Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nationalisation

Appropriation totale et obligatoire par les pouvoirs publics, par rachat aux anciens actionnaires ou confiscation, d’entreprises* du secteur privé.


Cette forme impérative a été, somme toute, assez rarement utilisée dans l’Europe occidentale. L’exemple le plus marquant est probablement celui des nationalisations françaises de 1946. « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service* public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. » Ainsi s’exprime la Constitution de 1946.

Un exemple de nationalisation : Électricité de France

La loi du 8 avril 1946 nationalisait toutes les entreprises privées de production, transport, distribution, importation et exportation d’électricité, et créait un service national dénommé « Électricité de France ». Plus d’un millier d’entreprises étaient concernées par cette loi. Cependant, un certain nombre d’établissements n’étaient pas nationalisés : régies, sociétés d’économie mixte à majorité de capital public, syndicats d’intérêts collectifs agricoles d’électricité (S. I. C. A. E.), coopératives d’usagers, centrales des Houillères nationales, de la Société nationale de chemins de fer français, de la Compagnie nationale du Rhône, des régies, etc.

Électricité de France n’est pas une administration dépendant directement de l’État, mais un établissement autonome géré par un conseil d’administration et dont le fonctionnement doit avoir, aux termes mêmes de la loi de nationalisation, un caractère industriel et commercial. Par la même loi était créé pour le gaz un organisme de même nature, « Gaz de France », le personnel des deux établissements bénéficiant du même statut : une partie de ce personnel est mixte, notamment dans les services de la distribution.

La concentration presque complète de la production, du transport et de la distribution dans une seule entreprise nationale a permis de rationaliser et d’harmoniser les structures techniques et commerciales dans le souci de minimiser les prix de revient et, par conséquent, les prix de vente. Il importait, en particulier, de normaliser les caractéristiques du courant électrique distribué. Les solutions jusqu’alors appliquées différaient plus ou moins d’une société à l’autre : courant continu ou alternatif, triphasé, diphasé, fréquence de 25 ou 50 Hz, tensions de transport et de distribution très variables. La normalisation de la basse tension présentait une importance considérable en facilitant l’emploi des appareils électriques quel que soit le lieu et en simplifiant la tâche des constructeurs. C’est ainsi qu’on aboutissait à adopter le courant alternatif triphasé 50 Hz, 220/38 V. Les sites qui permettaient d’installer des centrales hydrauliques rentables étant pratiquement entièrement équipés, les accroissements de production ne purent être obtenus qu’avec des centrales thermiques. Le charbon, qui a été, à l’origine, le seul combustible employé, s’est effacé progressivement devant la concurrence du mazout, mais le renchérissement important des produits pétroliers et la perspective de l’épuisement, plus ou moins proche, des ressources fossiles en charbon et en pétrole ont conduit Électricité de France à pousser ses études industrielles sur les centrales nucléaires, qui, tout en visant à assurer le maximum de sécurité, sont maintenant très compétitives face aux équipements classiques. Comme 1 tonne d’uranium correspond à 15 000 tonnes d’équivalent charbon dans les réacteurs actuels et que, dans les surrégénérateurs futurs, elle équivaudra à 1 million de tonnes, on comprend aisément la raison pour laquelle Électricité de France accélère la construction des centrales nucléaires. Compte tenu de cette évolution des ressources énergétiques, cet organisme a été amené à promouvoir le chauffage domestique ou industriel par l’électricité, notamment dans les immeubles neufs, solution qui devient compétitive avec les formules classiques, quand toutes les précautions nécessaires sont adoptées (bonne isolation des locaux en particulier).

Si, en vingt-cinq ans, les consommations d’électricité ont été multipliées par 6, on peut penser que les développements ultérieurs ne seront pas moins spectaculaires.

L. S.


Nationaliser sans étatiser


Le processus

Portée par les divers courants d’une idéologie socialiste (congrès de Lyon de la C. G. T. en 1919), acceptée en certaines circonstances par la doctrine catholique (encyclique Quadragesimo anno, 1931), la politique des nationalisations va trouver des bases matérielles dans l’évolution technique, économique et politique de l’époque qui suit la Libération.

La mise en place des nationalisations voit s’affronter deux conceptions : celle du général de Gaulle (« L’État doit tenir les leviers de commande [...] ; c’est le rôle de l’État d’assurer lui-même la mise en valeur des grands services de l’énergie » [discours du 2 mars 1945 devant l’Assemblée consultative]) et celle qui considérait l’entreprise comme une personnification de la nation concrète, réelle, de la nation qui travaille, de la nation qui consomme, conception par conséquent anti-étatique. La meilleure illustration de ce courant antiétatique demeure dans l’ouvrage d’Henri Fayol l’Incapacité industrielle de l’État (1921).

Deux motifs circonstanciels sont à l’origine de la multiplication des nationalisations en France : l’opération de sauvetage économique consécutive à la crise* de 1929-1932, les conséquences politiques de la guerre (ainsi la nationalisation-sanction infligée à Louis Renault).

Parallèlement, une politique systématique de nationalisations vise à défendre les structures économiques et à créer les instruments du développement économique et social. Le mouvement, amorcé en 1936 avec la nationalisation des industries d’armement et du transport ferroviaire, se poursuit en 1945 avec les nationalisations dans le secteur du charbon, de l’industrie gazière et électrique et dans le secteur financier (banques, assurances).