Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Niẓāmī (suite)

L’œuvre de Niẓāmī se compose de cinq grands poèmes masnavi (v. Iran, littérature) de sujets différents et dont l’ensemble constitue environ vingt-huit mille vers. Le Trésor des mystères, la première épopée que le poète ait écrite, vers l’âge de trente-cinq ans, a essentiellement un caractère moral et philosophique. Niẓāmī y traduisit un aspect de son tempérament qui le portait à la réflexion mystique (pour certains biographes, il aurait, en effet, suivi la « voie » d’un grand maître de son temps). Cette première œuvre s’inspira vraisemblablement des grands poèmes de Sanā’ī († 1130), considéré comme le plus important des écrivains mystiques persans avant ‘Aṭṭār* et Rūmī, mais Niẓāmī changea de ton dans son deuxième poème, Khosrow et Chirin, en s’engageant alors dans le roman, relatant l’illustre passion du souverain sassanide Khosrô pour la servante arménienne Chirin (devenue princesse chez Niẓāmī). La peinture des sentiments apparaît sincère et témoigne d’une grande finesse psychologique. Laylā et Madjnūn, héros du troisième masnavi de Niẓāmī, sont deux jeunes amants célèbres dans la littérature populaire arabe. De la même tribu, le malheur les frappe néanmoins : leur union est rendue impossible par la précocité de leur âge. Madjnūn (le Fou), ayant véritablement perdu l’esprit à la suite de son désespoir, sera sauvé par sa vocation, qui l’amène à composer des chants d’amour pour réjouir le cœur des hommes. Les Sept Portraits ou Livre de Bahrâm se rapporte de nouveau à l’histoire sassanide et à son prince Bahrâm V, dit Bahrâm Gur (Gur = onagre ; ce surnom lui fut donné en raison de sa prédilection pour la chasse). Le corps de l’histoire est constitué par sept récits que font au souverain les sept princesses venant des sept contrées et qui passent chacune un jour de la semaine avec lui. Enfin, la dernière épopée est un Livre d’Alexandre. Dans ce poème, Niẓāmī réussit à dresser d’Alexandre un double portrait : celui du guerrier superbe et celui du penseur aux profondes réflexions sur la destinée humaine.

L’influence de Niẓāmī fut grande. La richesse de son talent, fait de la sensibilité la plus fine et d’une imagination surprenante, sur lesquelles vint se greffer une sérieuse culture et une grande profondeur dans la réflexion, a suscité une longue chaîne d’imitateurs : Amir Khosrow de Dehli (1253-1325), Khādju († v. 1351), Djāmī* († 1492), Hātifī (Hātefi) [† 1521]...

B. H.

 H. Ritter, Über die Bildersprache Niẓāmis (Berlin et Leipzig, 1927). / M. Ritter et J. Rypka, Ein romantisches Epos (Prague, 1934). / R. Gelpke, Die sieben Geschichten der sieben Prinzessinnen (Zurich, 1959).

Nkrumah (Kwame)

Homme d’État ghanéen (Nkroful, près d’Axim, 1909 - Bucarest 1972).


Catholique comme sa mère, il est élevé à l’école de la mission à Half Assini, où son père exerçait le métier de bijoutier, puis, à partir de 1926, au collège d’Achimota, à Accra, dont il est diplômé en 1930. En 1935, il part pour les États-Unis, où il étudie l’économie et la sociologie à l’université noire de Lincoln, la pédagogie et la philosophie à l’université de Pennsylvanie. Il se lie avec d’autres Africains passionnés de politique, comme le docteur N. Azikiwe, et subit profondément l’influence de la pensée libérale américaine en même temps qu’il lit Marx, Engels et Lénine.

En 1945, il s’installe à Londres pour étudier le droit, et c’est alors qu’il devient militant politique. Comme vice-président de l’Union des étudiants d’Afrique de l’Ouest, il entre en relation avec George Padmore, membre du Komintern, et devient son adepte fervent.

En 1947, il retourne en Gold Coast comme secrétaire général du mouvement d’opposition du docteur J. B. Danquah, l’United Gold Coast Convention (UGCC), ce qui lui vaut d’être arrêté pour quelques mois en 1948 à la suite d’émeutes. En septembre, il crée un journal, organe du mouvement nationaliste, ainsi que le Committee on Youth Organization (CYO), qui se sépare de l’UGCC, et, le 12 juin 1949, c’est la naissance de son propre parti, le Convention People’s Party (CPP). À la suite de troubles répétés, Nkrumah est de nouveau arrêté le 21 janvier 1950, mais son parti est vainqueur aux élections municipales à Accra, à Koumassi et à Cape Coast. En février 1951, aux élections fédérales, le CPP obtient 34 sièges sur 80 et contrôle la majorité de l’Assemblée, et Nkrumah est triomphalement élu à Accra. Libéré, il devient Premier ministre en mars 1952 et lance dès 1953 la campagne pour l’indépendance de la Gold Coast au sein du Commonwealth. Aux élections de juin 1954, le CPP remporte 72 sièges sur 104, cependant que se constituent des groupes d’opposition, notamment, en pays achanti, le National Liberation Movement, animé par le rival de Nkrumah, le docteur K. A. Busia. Les résultats sont identiques aux élections de 1956, et, le 6 mars 1957, la Grande-Bretagne accorde l’indépendance à la Gold Coast, qui va devenir le Ghāna*. Dès lors, Nkrumah fait figure de dirigeant panafricaniste, appelant à l’indépendance de toute l’Afrique (conférence des États africains indépendants en 1958 à Accra). Le 24 décembre 1960, il proclame l’union du Ghāna, de la Guinée et du Mali, dont l’existence sera précaire, mais il ne cessera d’œuvrer pour l’unité et l’indépendance africaine (conférence de Casablanca en janvier 1961) et, en 1963, il participe à la rédaction, à Addis-Abeba, de la charte de l’Organisation de l’unité africaine (O. U. A.). Il adopte une politique neutraliste dans les affaires internationales, tout en opérant un rapprochement avec le bloc communiste et en accusant les anciennes métropoles de néo-colonialisme.

En 1960, un référendum concernant la nouvelle Constitution est approuvé, et Nkrumah est élu à la présidence de la République contre le docteur J. B. Danquah par 90 p. 100 des voix, fonction qu’il assumera avec celles de secrétaire général du CPP et de président du Comité central de ce parti, devenant ainsi le seul maître du Ghāna.