Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

océan (suite)

À l’échelle du globe, la densité augmente de l’équateur vers les pôles, et de la surface vers le fond. Des différences régionales de salinité viennent troubler localement cette répartition. La densité étant essentiellement l’expression synthétique de la température et de la salinité agissant simultanément, dans la pratique on l’évalue en fonction de ces deux paramètres à l’aide de tables (dites « de Martin Knudsen ») ou d’abaques (fig. 4). En reportant sur un diagramme TS (fig. 5) les valeurs de température et de salinité recueillies aux diverses immersions d’une station hydrologique, on constate que les eaux types et les masses d’eau qui en dérivent se disposent en profondeur et migrent (courants) en fonction de leur densité. Celle-ci est donc une donnée fondamentale pour comprendre le milieu marin.


Le lit de la mer

Le fond marin est composé de deux grands ensembles morphologiques : les parties immergées des blocs continentaux forment les marges continentales, et tout l’espace qui les sépare est occupé par les cuvettes océaniques. Grâce au spectaculaire progrès de la géophysique marine, on sait que cette distinction correspond à une différence de soubassement (fig. 6). Les marges ont le même support que les continents, c’est-à-dire qu’elles possèdent une croûte épaisse (plus de 30 km) et légère (comme l’exprime le déficit de pesanteur par rapport à celle qui est calculée). Les déformations ont des styles et des formats comparables à ceux des terres émergées. Dans l’Atlantique et l’océan Indien, ces blocs présentent d’une rive à l’autre des contours (plus ou moins bien) emboîtables et des affinités d’âge et de structures. Seul le Pacifique est étranger à ces cousinages en raison de son encadrement de bourrelets montagneux et d’arcs insulaires, soulignés ou non par la présence de grandes fosses océaniques.

Sous les cuvettes existe une croûte (dite « océanique ») mince (la discontinuité de Mohorovičić est vers 10-12 km de profondeur), lourde (pesanteur en excès) et composée des trois couches suivantes : la couche no 1 (ou couche sédimentaire) est faite de dépôts non consolidés dont l’épaisseur décroît depuis les marges jusqu’aux parties centrales et culminantes des cuvettes appelées dorsales ; la couche no 2 (ou « socle » océanique) est formée de basaltes spécifiques (ou tholéitiques), vraisemblablement interstratifiés avec des sédiments consolidés, leur âge croît à mesure qu’on s’éloigne de l’axe des dorsales où le basalte est à nu et secoué par des séismes superficiels, le champ magnétique dessine de curieuses bandes alternativement positives ou négatives, ce sont les anomalies magnétiques parallèles à l’axe de la dorsale et fréquemment décalées le long de zones de fracture (fig. 7) ; la couche no 3 (ou couche océanique) est sans doute constituée d’amphibolite et de serpentinite, mais les opinions sont très partagées sur ce point. Elle est supportée par un gonflement du manteau supérieur. Croûte continentale et croûte océanique forment, avec le manteau supérieur, la lithosphère, dont la base se situerait vers 70 km (au maximum) de profondeur.

L’individualisation des marges et des cuvettes s’est faite au cours d’une évolution complexe qui laisse une très large part à l’hypothèse d’école et à la controverse. Les interprétations opposées sont les suivantes :

On peut supposer que sur l’emplacement actuel des océans existaient de véritables ponts continentaux qui furent transformés par des montées du magma profond. Une telle métamorphose (dite « océanisation » par Beloussov ou « basification » en raison de la composition chimique des apports) amena un alourdissement des parties contaminées, qui subirent une forte subsidence accompagnée de grands épanchements basaltiques. La couche no 2 (et la dorsale qui en est la partie sommitale) est donc formée par un empilement de coulées volcaniques disposées comme les tuiles d’un toit, mais de plus en plus jeunes et plus petites à mesure qu’on se rapproche du faîte. Chaque anomalie magnétique correspond alors à des coulées de nature et d’âge distincts. Les zones de fracture sont des décrochements formés après l’édification de la dorsale. Cette hypothèse, que l’on peut dire fixiste, postule la permanence des océans et insiste sur l’importance des mouvements verticaux de grande ampleur.

Selon l’interprétation inverse (ou mobiliste), la couche no 2 est formée de dykes accolés les uns après les autres selon une disposition rubannée et symétrique de part et d’autre de l’axe de la dorsale. Au voisinage de celle-ci se trouvent les éléments les plus jeunes, dont la mise en place a provoqué le déplacement latéral des plus anciens. Ces adjonctions successives sont matérialisées par le dessin des anomalies magnétiques qui furent numérotées et datées (v. Atlantique [océan]) ; comparables aux stries d’accroissement d’un organisme vivant, elles constituent le document fondamental où fut déchiffrée l’histoire du fond marin. Une telle morphogenèse graduelle suppose que périodiquement l’axe de la dorsale s’est entrouvert comme une plaie mal cicatrisée pour céder la place à des venues profondes qui ont formé une croûte jeune ; celle-ci fut à son tour écartelée au cours de la phase suivante de distension et ainsi de suite. C’est l’hypothèse du renouvellement ou de l’expansion des fonds océaniques formulée en 1961, mais séparément par H. H. Hess et R. S. Dietz. Les zones de fractures se sont formées progressivement au fur et à mesure de l’élargissement de la dorsale en adoptant un mouvement de glissement appelé faille de transformation. Le volume de notre globe restant constant, les blocs continentaux furent contraints de se déplacer jusqu’à occuper leur position actuelle. Au départ, ils devaient être rassemblés en un continent initial ; deux prétendent certains auteurs. Quoi qu’il en soit, le Pacifique est un vestige (en cours de réduction) de l’océan primitif. À la différence des interprétations proposées dès 1910 (Taylor) et 1912 (A. Wegener), qui considéraient les continents comme mobiles sur une croûte océanique fluide et passive, pour les partisans de l’expansion des fonds, ce sont ces derniers qui sont les moteurs de l’évolution non seulement des océans, mais des continents, simples radeaux passifs.