Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nord (mer du) (suite)

L’est de la mer du Nord est occupé par une eau moins salée (30 p. 1 000) dans le Skagerrak et donc plus sensible à la congélation ; la petite banquise qui se forme en baie Allemande (extension maximale en février) peut durer plusieurs semaines au cours des hivers les plus rudes. L’amplitude thermique est donc forte. Par ailleurs, l’oscillation marégraphique s’y réduit sensiblement (présence de deux points amphidromiques) et les courants généraux y sont plus faibles qu’à l’ouest.

Fermée sur trois côtés, la mer du Nord a un climat légèrement continentalisé. Il est frais en été, rigoureux en hiver (neige dans le nord), souvent humide et brumeux, presque toujours instable (passages fréquents des dépressions dérivées de front polaire) et venteux. En hiver, les vents y dépassent souvent 100 km/h et soulèvent de très fortes mers. Autour des Shetland, des vagues de 12 et 15 m ne sont pas rares ; au cours de l’hiver 1971-72, à la plate-forme de forage Neptune VII, située au large de Stavanger (Norvège), on a enregistré une vague de 18,40 m. Périodiquement, les dépressions les plus creuses peuvent provoquer la formation de surélévations anormales du niveau de la mer (2 m et plus) appelées ondes de tempêtes (v. ondes océaniques) ; amplifiées par résonance, elles peuvent devenir des cataclysmes lorsqu’elles se superposent à des pleines mers de vive-eau, comme cela se produisit en 1953 aux Pays-Bas (plus de 2 000 victimes et de 250 000 ha inondés). De telles menaces, qui pèsent notamment sur les rivages de Hollande, Zélande et de Frise, ont très tôt obligé les habitants à protéger les embouchures et surtout les polders par des digues, objets d’une surveillance continue.


La mer du Marché commun

Ses bancs instables, ses tempêtes fréquentes rendent la mer du Nord particulièrement dangereuse. Mais elle fut très tôt le site d’une intense fréquentation, notamment à cause de la fertilité de ses eaux. Constamment brassées (notamment sur les hauts-fonds comme le Dogger Bank) et réalimentées en apports sédimentaires (surtout au sud), elles présentent des teneurs élevées en sels nutritifs indispensables à l’entretien de la vie benthique et pélagique. La mer du Nord est en mesure de donner asile et subsistance à une très grande variété de poissons et fut donc un très précoce loyer de pêche et un actif laboratoire où furent mises au point toutes les techniques de la grande pêche moderne, le chalutage notamment, dont elle reste la terre d’élection (env. 75 p. 100 des prises). Le total des prises annuelles dépasse 3 Mt, dont les deux tiers sont récoltés par les Danois et les Norvégiens, précédant les Britanniques et les Soviétiques (présence des navires appartenant aux kolkhozes de pêche des républiques baltes), puis, loin derrière, la Suède, les Pays-Bas et la France. Les diverses espèces de harengs sont pêchées de mai jusqu’en plein hiver, surtout dans les eaux périphériques ; le maquereau l’est surtout sur les bancs, notamment au centre, les deux autres espèces qui jouent un rôle dans les prises sont l’églefin et le tacaud, poissons proches de la morue. Jadis dispersée en de multiples ports, l’activité halieutique tend à se concentrer en quelques grands centres capables d’armer pour la grande pêche industrielle. Les plus importants sont Bremerhaven et Cuxhaven (100 000 t chacun), Boulogne (qui y fait le quart des pêches françaises), Grimsby et Hull (200 000 t chacun) et surtout Esbjerg, en plein essor (400 000 t), sans doute le premier port de pêche du monde. L’intense utilisation des régions les plus poissonneuses et l’exploitation communautaire des secteurs placés sous la dépendance des pays appartenant au Marché commun ont nécessité, non sans difficulté, l’élaboration d’une sévère réglementation destinée à enrayer la surpêche menaçante et les conflits d’intérêts.

La mer du Nord est le débouché naturel de grandes régions économiques, notamment celles du Marché commun. Ce « lac européen » est le terminus de la plus grande route maritime du monde (v. Atlantique [océan]). Sur ces rivages s’activent et grandissent des ports qui sont parmi les plus importants du monde (Rotterdam, Londres, Anvers, etc.). L’intensité du trafic de ligne et de cabotage a imposé de très ambitieux et très coûteux aménagements portuaires (comme à Anvers et Rotterdam) ainsi que l’adoption de très strictes mesures de sécurité maritime (réglementation des passages, mise sur pied d’un service de surveillance permanente, etc). On estime qu’au large de Douvres (au lieu dit Piccadilly-Circus) passent en moyenne 1 000 navires par jour.

Cette richesse est encore accrue par la découverte et la mise en exploitation des ressources en hydrocarbures recelées par le sel permien. Aux gisements de gaz naturel qui furent les premiers découverts (gisement britannique de West Sole) sont venus s’adjoindre à partir de 1969 des gisements de pétrole localisés principalement dans les secteurs norvégien (Ekofisk, Frigg et Brent) et britannique (Forties, Montrose). La production a commencé en 1971 et doit dépasser 50 Mt vers 1980. Elle pose de très graves problèmes juridiques (souveraineté des États riverains, tracé d’une frontière médiane, statut des installations de prospection et d’exploitation), techniques (pose de conduits vers les côtes britanniques et, prochainement, vers l’Allemagne), économiques (prix compétitif, conciliation des activités pétrolières avec les autres aspects de la vie marine, la pêche entre autres) et biologiques (lutte contre la pollution), gui ne sont pas encore tous résolus. À la fin de 1975, les réserves récupérables étaient estimées à 2 000 Mt de pétrole et à 1 700 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Elles doivent permettre d’élever progressivement le taux de couverture de la consommation (pourtant croissante) d’hydrocarbures de l’Europe occidentale, taux extrêmement faible, puisque de l’ordre de 4 à 5 p. 100 seulement en 1975.

J. R. V.

➙ Atlantique (océan) / Danemark / Gaz / Grande-Bretagne / Norvège / Ondes océaniques / Pays-Bas / Pétrole.