Maugham), tandis que sa noblesse fait merveille aussi bien dans Coriolan, dont il donne une nouvelle interprétation (1959), que dans le Rhinocéros (d’Eugène Ionesco, 1960, à Londres) ou Becket (de J. Anouilh, 1960, à New York). Il est élevé à la dignité de baron en 1970. Sa fréquentation des auteurs russes le conduit à filmer les Trois Sœurs (d’Anton Tchekhov, 1970), avant d’annoncer en 1973 sa décision de quitter la direction du National Theatre, qu’il assume depuis 1963. Après une période de maladie, celui qui fut un superbe Crassus dans le Spartacus de S. Kubrick (1960) quitte le devant de la scène non sans avoir donné au cinéma une de ses plus fortes interprétations dans le Limier (Sleuth, de J. Mankiewicz, 1972), où sa maîtrise de la langue et sa distinction résument une des carrières les plus prestigieuses de ce temps.

M. G.

Olmèques

Peuple ancien du golfe du Mexique.


Parmi les énigmes de l’archéologie américaine, celle que posent les Olmèques est sans doute l’une des plus passionnantes. Comment expliquer en effet que cette civilisation ait influencé tout le devenir de l’Amérique moyenne, que son art ait été le premier, et sans doute l’un des plus évolués de tout le continent, et que l’on ne sache rien de ses créateurs, de leur mode de vie, de leurs mœurs, que l’on connaisse si peu leur langue et leur histoire ?

La dispersion même des témoignages de l’art olmèque a permis d’échafauder de nombreuses hypothèses sur son lieu d’origine. Un grand nombre de pièces proviennent de l’actuel État de Guerrero, sur la côte pacifique du Mexique. Mais il paraît certain aujourd’hui que le berceau de cette civilisation est ailleurs, dans les jungles humides du Tabasco, et que c’est seulement pour se procurer le « précieux jade » que les Olmèques voyagèrent si loin.

Les dates que l’on peut leur assigner ne posèrent pas moins de problèmes. Pendant longtemps, la perfection tant technique qu’artistique des vestiges que l’on connaissait les avait fait rattacher à la période classique (env. 300-600 apr. J.-C.), époque de floraison de toutes les grandes civilisations méso-américaines. Mais on sait aujourd’hui que l’on ne peut leur enlever leur qualité de novateurs et de précurseurs. Des datations récentes par le carbone 14 assignent à l’occupation de La Venta (Tabasco) les dates de 1000 à 400 av. J.-C. et à sa destruction volontaire celle de 300 av. J.-C.

Que dire de leur origine ? Le mot Olmèque prête à confusion : il désigne les occupants de la région à l’époque historique, mais rien ne dit que ces « Gens du caoutchouc » aient été les descendants des légendaires Olmèques. Les linguistes pensent depuis longtemps qu’un rameau de la famille maya* se serait établi, dès le préclassique ancien, tout le long du golfe du Mexique ; les Olmèques en seraient un des foyers (et les Huaxtèques une survivance actuelle). Le nom même de Tamoanchán, « pays de la pluie et du brouillard », par lequel les Aztèques* désignaient le royaume mythique qu’avaient connu leurs aïeux, est un mot maya. Mais cela ne fait encore que reculer la solution du problème : comment cette civilisation connut-elle un tel degré d’achèvement alors que le reste du pays, zone maya comprise, n’était encore peuplé que de chasseurs-collecteurs ?

Seule l’archéologie peut donc tenter de préciser la vie de ces gens. Parfois, d’ailleurs, elle rejoint la légende. Bernardino de Sahagún (1500-1590), le premier moine ethnologue, qui recueillit les témoignages des Aztèques, nous rapporte celui-ci : « Là-bas, dans le Tamoanchán, dans le lieu de notre origine [...], il y eut longtemps un gouvernement [...]. » Or, les ruines, celles de La Venta en particulier, proposent des monuments d’une telle importance, en l’absence de toutes techniques avancées, qu’elles supposent effectivement un gouvernement très fort et très centralisé, capable d’imposer sa loi et ses corvées à tout un peuple de paysans. La Venta, située sur une île de la rivière Tonalá, présente tout un complexe de structures en terre dont la plus grande est une pyramide qui mesure environ 74 m sur 125 à la base et 34 m de hauteur. L’archéologue R. F. Heizer calcula que l’ensemble du site avait dû demander 800 000 journées de travail, ce qui supposerait une population d’au moins 18 000 personnes travaillant sans relâche dans un pays extrêmement inhospitalier. De plus, les Olmèques ont laissé dans cette région des stèles et d’immenses têtes de basalte, elles aussi prodiges de technique si l’on pense à la faiblesse des moyens de traction (aucun animal de bât ou de trait) et à l’éloignement des plus proches gisements de basalte (130 km !). Ces grandes têtes semblent devoir être interprétées comme des portraits dynastiques.