Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nixon (Richard Milhous) (suite)

En 1950, Nixon est élu sénateur de Californie. Jeune loup du parti républicain, très bien vu par le clan des républicains orthodoxes, de mieux en mieux connu par l’opinion publique grâce à ses activités au Congrès, il est, pour les professionnels de la « machine » politique, le coéquipier idéal du candidat à la présidence en 1952, le général Eisenhower*. À six semaines des élections, on lui reproche d’avoir constitué un fonds privé pour ses campagnes électorales et ses besoins personnels : sa candidature et sa carrière sont menacées. Nixon vient alors s’expliquer devant les caméras de la télévision ; dans un discours larmoyant, il évoque son enfance difficile et son chien « Checkers ». Sa sincérité lui redonne la confiance de l’opinion. Le voici à quarante ans vice-président des États-Unis.

Ses relations avec Eisenhower sont complexes. Le président se méfie de cet homme ambitieux, qui représente l’appareil du parti ; il songe même, en 1956, à se défaire de lui, puis renonce à cette idée. À la Maison-Blanche, on ne confie au vice-président qu’un minimum de tâches. Tout en manifestant sa déférence et son respect, Nixon souffre profondément de n’être pas reconnu immédiatement comme l’héritier naturel. Mais les crises cardiaques du président, de 1955 à 1957, lui donnent l’occasion de jouer, avec tact et discrétion, un rôle de premier plan. Nixon reçoit quelques missions à l’étranger : en 1958, il visite l’Amérique latine, qui lui réserve, notamment à Caracas, un accueil agité ; l’année suivante, il rencontre Khrouchtchev dans sa datcha. Interlocuteur des Grands, Nixon finit par apparaître en 1960 comme le seul candidat possible, du côté républicain, à la succession. Mais les Américains veulent sortir de la torpeur dans laquelle les a plongés la présidence d’Eisenhower. Malgré son acharnement, Nixon est battu par Kennedy — de peu, il est vrai : 100 000 voix sur 69 millions de suffrages exprimés.

En 1962, il tente de faire sa rentrée politique, mais ne parvient pas à être élu gouverneur de Californie. Les observateurs politiques, les dirigeants de son propre parti, lui-même, enfin, jugent que cette défaite est sans appel, qu’il ne jouera plus sur la scène politique un rôle de premier plan. Il faut que survienne l’échec retentissant de Barry Goldwater en 1964 pour que les républicains se mettent à la recherche d’un leader modéré. Nixon reprend espoir, voyage infatigablement, rencontre des milliers de cadres du parti, annonce sa candidature à la présidence dès 1967. Il rallie autour de lui des républicains et bat le candidat démocrate Hubert Humphrey, en novembre 1968. Cette victoire, acquise difficilement, se transforme en un véritable triomphe en 1972 contre un adversaire trop radical, qui n’a pas su convaincre la majorité silencieuse.

Président des États-Unis, Nixon a tâche d’imposer à l’opinion une nouvelle image de lui-même. Il a atténué son agressivité et l’anticommunisme systématique, qui préoccupe moins les Américains. Mais ses contacts avec la presse ou ses concitoyens sont froids : l’homme n’a pas le magnétisme de Kennedy ; il n’électrise pas les foules. Le malaise économique et social des États-Unis le conduit, au cours de son premier mandat, à lutter d’abord contre l’inflation galopante : en 1971, il ordonne le blocage des salaires et des prix, et consent à dévaluer le dollar ; dépendant du Sud pour constituer une nouvelle majorité présidentielle, il fait tout ensuite pour arrêter l’expérience du busing, qui tentait de mêler dans les mêmes écoles enfants blancs et enfants noirs.

Il consacre l’essentiel de ses efforts à la politique extérieure. Réaliste, il renoue avec l’Europe des relations que la politique gaulliste et la crise du dollar ont desserrées. Il entretient d’excellents rapports avec l’Union soviétique. Son voyage à Pékin en 1972 résout un problème diplomatique vieux de vingt-trois ans et satisfait l’opinion. Enfin, grâce à l’active diplomatie de son conseiller Henry Kissinger, le président Nixon peut annoncer le cessez-le-feu au Viêt-nam (janvier 1973).

Mais ces succès diplomatiques ne rendent pas au président une popularité que la poursuite de l’enquête sur le scandale du Watergate ébranle définitivement. Menacé (mai 1974) d’une procédure d’« impeachment », Nixon reconnaît avoir tenté d’étouffer l’affaire. Face à une destitution probable, il choisit de démissionner (8 août 1974). La grâce que lui accorde dès septembre son successeur Gerald Ford lui évite une inculpation infamante.

A. K.

➙ États-Unis / Indochine / Républicain (parti) / Viêt-nam.

 Mazo et S. Hess, Nixon. A Political Portrait (New York, 1968). / M. Bonnefoy, Nixon président (Solar, 1969). / P. et R. Gosset, Richard Nixon, le mal-aimé (Julliard, 1972).

Niẓāmī

En pers. Nezāmi, poète persan (Gandja [auj. Kirovabad] v. 1140 - id. 1209).


Ilyās ibn Yūsuf Niẓāmī passa toute son existence dans sa ville natale. L’Azerbaïdjan était à cette époque une province dominée par de petites dynasties alliées aux Seldjoukides, souverains régnant sur l’Iran. Dès le xie s., la langue persane y avait été considérée comme langue littéraire et utilisée par les poètes (tel Qaṭrān, † 1072) pour composer leur poésie de cour. Au xiie s., la tradition littéraire persane y était bien établie.

Avec Niẓāmī, la littérature persane s’enrichit d’un nouveau genre poétique : l’épopée romanesque. Avant lui, Firdūsī*, dans son Livre des rois, avait, dans de nombreux épisodes, laissé libre cours à son lyrisme en contant de célèbres histoires amoureuses relatives à certains souverains iraniens ou héros de son épopée nationale. Mais ce n’étaient que quelques fragments inscrits dans un projet plus vaste : faire revivre et sublimer le passé national iranien. Après lui, Gurgānī (Gorgāni) [† v. 1055] inaugura le roman d’amour en vers dans son poème Wis et Rāmin (traduit en français par H. Massé). Niẓāmī développa et amena à une certaine perfection l’épopée romanesque : il substitua les sentiments individuels aux vertus chevaleresques d’antan, le drame devenant plus une affaire d’événement personnel qu’une affaire de destin universel.