Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

neige

Précipitation solide, qui se manifeste lors de la condensation de la vapeur d’eau atmosphérique à une température voisine de 0 °C, sous forme de cristaux rassemblés en flocons (par temps très froid, longues aiguilles plus ou moins acérées).



La neige conjugue l’action du froid et de l’humidité


Les précipitations neigeuses

Elles interviennent dès que les abats apparaissent en atmosphère suffisamment refroidie. Cependant, l’air très froid limite le phénomène, car il a une très faible capacité de rétention en vapeur d’eau et par conséquent un faible pouvoir précipitant. S’il sévit dans les couches superficielles, il impose de surcroît une structure stable. Il existe donc, en chaque lieu et en chaque instant, un seuil en deçà duquel les basses températures favorisent la neige et au-delà duquel elles la freinent. D’ailleurs, les temps à neige, distingués en fonction de la température, sont générateurs d’abondances variables. Toutes choses égales, les temps à neige de redoux sont plus abondants que les temps à neige d’invasion polaire ou arctique. Dans les premiers, la masse d’air qui provoque les chutes est chaude (aux alentours de 0 °C en Europe occidentale ; températures plus basses à de plus hautes latitudes) et humide (caractère maritime) [fig. 1 et 2]. La neige de redoux s’accompagne donc d’un réchauffement de la température. Dans les précipitations solides d’invasion polaire ou arctique, la neige est liée à un flux arrivé directement des hautes latitudes et ayant surtout évolué sur continent refroidi [fig. 3 et 4]. L’air actif est sec ; la neige qui résulte de son intervention s’accompagne d’un refroidissement de la température. En outre, tandis que dans la neige de redoux les flocons s’accumulent en atmosphère généralement calme, dans la neige d’invasion arctique il y a précipitation de glaces fines et cinglantes, par vent de nord (Europe moyenne et Québec).

On peut assimiler les chutes de neige des 14 et 15 mai 1957 au pôle Sud (abats légers et continus) à une situation de redoux puisqu’elles résultent de la poussée d’un front chaud jusqu’au cœur du continent englacé (fig. 5). Lorsque le redoux est très accentué, les flocons de neige se mêlent aux précipitations liquides (conditions assez fréquentes dans le Morvan). D’ailleurs, la neige n’est le plus souvent qu’un fait saisonnier qui alterne avec la présence des pluies. De la diversité des temps à neige, de la combinaison intersaisonnière et interjournalière de la neige et de la pluie résulte le caractère délicat des critères d’appréciation quantitative du phénomène neigeux.


Les estimations quantitatives

On peut décompter le nombre de jours de neige, la hauteur de la neige au sol (par addition des chutes journalières [à Tamarack, en Californie, par 2 438 m d’altitude, 11,5 m par an]), apprécier la lame d’eau de fusion correspondant au total vrai ou moyen de neige tombée (1 150 mm par an à Tamarack). La quantité de neige accumulée en moyenne, quotidiennement, est obtenue, pour sa part, en établissant le rapport de la hauteur totale de la neige au nombre de jours neigeux (intensité de la neige). Le coefficient nivométrique, enfin, représente le quotient de l’eau tombée en neige par l’eau totale des précipitations. Ce coefficient égale l’unité si les chutes de neige interviennent seules (massif du Mont-Blanc à haute altitude ; Colombie britannique, par 2 500 m, au 52e parallèle de lat. N.). Le rythme nival (régime nivométrique) pourra s’exprimer par l’évolution, mois après mois, des coefficients nivométriques mensuels.


Les rythmes nivaux

C’est dans le rapport des précipitations solides aux précipitations totales que l’on saisit bien le jeu de la température et de l’humidité. En ce sens, C.-P. Péguy distingue les régimes nivométriques marginaux (Moyen-Orient à Jérusalem ; Sahara septentrional à El-Goléa), les régimes alpins (neige de quatre à neuf mois par an), les régimes continentaux (est du Canada à la latitude du Saint-Laurent, centre du Canada, Sibérie). Si, sur les Provinces maritimes (Canada) et le Québec, le maximum est en janvier, avec étirement des chutes de neige jusqu’au printemps (intervention du courant froid du Labrador), à l’ouest de la baie d’Hudson, janvier et février sont moins neigeux que décembre et mars (présence de l’anticyclone du Manitoba au cœur de l’hiver). C.-P. Péguy distingue encore les régimes hyperneigeux (dix à douze mois de neige dus au froid tenace ou à une alimentation constante : hautes latitudes polaires et très hautes altitudes intertropicales).


La répartition mondiale exprime la géographie du froid et de l’humidité

Après la chute, la neige s’exprime par la ténacité et l’épaisseur du tapis. La ténacité peut correspondre à une conservation par le froid (Mirny [Antarctique], 365 jours) ou, du moins essentiellement, par l’abondance de l’alimentation (Weissfluhjoch [Davos], à plus de 2 500 m, 265 jours). L’épaisseur oppose les minces pellicules (qui peuvent être tenaces : plaine russe) aux énormes entassements (Alpes scandinaves, Préalpes françaises du Nord). Le manteau peut comporter de la neige poudreuse, lourde (chargée d’eau) ou glacée. De l’allure des précipitations neigeuses, de leurs rythmes, du style des tapis neigeux résultants découlent les régions neigeuses.


Régions à prédominance du froid

Il en est ainsi des régions à enneigement constant des très hautes latitudes et des enneigements hivernaux des intérieurs continentaux aux latitudes « tempérées froides » et « moyennes » (Grandes Plaines canadiennes, plaine russo-polonaise, etc.). Dans tous ces cas, le manteau neigeux résulte de précipitations médiocres (v. climat) ; le froid assure sa conservation.


Régions où se combinent les effets du froid et de l’humidité

S’y rattachent : les plaines et plateaux océaniques des latitudes tempérées (Europe de l’Ouest et Provinces maritimes au Canada) ; les montagnes tempérées océaniques aux latitudes « tempérées froides » (Alaska, Norvège), aux latitudes « tempérées moyennes » (Massif central français, Préalpes du Nord) et aux latitudes « tempérées chaudes » (Sierra Nevada de Californie) ; les hautes montagnes des Tropiques humides (Popocatepetl, Himālaya, Ruwenzori, Kilimandjaro, etc.). Ainsi, d’énormes chutes de neige tombent sur l’Himalāya quand sévit la mousson. Le très fort enneigement des Alpes scandinaves s’explique, pour sa part, par les apports d’humidité venant de la mer de Norvège, apports combinés à l’effet d’altitude et à la latitude déjà septentrionale. Dans le cas du Massif central français, les montagnes volcaniques et les hauts sommets cristallins (Livradois, Margeride, Forez, Meygal-Mézenc) constituent une zone d’enneigement maximal (au-dessus de 1 500 m, la neige tient, en effet, plus de cinq à six mois). Là encore, il faut évoquer la combinaison de la « froidure » et d’une exposition aux vents humides.