Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Oiseaux (suite)

Cependant une centaine d’espèces aviennes dépendent si strictement du milieu marin, dont elles tirent toute leur subsistance, qu’elles périssent rapidement si pour une cause fortuite elles en sont écartées. Ces espèces passent la majeure partie de leur vie au-dessus de l’océan ou sur celui-ci, ne reviennent à terre que pour l’accouplement, la ponte, l’incubation et l’élevage des poussins, au total quelques semaines seulement dans l’année, chacun des séjours à terre excédant rarement quelques jours de suite.

L’avifaune actuelle montre en fait tous les degrés de dépendance envers le milieu marin, depuis les Oiseaux d’eau douce comme les Grèbes ou les Plongeons, qui se rapprochent des côtes en hiver parce que les eaux continentales sont gelées, ou depuis les représentants isolés de groupes résolument terrestres qu’une adaptation secondaire a adaptés à la pêche dans les eaux littorales, jusqu’aux groupes dont tous les représentants sans exception sont exclusivement marins (Sphénisciformes ou Manchots, Procellariiformes ou Albatros, Puffins, Fulmars, Pétrels, Pétrels-Tempête, Pétrels Plongeurs, Alcidés ou Pingouins, Macareux, Mergules, Phaëtonidés ou Paille-en-cul, Frégatidés ou Frégates, Sulidés ou Fous). Entre ces extrêmes existent des espèces comme les Labbes ou certains Phalaropes dont les mœurs sont terrestres pendant la saison de reproduction, mais dont les migrations sont pélagiques.

Une distinction fondamentale est à faire entre les espèces côtières, qui reviennent à terre pour passer la nuit (c’est le cas de la plupart des Mouettes, des Goélands et des Sternes), et les espèces néritiques ou pélagiques, les seules véritablement marines, indépendantes de la terre pour leur repos et pour leur alimentation.


Principales adaptations

L’adaptation des Oiseaux au milieu marin s’est accompagnée de modifications morphologiques, anatomiques et physiologiques. Le plumage imperméable retient une couche d’air qui sert d’isolant thermique. La glande uropygienne, dont la sécrétion entretient la cohésion du plumage, est particulièrement développée. Les pattes sont toujours palmées pour servir d’instrument propulseur. Ces caractères sont des adaptations à la nage et à la plongée. On les retrouve chez tous les Oiseaux aquatiques. D’autres, en revanche, sont propres aux seules espèces marines. L’adaptation la plus étonnante est sans doute la faculté de se désaltérer avec l’eau de mer, dont la concentration en sel est pourtant nettement supérieure à celle du milieu interne. Les glandes nasales ou supraorbitaires, qui sont situées dans un sillon de l’os frontal au-dessus des orbites, éliminent le chlorure de sodium en excès.

La durée des voyages alimentaires, conséquence de la distance qui sépare éventuellement l’aire de nourrissage du lieu de reproduction, pose le problème de la digestion des proies par l’adulte. Divers auteurs ont émis l’hypothèse qu’elle était différée. Rien jusqu’à présent ne permet de confirmer ni d’infirmer la suggestion, mais Manchots et Procellariiformes paraissent avoir développé une alternative. Certains Manchots nourrissent en partie leurs jeunes avec une sécrétion œsophagienne. Le ventricule succenturié des Procellariiformes sécrète une huile abondante dont la valeur nutritive est très supérieure à celle des Poissons qui ont servi à l’élaborer. La charge que peut transporter un Oiseau voilier étant limitée, la transformation des aliments en réserves de haute valeur énergétique a des conséquences favorables sur l’économie du transport.


Bons nageurs et bons voiliers

L’adaptation des Oiseaux aux biocénoses marines s’est effectuée selon deux directions : nage et plongée d’une part, vol au-dessus des flots, avec pour corollaire la conquête du milieu pélagique, d’autre part. Mais il y a conflit entre les qualités requises pour un organe propulseur dans l’eau et les caractères d’une aile destinée à soutenir l’Oiseau en vol. Les Alcidés ont des ailes fonctionnelles qui les portent dans l’air et qui leur servent aussi d’organe propulseur sous l’eau, mais en se développant cette deuxième fonction a réduit leurs capacités voilières. Leur vol battu est rapide, mais lourd, avec des changements de direction difficiles.

La nage en plongée trouve sa plus parfaite expression chez les Manchots, dont l’aile transformée en nageoire est incapable de vol : os aplatis, sans articulation au coude et au poignet pour assurer une plus grande rigidité, peau recouverte de plumes courtes et serrées comme des écailles, sans distinction de pennes. Tout le squelette d’ailleurs est alourdi, et les sacs aériens sont réduits pour augmenter la gravité. Le corps s’est allongé en fuseau, avec les pattes rejetées à l’arrière pour gouverner.

Les Oiseaux les mieux adaptés aux conditions de vol à faible altitude au-dessus des mers appartiennent à l’ordre des Procellariiformes. La forme des ailes est très différente de celle des Oiseaux planeurs continentaux, qui profitent des ascendances thermiques provoquées par le réchauffement du sol sous l’effet du soleil. Longues, étroites, terminées en pointe, ces ailes sont dessinées pour mettre à profit les variations instantanées de la vitesse du vent qui bute sur les vagues. En modifiant sans cesse la direction et le plan de leurs ailes, Albatros et Puffins se maintiennent dans l’air sans battement, passant de la course d’une vague à une autre. Réduisant ainsi leur dépense énergétique, ils peuvent exploiter les ressources de l’océan sur des surfaces immenses et entreprendre des déplacements alimentaires de grande envergure, même pendant la période de reproduction.


Recherche des proies

Les modalités de repérage et de la préhension des proies traduisent la diversité des adaptations, mais la nourriture est toujours capturée dans les couches superficielles de la mer. La profondeur maximale atteinte par un Oiseau n’excède pas une dizaine de mètres, et la durée d’immersion quelques minutes. (Comparez aux performances des Cétacés, qui peuvent demeurer immergés une heure et demie et « sonder » à plus de 1 000 m de profondeur.) Les mouvements verticaux du micronecton au cours du cycle nycthéméral exercent donc une grande influence sur le régime des Oiseaux. Dans les eaux tropicales, où les proies sont rares pendant le jour, la plupart des Oiseaux chassent au-dessus des bancs de Poissons prédateurs qui poursuivent la même nourriture qu’eux.