Nono (Luigi) (suite)
Comme Dallapiccola* avant lui, il a adapté la technique sérielle aux exigences de la sensibilité latine et de la « vocalità » italienne. Il est capable de la plus impressionnante véhémence comme de la plus grande tendresse, servie par un don mélodique admirable, un véritable génie de la courbe vocale, qui prend toute sa force émotive à la seule nudité monodique de la voix humaine. Dans son écriture chorale, il a été le premier à fragmenter le discours prosodique en phonèmes isolés, procédé aujourd’hui courant. L’imagination de ce tempérament subjectif, lyrique et dramatique s’exalte au contact du verbe, de sorte que sa production vocale ou chorale l’emporte par le nombre et l’importance sur sa musique instrumentale, et que les petites formations de chambre chères à tous ses contemporains ne l’attirent guère.
Pour échapper au circuit traditionnel du concert, qui ne lui permet pas d’atteindre les masses populaires auxquelles son message s’adresse, Nono s’est consacré de manière croissante à la musique électro-acoustique, que l’on peut diffuser aisément dans les usines ou les salles de réunion, voire dans la rue. Ses œuvres électroniques des années 60 sont sans doute plus importantes par leur message idéologique que par leur richesse proprement musicale, mais, depuis quelques années, Nono écrit de nouveau pour l’orchestre et les voix, et ses partitions les plus récentes (Per Bastiana Tai-yang Cheng, Ein Gespenst geht um in der Welt, Como una ola de fuerza y luz) retrouvent le haut niveau d’inspiration de ces chefs-d’œuvre que sont l’opéra Intolleranza 1960, témoignage capital de l’artiste et du militant, les grandes cantates Il Canto sospeso (sur des lettres de jeunes condamnés à mort de la résistance antinazie) et Canti di vita e d’amore, l’extraordinaire Diario polacco pour orchestre ou enfin ces merveilles de tendresse intime que sont les pages chorales ou vocales La Terra e la compagna, Cori di Didone, Sarà dolce tacere, Ha venido ou Canciones a Guiomar. Dans le concert musical contemporain, la haute figure de Luigi Nono incarne la conscience et la pureté sans compromis, servies par des dons hors du commun.
Les œuvres principales de Nono
• théâtre : le Manteau rouge, ballet (1954) ; Intolleranza 1960, opéra (1960-61).
• orchestre : Variations canoniques sur une série de Schönberg (1950) ; Composizione no 1 (1951) ; Due espressioni (1953) ; Varianti (1957) ; Diario polacco (1959) ; Per Bastiana Tai-yang Cheng (avec bande, 1967) ; Come una ola de fuerza y luz (avec piano, soprano et bande, 1972).
• soli, chœurs et orchestre : Épitaphe pour F. García-Lorca, en 3 parties (1952-53) ; la Victoire de Guernica (1954) ; Il Canto sospeso (1955-56) ; Canti di vita e d’amore (1962) ; Ein Gespenst geht um in der Welt (1971).
• ensembles de chambre : Polifonica-Monodia-Ritmica (1951) ; Canti per 13 strumenti (1955) ; Incontri per 24 strumenti (1955).
• voix (soli ou chœurs) et instruments : Chant d’amour (1954) ; La Terra e la compagna (1958) ; Cori di Didone (1958) ; Sul ponte di Hiroshima (1962) ; Canciones a Guiomar (1963).
• voix seules : Sarà dolce tacere (1960) ; Ha venido ; Canciones para Silvia (1960).
• musique électro-acoustique : Omaggio a Emilio Vedova (1960) ; la Fabbrica illuminata (1964) ; Ricordi cosa ti hanno fatto in Auschwitz (1965) ; A floresta e jovem e cheja de vida (1966) ; Contrappunto dialettico alla mente (1968) ; Un volto, del mare ; Non consumiamo Marx (1969) ; Y ent onces comprendio (1970).
H. H.
M. Bortolotto, Fase seconda (Turin, 1969).
