Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

natation (suite)

Si Furuhashi était trop vieux pour figurer en 1952 aux jeux Olympiques d’Helsinki, les Jeux de Londres en 1948 étaient également venus trop tard pour un grand nageur français, Alex Jany, qui battit en 1947 les records du monde du 100 mètres, du 200 mètres et du 400 mètres, mais ne retrouva plus cette forme par la suite. En revanche, les Jeux de 1948 vinrent trop tôt pour un très grand nageur australien, John Marshall, qui battit quelque dix-neuf records du monde en 1950 et en 1951. Toutefois, dirigé à Yale par l’un des plus grands entraîneurs américains, Bob Kiphuth, Marshall était plutôt un produit des méthodes américaines que celui des méthodes australiennes et confirmait ainsi la domination que les États-Unis avaient de nouveau établie sur la natation mondiale, malgré quelques réactions jusqu’en 1955 des Japonais, dépassés sur le plan de l’entraînement et également sur celui des gabarits. En 1948, comme en 1952, les États-Unis n’avaient laissé échapper sur l’ensemble des épreuves olympiques que deux courses. Chez les dames, en revanche, les Américaines devaient partager les lauriers olympiques avec les Hollandaises, les Danoises et les Hongroises.

La surprise fut d’autant plus grande en 1956 lorsque, brutalement, les États-Unis furent détrônés aussi bien chez les hommes que chez les femmes par l’Australie, qui accueillait les Jeux à Melbourne. Deux épreuves seulement, le 200 mètres brasse et le 200 mètres papillon, échappèrent aux nageurs de l’Australie, tandis que les ondines ne laissaient échapper, pour leur part, que le 100 mètres dos, le 200 mètres brasse et le 100 mètres papillon. Les Australiens, initiateurs du crawl, venaient en fait de réaliser une véritable révolution dans l’entraînement. Suivant les travaux du professeur Frank Cotton, en particulier, les meilleurs entraîneurs australiens, Forbes Carlisle, Harry Gallagher, Frank Guthris, Sam Herford, se décidèrent à considérer les nageurs non plus comme des poissons, à la façon, en particulier, des Japonais, mais comme des athlètes. Cette vérité, déjà déduite du simple fait que les hommes nagent plus vite que les femmes et tirent donc parti de leur puissance dans l’eau, plus que tout autre atout, telles la flottabilité, la souplesse, l’élégance de style, fut la base d’un nouveau mode d’entraînement. Ainsi, les entraîneurs d’Australie firent, pour la première fois, pratiquer l’haltérophilie de manière systématique aux nageurs et aux nageuses, le maximum de l’effort portant sur les bras. En outre, ils osèrent durcir considérablement l’entraînement en imposant des séances de plus en plus intenses.

La leçon ne fut pas perdue pour les Américains, qui reprirent ensuite la méthode australienne à leur profit, mais en l’appliquant à leur pays, doté de moyens infiniment plus puissants. Après les triomphes de Jon Henricks, de Murray Rose, de David Theile, chez les hommes, de Dawn Fraser et de Lorraine Crapp, chez les femmes, à Melbourne, les Jeux de Rome en 1960 virent encore les Australiens, avec John Devitt en sprint et John Konrads et Murray Rose en demi-fond, conquérir toutes les médailles dans les compétitions masculines de nage libre, mais, chez les femmes, seules Dawn Fraser sur 100 mètres et les relayeuses du 4 × 100 mètres parvenaient à conserver leur suprématie. Dawn Fraser, qui réussit l’exploit unique de gagner trois titres olympiques successifs (puisqu’elle l’emporta encore à Tōkyō), Murray Rose, grâce à sa carrière exceptionnellement longue, et John et Ilsa Konrads, qui battirent respectivement douze et six records du monde grâce à un nouvel entraîneur australien, Don Talbot, permirent à l’Australie de garder le premier rang jusqu’en 1962. Mais, aux Jeux de 1964, le raz de marée américain revint couvrir l’ensemble de la natation mondiale pour n’être plus interrompu, ni à Mexico, ni à Munich, où les États-Unis ne laissèrent que des miettes à leurs adversaires.

La domination américaine est logique. Ayant repris les principes australiens d’entraînement, fondant toute la préparation sur la mise en condition physique, les États-Unis furent la première nation à créer des compétitions par groupe d’âge, par tranche de deux années (à partir de neuf ans), à organiser des compétitions et à dresser des listes de records pour chacune de ces catégories. Sur cette base, les entraîneurs américains purent opérer un recrutement vaste et, avec des nageurs ayant débuté très jeunes à l’entraînement, sans cesse rendre la préparation plus sévère, sans que les nageurs, bien préparés à l’origine, cèdent à la fatigue. En outre, ils bénéficièrent de la part importante laissée aux activités sportives dans le programme des écoles et des universités américaines, dont les après-midi sont libres à cette fin. Et, bien entendu, pays de haut niveau de vie, les États-Unis sont les mieux équipés du globe en piscines, privées ou publiques.

Ainsi, depuis 1964, la majorité des grands noms de la natation mondiale sont-ils américains. Les épreuves de Tōkyō, dans une piscine qui reste jusqu’à ce jour l’enceinte la plus belle et la plus fonctionnelle que l’on ait bâtie en faveur de la natation, virent le triomphe de Don Schollander, vainqueur des 100 mètres, 400 mètres, et des relais 4 × 100 mètres et 4 × 200 mètres, soit quatre médailles d’or (dont deux individuelles), exploit qu’il était le premier à réaliser. De 1963 à 1968, Schollander battit douze records mondiaux. Il était entraîné par George Haines, de Santa Clara, qui lui avait donné, comme à la quasi-totalité de ses élèves, un style de nage superbe.

En 1968, à Mexico la vedette revint à Deborah (dite Debbie) Meyer, qui fut la première femme, dans le cadre des jeux Olympiques, à remporter trois médailles individuelles sur 200 mètres, 400 mètres et 800 mètres, et cela avec la plus grande facilité. Au cours de sa magnifique carrière, Meyer battit en demi-fond dix-sept records du monde. Son entraîneur était Sherman Shavoor, de Sacramento, qui devait connaître une réussite encore plus extraordinaire avec le héros des Jeux de Munich en 1972, Mark Spitz. Il est incontestable que la conquête de sept médailles d’or olympiques, quatre individuelles et trois en relais, toutes assorties d’un record du monde, font de Spitz le plus grand nageur qui ait jamais existé. Également doué dans les deux styles du crawl et de la nage papillon, Spitz battit au cours de sa carrière trente-deux records du monde (vingt-cinq en individuel). Avec ses résultats de Mexico, il conquit en tout neuf médailles d’or olympiques, une médaille d’argent et une médaille de bronze. Sa réussite fut telle qu’il éclipsa l’Australienne Shane Gould, qui, à Munich, conquit cinq médailles individuelles, trois d’or, une d’argent et une de bronze. Après 1972, une nation est apparue au sommet, l’Allemagne de l’Est, surtout pour la natation féminine, dont elle a monopolisé les titres aux jeux Olympiques de Montréal en 1976, cependant que les États-Unis dominaient les épreuves masculines.