O’Connell (Daniel) (suite)
Après cette grande victoire, O’Connell, immensément populaire, surnommé « le Libérateur », se fixe un nouvel objectif : le Repeal, c’est-à-dire l’abolition de l’Union, mais la seconde partie de sa carrière est moins heureuse que la première. Appuyé par un groupe de 45 députés irlandais au Parlement, il fait alliance avec les whigs anglais pour obtenir des réformes. Le combat est d’abord orienté contre le statut de prépondérance de l’Église anglicane en Irlande. C’est la « guerre de la dîme » (1830-1834), menée de grand cœur par une paysannerie catholique qui déteste l’Église établie, jugée étrangère, hérétique et pourvue de privilèges exorbitants. Cependant, la dîme subsiste, quoique sous une forme amendée. Après quelques tentatives de réformes limitées, il devient évident que les whigs, malgré leurs tendances conciliantes, n’envisagent aucun changement en profondeur en Irlande.
Aussi, en 1840, O’Connell fonde l’Association pour l’abolition de l’Union (Repeal Association), dont les objectifs sont assez modérés : point de séparatisme, mais la restauration d’un Parlement irlandais. L’idée est de reprendre la tactique suivie autrefois par l’Association catholique et de procéder par meetings monstres. Mais la situation à Londres n’est plus la même : le gouvernement conservateur de Peel est fermement décidé à résister. Si bien que l’agitation « pacifique, légale et constitutionnelle », comme l’appelle O’Connell, se heurte à l’intransigeance des autorités, qui refusent de se laisser intimider. Le grand meeting convoqué par O’Connell à Clontarf en octobre 1843 est interdit. Contraint de choisir entre la légalité et la rébellion, le Libérateur, fidèle à ses convictions, se soumet à la loi, annule le rassemblement, mais son prestige subit un coup dont il ne se relèvera pas.
Peu après, O’Connell entre en conflit avec les leaders d’une nouvelle génération nationaliste, la « Jeune-Irlande » (1845), tandis que commence le désastre national que constitue la Grande Famine. Vieilli, découragé, coupé de la plus grande partie de ses troupes, il meurt à Gênes en 1847.
Il a, sans aucun doute, été un grand patriote libéral. De là sa popularité en Irlande, sa réputation en Europe, où tous les amis du libéralisme et des nationalités le révèrent (il n’est que de voir son prestige auprès des catholiques libéraux français). Mais, prisonnier de sa classe, légaliste à l’excès, fermé au problème agraire, il s’est opposé à toute transformation sociale (y compris à l’existence de syndicats), ce qui a limité son champ d’action au domaine strictement politique. Les dons et le dévouement qu’il a déployés ont fait de lui un éveilleur de la conscience nationale. Pendant un quart de siècle, O’Connell a su non seulement mobiliser, mais incarner le patriotisme irlandais.
F. B.
➙ Irlande.
D. R. Gwynn, Daniel O’Connell, the Irish Liberator (Londres, 1929 ; nouv. éd., Cork, 1947). / S. O’Faolain, King of the Beggars : a Life of Daniel O’Connell, the Irish Liberator (Londres, 1938 ; 2e éd., Dublin, 1970). / M. Tierney (sous la dir. de), Daniel O’Connell (Dublin, 1949). / A. D. MacIntyre, The Liberator : Daniel O’Connell and the Irish Party, 1830-1847 (Londres, 1965).