Ébénistes français du xviiie s., d’origine allemande.
Le nom d’Œben s’attache à l’un des chefs-d’œuvre de l’ébénisterie française du xviiie s., le bureau de Louis XV, aujourd’hui replacé dans la chambre du roi, à Versailles. Son auteur, Jean François Œben (Ebern, Franconie, v. 1720 - Paris 1763), apprit dans son pays natal l’ébénisterie, la marqueterie, la mécanique et la serrurerie. En 1749, il est à Paris, où il épouse une sœur de l’ébéniste Roger Vandercruse dit Lacroix (1728-1799). Il travaille dans l’atelier d’André Charles Boulle, fils du grand Boulle*, et portant le même prénom, dans la galerie du Louvre. Le joaillier Lazare Duvaux lui commande sept cadres marquetés pour la marquise de Pompadour, qui lui fait obtenir la charge d’ébéniste du roi pour la manufacture des Gobelins. Œben s’y installe en 1754 ; le local devient trop exigu : en 1756, Œben obtient un large établissement à l’Arsenal. Il est remarquable que, attaché à la maison royale et soustrait par ce titre aux inspecteurs de la maîtrise parisienne, il ait, en 1761, sollicité des lettres qui l’y agrégeaient : sans doute son appartenance à la communauté pouvait-elle faciliter son activité commerciale. La Cour et la Ville faisaient appel à son talent.
Le Louvre affecte une salle entière à ses meubles, dont l’un, une table de milieu à la haute ceinture marquetée de « cubes sans fond », impose à l’admiration son élégance unie à la majesté. Avec elle voisine un petit meuble qui, fermé, présente la figure d’une commode et qui, par l’action d’une manivelle, fait émerger de son caisson un serre-papiers, tandis que s’en détachent un marchepied et une table de lit. Ce curieux combinat s’appelait table à la Bourgogne. Selon toute apparence, Œben désignait par cette expression ses meubles à machinerie. En 1760, il avait construit pour le jeune duc de Bourgogne, paraplégique, un fauteuil mécanique, exhaustible, dirigeable et muni de tablettes articulées. Peut-être cette réussite est-elle à l’origine de la commande que l’Administration fit au maître, la même année, du célèbre bureau du roi. Formé de « lattes mouvantes » collées sur une toile forte, le dessus de ce bureau s’ouvre en s’enroulant autour d’un axe logé derrière le serre-papiers. Œben mourut avant d’avoir mis au point la combinaison de contrepoids, qui demanda six ans d’expériences à son auxiliaire et successeur, Riesener*. Le chef-d’œuvre ne fut livré qu’en 1769. Il n’en est pas moins, pour la conception, le dessein général et le dispositif des bronzes qui le décorent, l’œuvre d’Œben.
Jean François avait un frère cadet, Simon († v. 1786 Paris), que son éclatante renommée éclipsa injustement. Simon a collaboré longtemps avec son aîné. Il était l’époux d’une autre sœur de Vandercruse et fut le successeur de son frère dans l’atelier des Gobelins. Les jurés-gardes de la maîtrise n’avaient donc aucun droit de contrôle sur sa production ; néanmoins, comme Jean François, Simon acquiert le brevet en 1764 et deviendra juré en 1770 pour les deux années réglementaires. On a trace d’ouvrages à lui commandés par Mme de Pompadour, donc avant 1764. Les musées français n’ont rien de ce maître, que l’Almanach Dauphin de 1772 présente comme l’un des plus fameux de la communauté parisienne. Mais le South Kensington Museum de Londres possède une belle table marquetée, chantournée à toutes faces, au dessus divisé en trois panneaux, dont les deux externes coulissent pour découvrir des « caves ». Plusieurs collections parisiennes ont recueilli de petits meubles toujours originaux de forme et soignés d’exécution.
G. J.
➙ Louis XV (styles Régence et) / Louis XVI et Directoire (styles).