Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nucléaire (énergie) (suite)

Substances fissiles et substances fertiles

La plupart des éléments de masse atomique supérieure à 220 sont fissiles, mais les plus intéressants sont ceux qui le sont sous l’action des neutrons thermiques. Parmi ceux-ci sont utilisés l’uranium 235, le plutonium 239 et éventuellement l’uranium 233.

a) Avec l’uranium 235, pour que la fission se produise, il faut donc que le neutron incident soit thermique, c’est-à-dire qu’il ait une énergie bien déterminée : 1/40 eV. L’uranium 235 est le combustible nucléaire par excellence de tous les réacteurs nucléaires à neutrons lents ou thermiques, par opposition aux réacteurs dits « intermédiaires » ou « à neutrons rapides ».

b) Avec l’uranium 238, le neutron incident est absorbé et donne de l’uranium 239 ; celui-ci, émetteur de rayonnement bêta (période de 23,5 mn), transmute en neptunium 239, lequel, émetteur également de rayonnement bêta (période de 2,3 j), donne naissance au plutonium 239 :

Le plutonium 239 est un émetteur alpha ; sa période étant très grande (24 000 ans), on peut le considérer comme stable. L’uranium 238 apparaît donc comme le grand-père du plutonium ; on dit qu’à défaut d’être un matériau fissile comme l’uranium 235 l’uranium 238 est un matériau fertile.

c) L’uranium 233, matière fissile, s’obtient en partant du thorium 232, matière fertile, par un processus analogue au précédent.

(Périodes du thorium 233, 23,5 mn ; du protactinium 233, 27,4 j.)

d) Dans les réacteurs nucléaires à uranium naturel, la fission de l’uranium 235 produit des neutrons, lesquels, en agissant sur l’uranium 238, produisent du plutonium 239.

On consomme donc un combustible : l’uranium 235, pour en récupérer un autre : le plutonium 239. Dans ce que l’on appelle les « breeders », on produira plus de combustible que l’on en consommera.

Dans tout ce qui précède, nous avons supposé que le neutron était lent ou thermique.

Mais d’autres noyaux peuvent également subir la fission avec des neutrons rapides : il existe, dans ces conditions, ce que l’on appelle un seuil d’énergie, variable d’ailleurs avec la cible ; avec l’uranium 238, par exemple, il faut que le neutron ait une énergie de 1,5 MeV.

Précisons enfin que, dans les réactions de fission, les pertes de masse observées sont de l’ordre du millième de la masse des constituants du départ.

P. R.

➙ Atome / Énergie / Noyau / Particules élémentaires / Radioactivité / Réacteur nucléaire / Thermonucléaire (énergie) / Transuraniens / Uranium.

 A. Blaquière, Théorie de la réaction de fission en chaîne (P. U. F., 1963). / F. Netter, Quelques aspects du processus de fission nucléaire (Impr. Jean, Gap, 1963).


Deux savants


Robert Julius Oppenheimer,

physicien américain (New York 1904 - Princeton 1967). Auteur de travaux sur la théorie quantique de l’atome, il fut nommé en 1943 directeur du centre de recherches de Los Alamos, où furent élaborées les premières bombes à fission.


Edward Teller,

physicien américain d’origine hongroise (Budapest 1908). Après avoir participé, au laboratoire de Los Alamos, à la création de la bombe atomique, il a dirigé la mise au point de l’explosif thermonucléaire aux États-Unis.


La production d’énergie nucléaire

La production d’énergie nucléaire se développe rapidement dans le monde : en 1975, le cap des 300 TWh a été dépassé, ce qui représente la production électrique totale d’un pays industriel notable. Ce résultat est à la fois inférieur et supérieur aux pronostics faits lors des débuts de l’utilisation pacifique de l’atome. Depuis l’épuisement prévisible des sources d’énergie traditionnelles, certains pensaient que la croissance de la production serait extrêmement rapide, surtout dans les nations mal pourvues en pétrole et en charbon. D’autres doutaient que les prix de revient pussent être réellement compétitifs avant deux ou trois décennies et prévoyaient au stade initial une croissance lente.


Développement et nature de la production

Il y a eu en fait plusieurs phases en matière de centrales nucléaires. La première a été d’engouement, particulièrement en Grande-Bretagne. Elle a été suivie d’une phase de prudence et de ralentissement dans l’effort d’équipement, qui correspond à la période au cours de laquelle les découvertes de réserves pétrolières en Afrique et au Moyen-Orient éloignent la menace de pénurie et entraînent une baisse des prix de l’énergie traditionnelle qui rend difficile une production nucléaire réellement compétitive. Depuis 1965, la conjoncture s’est renversée dans la plupart des pays, soit que leurs ressources nationales commencent à être sérieusement entamées, en matières d’hydrocarbures, comme c’est le cas aux États-Unis, soit que la sécurité de l’approvisionnement apparaisse de plus en plus compromise par le contrôle des peuples producteurs et que le prix des hydrocarbures connaisse une forte augmentation. Les programmes d’équipement ont été partout révisés à la hausse.

La croissance économique a été rendue possible, depuis la fin du xviiie s., par l’utilisation de nouvelles sources d’énergie et par les progrès de la domestication des autres : à la première catégorie appartiennent les combustibles fossiles, à la seconde, l’énergie des cours d’eau. Les équipements hydrauliques ont l’avantage d’employer une source renouvelable, mais le coût de l’énergie produite est élevé et ne cesse de croître au fur et à mesure que l’on doit équiper des sites plus difficiles. Dans les pays les plus avancés, ce qui reste inexploité est d’ailleurs maintenant négligeable.

Les combustibles fossiles contribuent pour une part décisive à la vie du monde moderne, puisqu’on estime leur part à plus de 90 p. 100 du bilan énergétique. Mais on sait que l’épuisement des réserves conduira à réduire la production des produits pétroliers dès l’an 2000 (peut-être même dès l’an 1990) et celle de charbon un siècle ou un siècle et demi plus tard. À long terme, la satisfaction des besoins croissants d’énergie dans le monde ne peut donc être obtenue qu’à travers le gonflement de la production d’énergie nucléaire.

Celle-ci peut résulter soit de la fusion d’atomes légers, soit de la fission d’atomes lourds. Jusqu’à présent, l’utilisation des réactions de fusion demeure impossible sur le plan pacifique. On en est réduit à développer les techniques de la fission.