Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Novotný (Antonín)

Homme d’État tchécoslovaque (Letňany, près de Prague, 1904 - Prague 1975).



L’ascension

Fils d’ouvrier, Novotný adhère au parti communiste à dix-sept ans, en 1921, l’année même de la création de celui-ci. À trente-cinq ans, il est secrétaire à Hodonín en Moravie. Durant la Seconde Guerre mondiale, il est pendant quatre ans (1941-1945) déporté à Mauthausen. Après la réussite du « coup de Prague » (1948), il est premier secrétaire de la région de Prague. Principal bénéficiaire de la chute de R. Slánský, il devient secrétaire du comité central le 6 septembre 1951 ; le 6 décembre, il entre au praesidium. En septembre 1953, profitant des remaniements qui suivent la mort de Gottwald*, il est nommé premier secrétaire du parti. Représentant du groupe stalinien, qui vient d’accéder au pouvoir, il cherche, en 1956, à éviter que la Tchécoslovaquie soit entraînée dans le courant de libéralisation qui transforme la Hongrie* et la Pologne*. En juin 1956, il s’oppose à la réunion d’un congrès extraordinaire et convoque seulement une conférence nationale du parti communiste, soigneusement contrôlée. Dans une Europe de l’Est en pleine effervescence, la Tchécoslovaquie apparaît comme un îlot de dogmatisme, un appui inconditionnel des dirigeants soviétiques.

À la mort de A. Zápotocký, c’est Novotný qui est élu, en novembre 1957, président de la République. Il va maintenir jusqu’à sa chute, en 1968, le cumul des postes clés du parti et de l’État. Malgré son hostilité à l’égard de la déstalinisation, il a le soutien de Khrouchtchev.

Homme de l’appareil, il ne peut, comme Gottwald ou Zápotocký, se prévaloir d’un prestige historique. Hostile aux intellectuels, il exprime bien les intérêts de la bureaucratie de l’appareil du parti, très conservatrice. De 1956 à 1968, il saura reculer les échéances de la déstalinisation.


Les lenteurs de la libéralisation

Pendant douze années, l’usure du pouvoir contraint Novotný à des concessions. Mais celui-ci se refuse à céder sur ce qui lui paraît l’essentiel : nul ne doit évoquer ouvertement les grands procès de 1949-1954.

Le ministre de l’Intérieur Rudolf Barák semble favorable à une révision des procès politiques. Il aurait entre ses mains des dossiers compromettants pour l’équipe au pouvoir. En juin 1961, il perd son poste de ministre au profit d’un homme de Novotný, L. Štrougal, et, en février 1962, il est exclu du parti et condamné à quinze ans de prison pour détournement de fonds publics.

Lors du XIIe Congrès du parti communiste, en décembre 1962, Novotný annonce en termes vagues la révision des procès politiques des années 1949-1954. Mais il doit compter avec l’opposition grandissante des milieux slovaques, qui n’ont pas pardonné l’exécution en 1952 de V. Clementis, condamné pour nationalisme bourgeois slovaque lors du procès Slánský.

L’année 1963 est marquée par plusieurs concessions : dans sa séance du 3-4 avril 1963, le Comité central examine un rapport « sur les violations des principes du parti et de la légalité socialiste à l’ère du culte de la personnalité », qui reste secret jusqu’à sa publication en Occident en 1966. Novotný doit sacrifier douze staliniens slovaques notoires : entre autres, K. Bacílek, premier secrétaire du parti slovaque, et, en septembre 1963, le Premier ministre Viliam Široký. En août 1963, il doit admettre la réhabilitation judiciaire de Slánský, mais, par un compromis subtil, les crimes politiques et les « méthodes antiléninistes » de Slánský restent condamnés. Tout en écartant les staliniens slovaques, Novotný déclare, le 12 juin 1963, à Košice, en Slovaquie-Orientale, que « la critique du nationalisme bourgeois [...] était et reste toujours valable ». La chute de Khrouchtchev en 1964 semble affaiblir sa position personnelle. La réélection de Novotný à la présidence de la République en novembre 1964 paraît remise en question. Mais Moscou ne souhaite pas modifier le statu quo, et Novotný se maintient au pouvoir.

Dans la vie quotidienne, la libéralisation apparaît timidement à partir de 1962. Le nouveau président du Conseil, Jozef Lenárt, un jeune Slovaque, semble plus ouvert aux idées nouvelles, tout en rassurant par sa prudence les conservateurs. Les intellectuels veulent profiter de la marge de liberté qui leur est laissée. Malgré un rappel à l’ordre brutal en 1964, ils représentent une puissance croissante après 1966. Surtout, la crise économique menaçante au début des années 60 oblige l’équipe dirigeante à des mesures radicales. Une réforme économique, conçue par Ota Šik et par ses collaborateurs, entre en application le 1er janvier 1967. Au XIIIe Congrès de 1966, Novotný donne son appui officiel aux réformes, tout en montrant sa volonté de maintenir la libéralisation dans d’étroits domaines réservés. Mais la renaissance des sciences sociales en Tchécoslovaquie favorise aussi de grandes enquêtes sociologiques sur l’évolution de la société socialiste, comme l’étude de Radovan Richta sur la Civilisation au carrefour. En juin 1967, le congrès des écrivains montre la volonté de changement des intellectuels, qui se présentent en porte-parole du mécontentement populaire.


La chute

C’est en décembre 1967 que s’engage devant le Comité central la lutte pour le pouvoir. Le 8 décembre, L. Brejnev fait une visite éclair à Prague. S’il souhaite le maintien du statu quo, il ne prend pas nettement position en faveur de Novotný. D’ailleurs, le dogmatique J. Hendrych se présente en successeur possible du premier secrétaire. Le 19 décembre, Novotný, en difficulté, doit faire une autocritique partielle. Il met à profit les fêtes de Noël pour préparer un coup d’État militaire, qui échoue faute de soutien. Le 5 janvier 1968, il doit abandonner à A. Dubček* son poste de premier secrétaire. Mais il reste président de la République et semble décidé à continuer la lutte. Le 27 février, la fuite du général J. Šejna, l’un de ses hommes de confiance, le discrédite, et, le 22 mars, Novotný démissionne de la présidence. Le 29 mai, il perd toutes ses fonctions de membre du Comité central et est exclu du parti. Il se retire dans une villa à Smichov et reste désormais à l’écart de la vie politique.