Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

notation chorégraphique

Transcription des œuvres chorégraphiques à l’aide de signes conventionnels.


Jusqu’au xviiie et même au xixe s., la chorégraphie reste l’art d’écrire la danse. Ensuite s’installe une ambiguïté qui conserve au terme son sens initial et lui en ajoute un second, qui prévaut actuellement puisque de nos jours une chorégraphie est l’œuvre chorégraphique elle-même. Le chorégraphe n’est plus celui qui transcrit un ballet, mais celui qui le compose. Ainsi, différencie-t-on chorégraphie et écriture de la danse, chorégraphe, compositeur de ballet et notateur.


Le passé chorégraphique

Pendant de longs siècles, seule la tradition orale a permis aux danses et à la danse de survivre. Hormis les « livres » ou livrets qui expliquaient certains grands divertissements de cour ou qui décrivaient succinctement les danses de l’époque, il ne reste rien. La danse, art du mouvement, est le plus éphémère de tous les arts. Le danseur en a conscience et plus encore le chorégraphe. La danse n’a pas de « passé écrit », ou très peu. La photographie fixe une attitude, emprisonne un jeu de lumière ou une expression, retient un « temps » dans l’espace. De récentes expériences photographiques apportent un élément nouveau : l’illusion du mouvement dans un « flou » plus artistique qu’indicateur de geste, encore moins de pas. Le cinéma seul restitue l’ensemble d’une œuvre. Mais sa lecture décomposée pour retrouver chaque pas, chaque enchaînement est un travail long et ingrat.

Œuvre scénique et visuelle, une chorégraphie ne peut être vue — ou revue — que lorsqu’une troupe l’inscrit à l’un de ses programmes. À aucun autre moment, on ne peut retrouver une œuvre chorégraphique, tandis qu’une pièce de théâtre qui n’est plus jouée a pu être imprimée, une symphonie enregistrée et transcrite.

Tous les systèmes inventés dans les siècles passés, en dépit de leur ingéniosité, n’en étaient pas moins incomplets et impraticables pour la transcription de grandes œuvres chorégraphiques. La tradition orale elle aussi est insuffisante. À chacun manque cette rigueur qui donne la précision et préserve des modifications inévitables. Seule une écriture claire, complète, logique, étayée par les portées musicales pouvait satisfaire cette nécessité de préserver de l’oubli et respecter les constructions rythmiques, chorégraphiques et spatiales que représentent une danse, un ballet.

Le Centre national de l’écriture du mouvement

Créé en 1958 par Théodore d’Erlanger (1888-1971), fondateur de l’École supérieure d’études chorégraphiques, ce centre a pour but l’enseignement et la vulgarisation de la notation chorégraphique (en particulier le système de Laban) ainsi que la formation des notateurs professionnels.

La notation chorégraphique est une connaissance nécessaire au chorégraphe qui veut transcrire ses compositions, au maître de ballet qui remonte les œuvres ainsi conservées, au danseur qui pourrait étudier ses rôles grâce aux cinétogrammes (partitions musicales avec transcriptions chorégraphiques).


La notation

Massine*, si lorsqu’il travaille donne l’impression de ne prendre que des notes hâtives, utilise pourtant pour transcrire ses ballets le système élaboré par le danseur Vladimir Stepanov (1866-1896) en 1891, publié à Paris (l’Alphabet des mouvements du corps humain, 1892) et qui servit à Nikolaï Sergueïev (1876-1951) à noter la plupart des ballets de Marius Petipa*. Konstantine Sergueïev (né en 1910) a lui-même largement fait appel à ces transcriptions pour remonter au Kirov de Leningrad les œuvres de Petipa (la Belle au bois dormant). En s’inspirant de ce même système, Vaslav Nijinski (V. Ballets russes) nota la chorégraphie de son Après-Midi d’un faune.

D’autres auteurs se sont penchés sur le problème de la transcription chorégraphique. Rudolf von Laban* dès 1928 publiait sa Notation du mouvement (Schrifttanz : Methodik, Orthographie, Erläuterungen) [Vienne, Leipzig], Margaret Morris (née en 1891) faisait paraître sa Danscript également en 1928 (à Londres) et Pierre Conté sa Chorégraphie en 1930 (à Paris), à laquelle certains se réfèrent encore.

En 1945, un Américain, Alwin Nikolais (né en 1912), publie un nouveau système, Choroscript, tandis qu’un autre Américain, Eugene Loring (né en 1914), élabore une méthode personnelle utilisant des symboles abstraits. On peut également mentionner le travail réalisé par Marcelle Bourgat, professeur à l’Opéra de Paris, l’Étude rationnelle de la danse, où une large place est faite à l’écriture de la danse.

En 1955, à Londres, Joan et Rudolf Benesh mettent au point une méthode simple de notation (publiée à Londres en 1956, Introduction to Benesh Dance Notation) fondée sur la juxtaposition d’une portée musicale et du schéma du rôle du danseur ou d’un groupe de danseurs, les éléments de mise en scène étant inscrits sous la musique. Le « Benesh System », enseigné à la British Dance Notation Society (créée en 1956), ainsi que les autres systèmes de notation, est adopté par le Royal Ballet, qui conserve de cette façon toutes les œuvres de son répertoire.

Le plaisir fugace et unique éprouvé à un spectacle de ballet peut, grâce à l’un des systèmes chorégraphiques, se retrouver à plusieurs années d’intervalle, ce ballet ayant pu être remonté même après la disparition de son auteur. Les possibilités de diffusion d’œuvres méconnues ou peu connues, de chefs-d’œuvre oubliés qu’offre la notation sont vastes. Associée au film, elle est appelée à devenir un des moyens les plus efficaces nécessaires à la sauvegarde d’un art aussi souple et aussi riche que la parole.

La labanotation

Ce système d’écriture de la danse, élaboré par Rudolf von Laban*, diffusé par ses élèves et ceux de Kurt Jooss (né en 1901), en particulier par Sigurd Leeder (né en 1902), est actuellement celui qui prévaut. Il peut servir à transcrire toutes les danses (classique, moderne et folklorique).

La lecture s’effectue de bas en haut et de droite à gauche, sur trois lignes qui figurent le corps du danseur (axe médian, côtés gauche et droit). Les évolutions sont indiquées par des signes géométriques (rectangle et ses variantes).

Ce ne sont pas uniquement les pas qui sont transcrits, mais les articulations des mouvements, les orientations du corps. Écriture lente et difficile, plus complexe que celle de la musique, elle restitue toutefois avec exactitude toutes les situations chorégraphiques.

Grâce à la labanotation, certaines œuvres de George Balanchine* ont été transcrites (Symphony in C, Orpheus, la Bourrée fantasque, Theme and Variations, Serenade, etc.) ainsi que la Table verte et la Grande Ville de K. Jooss.

Ann Hutchinson (née en 1918), cofondatrice du Dance Notation Bureau (1940) à New York, se consacre à son enseignement et à sa diffusion, et a publié une synthèse sur la Labanotation (1954).

H. H.

➙ Chorégraphie.