Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Arabes (suite)

 Encyclopédie de l’Islam (articles « Falsafa, al-Fārābī, ibn Bādjdja »). / S. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe (Franck, 1859 ; nouv. éd., Vrin, 1956). / J. T. de Boer, Geschichte der Philosophie im Islam (Stuttgart, 1901). / L. Gauthier, Ibn Thofaïl, sa vie, ses œuvres (Leroux, 1909). / I. Madkour, la Place d’al-Farabi dans l’école philosophique musulmane (A. Maisonneuve, 1935). / G. Quadri, La Filosofia degli Arabi nel suo fiore (Florence, 1939 ; trad. fr. la Philosophie arabe dans l’Europe médiévale, Payot, 1947). / A. Awa, l’Esprit critique des « frères de la Pureté » (Beyrouth, 1948). / A. Nader, le Système philosophique des mu’tazila (Beyrouth, 1956). / F. Jabre, la Notion de certitude selon Ghazali (Vrin, 1958). / H. Corbin, Histoire de la philosophie islamique, t. I : Des origines jusqu’à la mort d’Averroès (Gallimard, 1964). / G. C. Anawati, Études de philosophie arabe (Vrin, 1974). / M. Arkoun, la Pensée arabe (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1975).


La musique arabe

La musique dite « arabe » couvre des réalités esthétiques et ethnomusicologiques variées et parfois fort différentes, mais reste marquée au sceau unificateur de l’islām, lequel a pris racine et s’est principalement exprimé dans l’arabicité. Ainsi on doit réunir sous ce vocable, avec la musique musulmane élaborée selon des normes communes à l’Iran, à la Turquie et au reste du Proche-Orient arabe, les musiques autochtones influencées par l’islām.


Historique


Origines

Les Arabes ne connurent jusqu’à l’avènement de l’islām que la vie patriarcale de la tribu. Mais nous savons qu’ils cultivaient déjà une poésie lyrique intimement liée au chant : le rhinā’(ghinā’). Sans doute faut-il chercher sa source autant dans les formules rythmiques de la langue arabe — prose rimée et poésie métrique — que dans les cadences et les rythmes des caravanes ; le Bédouin chanta instinctivement, et ce fut la mélopée ou la cantilène du chamelier. Ce premier embryon de mélodie dut comporter un ambitus extrêmement réduit : l’intervalle d’une tierce mineure, parfois d’une quarte, répétée inlassablement, et qui, monotone pour nous, procurait à l’homme du désert le ṭarab, cet enchantement intérieur où il goûtait déjà les premières joies de son art rudimentaire.

Aux côtés de cette mélopée dut exister une forme musicale destinée à soutenir la danse religieuse ou l’incantation magique : c’est le chant syllabique au rythme vif et mesuré, représenté notamment par le chant religieux de tahlīl en usage dans les processions saisonnières autour du sanctuaire de la Ka‘ba. Le chant populaire arabe conserve encore cette forme de nos jours, ce qui laisserait entendre que le fonds primitif de la musique d’Arabie était essentiellement populaire.


La musique savante des âges d’or (viiie-xiiie s.)

De son état archaïque, la musique arabe devait rapidement évoluer vers des formes plus recherchées. Il se constitue après les conquêtes des viiie-ixe s., dans les grandes cités de Bagdad, de Damas, du Caire et de Cordoue, une musique de plus en plus élaborée qui s’enrichit d’un système tonal et modal emprunté à la Perse et au bassin hellénisé de la Méditerranée : c’est la musique savante ou classique, qui s’est différenciée d’un art populaire demeuré fidèle à ses origines rudimentaires. Deux artistes de talent contribuent à la création de ce nouveau langage musical : Ibrāhīm al-Mawṣilī (742-804) et son fils Isḥāq (767-850), tous deux originaires de Perse et musiciens de la cour des califes ‘abbāssides. Un disciple d’Isḥāq, Ziryāb, ira en 822 implanter à Cordoue, capitale du royaume omeyyade de l’Espagne musulmane, les pratiques de l’école de Bagdad : il enrichit d’une cinquième corde le luth (‘ūd), devenu depuis cette époque l’instrument noble de la musique arabe. Promu au rang d’un véritable art musical et atteignant à une sorte de perfection, l’ancien fonds d’Arabie et de Perse va imprimer à la musique classique formée à Bagdad ses formes et ses contours définitifs.


L’époque moderne et contemporaine

Si les chanteurs de Bagdad tentent de nos jours encore de sauvegarder ce qu’ils croient être les traditions millénaires de l’école orientale, représentée aujourd’hui par le plus célèbre de ses chanteurs, Muḥammad Qubbandji, et son disciple Nazīm al-Rhazālī, c’est Le Caire qui est devenu, à l’époque contemporaine, le centre de la musique arabe : les courants traditionnels alexandrins, africains et autres ont donné à celle-ci un cachet particulier. Deux talents de chanteurs ont ainsi incarné ces traditions de la musique classique arabe dans un style rénové, qui subit l’influence de la musique légère européenne : Umm Kulthūm et Muḥammad ‘Abd al-Wahhāb. Mais la musique classique arabe cherche encore sa voie.


Caractères et structures

Né dans un contexte de civilisations diverses d’origine essentiellement hellénistique d’une part, persane d’autre part, l’art musical arabe se fonda presque entièrement, dans sa théorie comme dans sa pratique, sur l’exploitation et le perfectionnement du chant vocal, et sur l’élaboration poussée de l’échelle des sons et des intervalles. De ces deux tendances est née l’ornementation de la mélodie homophonique par une série de mélismes où seules les voix orientales excellent ; de même, le système modal et rythmique s’enrichit d’une variété de combinaisons qu’ignore totalement la musique occidentale. La musique arabe connaîtra plus de cent modes classiques (maqām), dont trente au moins sont encore usuels.

Autre caractéristique fondamentale : l’approfondissement et l’exploitation très poussée de l’échelle des sons et de leurs rapports, donnant lieu à ces intervalles appelés quarts ou trois quarts de ton. Ainsi obtenons-nous en l’espace d’une octave vingt-quatre degrés dont chacun porte le nom du maqām correspondant. Mais le cadre de l’octave n’est ici que conventionnel, puisque la cellule première de la mélodie reste la quarte, où les degrés de passage forment le « tétracorde » emprunté aux Grecs, et que les théoriciens arabes nomment tabaqāt. La gamme elle-même (sullam) devient alors une succession de tétracordes, à l’intérieur desquels se manifestent les caractères fondamentaux du maqām ; car des intervalles séparant les degrés au sein du tétracorde dépend le type même (djins) du maqām. Celui-ci se forme à partir de la tierce, se précise avec la quarte et peut s’affirmer complètement avec la quinte. Au-delà de celle-ci apparaît soit une répétition du premier tétracorde, soit un nouveau maqām. Il faut préciser enfin que le maqām n’est pas seulement constitué par les rapports des intervalles séparant les sons, mais aussi et surtout par le processus du mouvement mélodique à l’intérieur du tétracorde. Chaque degré de la gamme peut être le point de départ d’un maqām, qui se subdivise à son tour en plusieurs maqāms apparentés.

Cette nomenclature modale a gardé jusqu’à nos jours les noms persans :

La rythmique (īqā‘) est, elle aussi, subtile et complexe, puisqu’elle comporte un nombre considérable de combinaisons divisées en frappes sourdes (dum) et sonores (tak), en rythmes conjoints et disjoints, simples et composés, chacun ayant sa nomenclature propre :

S. J.