Olivier (Laurence) (suite)
En 1939, William Wyler lui offre son premier grand rôle au cinéma : il est Heathcliff dans les Hauts de Hurlevent, adaptation soignée du chef-d’œuvre d’Emily Brontë. Sa prestation lui vaut d’être immédiatement engagé par Alfred Hitchcock dans Rebecca (1940), où son élégance et sa superbe sont unanimement louées. Mais le comédien n’en oublie pas pour autant les planches. Il déploie une intense activité, partagée entre l’Old Vic Theatre et la Shakespeare Theatre Company, où il joue Richard III, le Roi Lear, Hamlet, Macbeth et Œdipe de Sophocle. C’est après avoir servi, entre 1939 et 1945, dans la Fleet Air Arm qu’il signe sa première mise en scène de cinéma. Henri V, en même temps que sa fidélité à Shakespeare, révèle chez le cinéaste débutant un sens de l’espace et des décors, inspirés des Très Riches Heures du duc de Berry et des toiles de Paolo Uccello, qui font de l’œuvre une réussite originale fort éloignée du simple théâtre filmé. En 1948, son Hamlet, tourné en noir et blanc avec une caméra très mobile, se voit attribuer le Lion d’or du festival de Venise, pour l’intelligence de sa mise en images et de l’interprétation d’un Hamlet psychanalytique singulièrement actuel. En 1952, Laurence Olivier débute à Broadway, puis revient à Londres jouer une comédie, The Sleeping Prince (de T. Rattigan, 1953), organise le festival de Stratford on Avon (1955), joue The Entertainer (le Cabotin) de J. Osborne (1957), réalise pour le cinéma un Richard III (1955) qui marque une nouvelle fois son attachement à Shakespeare. Il engage Marilyn Monroe pour être sa partenaire dans le Prince et la danseuse (1957), charmante pause en forme de comédie qu’il filme avant de partir pour une tournée européenne avec Titus Andronicus (1958) ; 1959 le voit débuter à la télévision new-yorkaise dans la Lune et soixante-quinze centimes (de W. S. Maugham), tandis que sa noblesse fait merveille aussi bien dans Coriolan, dont il donne une nouvelle interprétation (1959), que dans le Rhinocéros (d’Eugène Ionesco, 1960, à Londres) ou Becket (de J. Anouilh, 1960, à New York). Il est élevé à la dignité de baron en 1970. Sa fréquentation des auteurs russes le conduit à filmer les Trois Sœurs (d’Anton Tchekhov, 1970), avant d’annoncer en 1973 sa décision de quitter la direction du National Theatre, qu’il assume depuis 1963. Après une période de maladie, celui qui fut un superbe Crassus dans le Spartacus de S. Kubrick (1960) quitte le devant de la scène non sans avoir donné au cinéma une de ses plus fortes interprétations dans le Limier (Sleuth, de J. Mankiewicz, 1972), où sa maîtrise de la langue et sa distinction résument une des carrières les plus prestigieuses de ce temps.
M. G.