Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Normandie

Ancienne province du nord-ouest de la France qui s’étend sur 29 841 km2 et se subdivise actuellement en deux Régions et cinq départements : la Haute-Normandie comprend la Seine-Maritime* et l’Eure*, abrite 1 595 695 habitants (cap. Rouen) ; la Basse-Normandie englobe le Calvados*, l’Orne* et la Manche* et compte 1 306 152 habitants (cap. Caen).



Le cadre et les hommes

Depuis 1946, la population augmente dans tous les départements. L’accroissement naturel a été élevé, sous l’effet d’une forte natalité, particulièrement entre 1945 et 1955. L’immigration autour des grandes agglomérations de la Basse-Seine améliore encore la situation de la Haute-Normandie, dont la population a augmenté de plus de 500 000 habitants entre 1946 et 1975. Au contraire, les régions rurales de Basse-Normandie se dépeuplent, et le gain de 200 000 personnes, essentiellement dû à l’accroissement naturel, a surtout profité au département du Calvados (à l’agglomération de Caen). Dans ses mouvements contemporains, la population se révèle assez peu homogène. La Normandie doit son existence à la force des traditions née d’une histoire commune, du duché de Rollon à la Révolution française, à cet attachement à la terre et à la propriété, à cette ténacité dans la défense des droits les plus individuels, à ce goût des jouissances savourées, à cette psychologie paysanne qui prévaut encore largement.

Car la géographie physique, moins encore que la démographie, ne confère aucune unité à la Normandie. L’ouest de la province appartient au Massif armoricain ; sur les collines les plus élevées, entre 300 et 400 m d’altitude, les granités et les grès se décomposent en sols de médiocre valeur qui portent des landes, des forêts ou de maigres herbages ; dans les bassins schisteux, des sols plus épais ont de bonnes aptitudes agronomiques ; partout, sous un climat particulièrement humide, le bocage enserre de ses haies et de ses talus les herbages et les champs. À l’est, de part et d’autre de la vallée de la Seine, les horizons s’ouvrent beaucoup plus largement sur les plateaux sédimentaires qui appartiennent au Bassin parisien ; de riches sols de lœss conditionnent les meilleurs terroirs de Normandie dans le pays de Caux, les plaines de l’Eure et la plaine de Caen ; mais le bocage réapparaît aussi sur les vallonnements argileux du pays d’Auge et du pays de Bray. Au nord, enfin, la Normandie s’ouvre sur la Manche, offrant une assez grande variété de côtes à l’assaut des marées : falaises de craie du pays de Caux, ample estuaire de la Seine, falaises variées du Calvados alternant avec des plages de sable rendues célèbres par les combats du débarquement de 1944, rochers abrupts de La Hague, anses dormantes du Cotentin qui interrompent de très longues plages, large baie du Mont-Saint-Michel. La Normandie s’est façonnée sur cette marqueterie de paysages que la variabilité des types de temps océaniques pare des lumières les plus subtiles sous une humidité quasi constante.

A. F.


L’histoire


Les origines

Peuplée, avant la conquête romaine (56 av. J.-C.), de Celtes et de Belges à l’est, de Ligures et d’Ibères à l’ouest, la future Normandie est incorporée, sous Auguste, à la Lyonnaise. Elle est divisée en six civitates, puis organisée par Dioclétien en une province de IIe Lyonnaise, avec Rouen pour capitale. Le christianisme y est prêché au milieu du iiie s., selon la tradition par saint Nicaise, et se développe d’abord autour de l’évêché de Rouen (v. 314), puis dans les villes, où sont créés d’autres évêchés : Bayeux, Avranches, Évreux (ive-ve s.), Sées et Coutances (début du vie s.). Occupée au ve s. par les Francs — partie intégrante de la Neustrie au viie s. —, la région est profondément pénétrée par le monachisme. Ce dernier s’implante d’abord au vie s. dans l’ouest ; il s’établit ensuite avec les Bénédictins dans la vallée de la Seine et en Haute-Normandie, où sont édifiées les abbayes de Saint-Wandrille (649), Jumièges (v. 654), Fécamp (v. 658). Mais au ixe s., le pays est victime des premières invasions scandinaves (incendie de Rouen, en 841, pillage des grandes abbayes, etc.).


Le duché de Normandie (xe-xiie s.)

• La formation du duché. Dès le début du xe s., des hordes de Vikings, ou Normands*, se fixent dans la basse vallée de la Seine, que Charles III le Simple cède en 911, au traité de Saint-Clair-sur-Epte, à Rollon (Hrôlfr), à condition qu’il reçoive le baptême et empêche l’installation de nouveaux Scandinaves. Accru en 924 du Mans et de Bayeux, puis en 933 du Cotentin et de l’Avranchin, ce territoire forme, sous l’autorité de Rollon (911 - v. 930-932) et de Guillaume Ier Longue-Épée, une unité territoriale et politique stable dont les limites sont celles de la province ecclésiastique de Rouen. Peu nombreux, assimilant la langue et les mœurs des autochtones avec une rapidité variable, les Normands constituent un véritable État indépendant et original grâce à l’autorité et à la longévité de leurs princes, qui maintiennent la paix intérieure dans le cadre du système féodal et la paix extérieure grâce à l’alliance franque.

Les descendants de Rollon, Guillaume Ier Longue-Épée (v. 930/932-942) et Richard Ier sans Peur (942-996), détiennent en fait une autorité presque absolue qui se renforce sous Richard II le Bon (996-1026) « duc par la grâce de Dieu » ; protecteur de l’Église, le duc restaure et développe évêchés et abbayes (Fécamp, la plus importante du duché, Jumièges, Saint-Wandrille, Saint-Ouen de Rouen et Mont-Saint-Michel) ; il désigne lui-même les évêques et les principaux abbés qui deviennent les grands auxiliaires de la politique ducale. Le duché est enrichi par les nombreux butins amassés à Rouen, et le duché se couvre alors de villes nouvelles (Dieppe, Falaise, Argentan, Alençon, Saint-Lô, Cherbourg, Barfleur et surtout Caen, qui apparaît vers 1025 et devient vite capitale secondaire des ducs). Succédant à Richard III (1026-27), Robert Ier le Libéral (1027-1035) laisse à Guillaume*, son fils bâtard (1035-1087), une succession difficile : pendant sa minorité, la Normandie connaît l’insécurité et la misère des guerres intestines, alors même que la prospérité économique et l’administration ducale ne semblent pas souffrir de la crise, qui ne prend fin qu’en 1047, après la victoire de Val-ès-Dunes et la promulgation de la « trêve de Dieu » à Caen.