Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Nasser (suite)

La guerre de Palestine

La question palestinienne marque profondément le jeune officier Nasser. Il l’a ressentie d’abord comme une injustice contre le peuple palestinien, chassé de sa patrie au profit d’une autre communauté venue en grande partie de l’étranger. Elle lui a révélé aussi le puissant courant de solidarité unissant les peuples arabes. Il y découvre enfin, et de la façon la plus concrète, la trahison et la corruption du gouvernement égyptien et plus spécialement du roi Farouk, qui n’a pas hésité à exploiter la guerre de Palestine pour trafiquer sur les fournitures de l’armée et amasser une immense fortune.

Promu commandant adjoint d’un bataillon, Nasser remporte à la fin de la guerre la victoire de Faluja, victoire qui remonte quelque peu le moral de l’armée sans pour autant modifier la situation.

À la fin de février 1949, après l’armistice israélo-égyptien, Nasser rentre au Caire et est affecté à Ismaïlia.

L’armée égyptienne, profondément humiliée, voit dans le roi et son entourage les principaux responsables de la défaite. Le mécontentement de la population est quasi général. L’affaire du trafic d’armes a définitivement discrédité le roi aux yeux de son peuple. Le climat est à la violence. À la fin de 1948, les assassinats politiques se sont multipliés au Caire. La situation est propice pour passer à l’action.


La prise du pouvoir

Nasser fait partie en juillet 1949 du groupe fondateur du Comité des officiers libres, lesquels, à partir de 1950, ont comme organe la Voix des officiers libres. En 1952, ces officiers se sentent assez forts et les circonstances leur semblent suffisamment favorables pour qu’ils puissent passer à l’action ; à la suite de l’émeute anti-anglaise du 26 janvier et de la proclamation de la loi martiale, ils s’emparent en effet du pouvoir (22-23 juill.), obligeant le roi Farouk à quitter le pays.

Le Comité des officiers libres constitue alors le Conseil de la révolution, dont le président est le général Néguib et dont Nasser est l’âme. En janvier 1953, les partis politiques sont dissous, et une nouvelle formation, le Rassemblement de la libération, noyaute l’État : Nasser en est le secrétaire général.

La république proclamée (18 juin 1953) et Néguib devenu président et Premier ministre, Nasser est le maître effectif du pays, avec les titres de vice-président du Conseil et de ministre de l’Intérieur ; ses amis sont en outre aux principaux postes de décision (information, guerre, commandement des troupes). Tout en négociant l’évacuation de l’Égypte par les Anglais, Nasser s’oppose à Néguib, considéré comme trop conservateur et comme compromis avec les Frères musulmans : il l’écarte bientôt du pouvoir (oct.-nov. 1954).

Premier ministre le 14 novembre, président de la République égyptienne le 25 juin 1956, puis de la République arabe unie le 21 février 1958, Nasser — devenu héros national — confond désormais sa vie et sa carrière avec l’histoire de l’Égypte nassérienne (1954-1970). [V. Égypte.]

M. A. et P. P.

➙ Égypte / Israël / Palestine.

 J. Daumal et M. Leroy, Gamal Abd-el-Nasser (Seghers, 1967). / E. Berl, Nasser, tel qu’on le loue (Gallimard, 1968). / M. H. Heikal, The Cairo Documents (Londres, 1971 ; trad. fr. les Documents du Caire, Flammarion, 1972). / J. Lacouture, Nasser (Éd. du Seuil, 1971).

Jalons biographiques

1918

15 janvier : naissance de Gamal Abdel Nasser, à Beni Mor (Banī Murr).

1935

Président du Comité des lycéens.

1937

Nasser entre à l’Académie militaire d’Abbasieh (près du Caire).

1938

Sous-lieutenant, affecté à Mankabad (Haute-Égypte), où il fait la connaissance de Zakaria Mohieddine et d’Anouar el Sadate, puis au Soudan, où il se lie avec Muḥammad ‘Abd al-Ḥakim Amer.

1943

Professeur à l’Académie militaire, il jette les bases de l’Association des officiers libres.

1948

Reçu au concours de l’état-major, il participe à la première guerre contre Israël ; il est blessé à Faluja.

1949

Fondation du Comité des officiers libres.

1952

22-23 juillet : coup d’État qui renverse Farouk.

1953

Proclamation de la république (18 juin). Nasser vice-président du Conseil et ministre de l’Intérieur.

1954

Accord anglo-égyptien sur l’évacuation en vingt mois des Britanniques (27 juill.).

Nasser écarte définitivement Néguib et devient Premier ministre et gouverneur militaire de l’Égypte (oct.-nov.).

1955

À la conférence afro-asiatique de Bandung (avr.), Nasser, avec Sukarno et Nehru, jette les bases d’un « neutralisme positif ». Signature d’un contrat avec Prague pour la fourniture d’armes (sept.).

1956

Nasser président de la République (25 juin). Annulation du prêt consenti par les États-Unis pour la construction du barrage d’Assouan (juill.).

À Alexandrie, Nasser annonce la nationalisation du canal de Suez (26 juill.). Échec de l’intervention franco-anglaise (oct.-déc.).

1958

Proclamation de la République arabe unie (R. A. U.), qui associe Syrie et Égypte (1er févr.) ; Nasser élu par référendum président de la R. A. U. (21 févr.).

1961

Fin de la R. A. U. à la suite d’un coup d’État en Syrie (28 sept.).

1962

Nasser engage 50 000 hommes au Yémen*. Promulgation d’une charte nationale contenant un programme de développement de l’Égypte sur la base d’un socialisme qui sera baptisé « nassérien » (21 mai).

Création de l’Union socialiste arabe.

1964

Nasser rencontre Khrouchtchev à l’occasion de l’inauguration du barrage d’Assouan (13 mai).

1965

Il signe avec Fayṣal Ier d’Arabie Saoudite un accord de cessez-le-feu au Yémen (24 août).

1966

Réconciliation avec l’Algérie ; nouvelle tension avec l’Arabie Saoudite (déc.).

1967