Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Myriapodes (suite)

Chez plusieurs formes (Lithobius, Glomeris), chaque œuf pondu est enrobé d’une gangue de terre protectrice ; chez Polydesmus, les œufs, groupés, sont recouverts d’un nid en terre en forme de cloche, sur le sol ou dans l’humus ; les Diplopodes du groupe des Nematophora entourent leur ponte d’un cocon de soie. Dans certains cas, la femelle reste plus ou moins longtemps auprès de sa ponte, léchant les œufs et empêchant le développement des Moisissures ; chez la Scolopendre, elle ne quitte sa progéniture que bien après l’éclosion des jeunes.

Le développement postembryonnaire se déroule de différentes manières. Les Géophiles et les Scolopendres naissent avec leur nombre définitif de segments et de pattes (on les qualifie d’épimorphes). Par contre, les Scutigères, les Lithobies, les Pauropodes, les Symphyles et les Diplopodes sont anamorphes : ils éclosent avec un nombre réduit de segments ; les deux premiers groupes n’ont que sept paires de pattes à l’éclosion, et les trois autres n’en ont que trois (larve hexapode) ; au cours de mues successives, de nouveaux segments apparaissent à l’arrière du corps, et des appendices se libèrent. Après une période d’anamorphose, Glomeris, pourvu de douze segments définitifs, poursuit son développement par épimorphose.

Avant une mue, certains Diplopodes (Glomeris, Blaniulus) édifient autour d’eux une logette de terre ; les Chordeumidés tissent un cocon de soie. Chez les Diplopodes, également, on constate la persistance de mues à l’état adulte. Une espèce, Tachypodoiulus albipes, présente un phénomène extrêmement rare, la périodomorphose : après s’être accouplé, le mâle mue et ses gonopodes régressent ; puis une nouvelle mue lui restitue ses appendices copulateurs et ses capacités procréatrices ; le phénomène pourrait se renouveler une troisième fois.


Protection et défense

Chez les Diplopodes, les téguments s’imprègnent de calcaire ; lorsqu’ils sont inquiétés, les Diplopodes peuvent s’enrouler en spirale, tête au centre (Iule), ou former avec leurs tergites une sphère presque parfaite (Glomeris). Le venin émis par les forcipules des Chilopodes tue les Insectes, qui constituent leur nourriture ; celui des Scolopendres est réputé pour sa toxicité vis-à-vis des Mammifères, mais il semble que les accidents qu’il provoque chez l’Homme aient été exagérés ; la morsure entraîne sans doute une vive douleur et des réactions locales, mais ne s’est révélée mortelle que dans des cas très exceptionnels. Sur chaque segment, les Diplopodes ont une paire de glandes dites « répugnatoires », s’ouvrant latéralement ; celles-ci émettent un produit d’odeur désagréable, contenant diverses substances toxiques, comme l’acide cyanhydrique ; elles protègent incontestablement ces animaux contre maints prédateurs.

Très peu d’espèces sont vraiment nuisibles à l’Homme ; certains Géophiles, pénétrant dans les fosses nasales, provoquent parfois, en se localisant dans les sinus, des troubles graves. Quelques Diplopodes commettent des dégâts sur les plantes cultivées ; Blaniulus guttulatus, au long corps blanc tacheté de rouge, creuse des cavités dans les fraises et les pommes de terre à partir des tissus nécrosés.

Connus depuis le Carbonifère, les Myriapodes montrent un type d’organisation relativement primitif, qui n’exclut pas, d’ailleurs, des structures spécialisées ; la diplosegmentation est un caractère original du groupe. Nous ne disposons pas encore d’informations suffisantes pour donner à cette classe sa signification phylogénique exacte dans l’ensemble des Arthropodes.

M. D.

➙ Arthropodes.

Myron

En gr. Myrôn, sculpteur grec dont la période la plus productive se situe au milieu du ve s. av. J.-C.


Il est célèbre surtout par l’une de ses œuvres, le Discobole, qui nous est connue grâce à plusieurs copies d’époque romaine. Myron était renommé aussi comme animalier ; malheureusement, à part le Discobole, seul un petit nombre de sculptures peuvent lui être attribuées avec certitude, et nous ne connaissons de lui aucun original. Myron n’en demeure pas moins le premier sculpteur grec dont l’existence soit attestée autrement que par hypothèse.

Il est né, sans doute, dans les premières années du ve s. av. J.-C. à Eleuthères, aux confins de l’Attique et de la Béotie. Les données biographiques se bornent à cela. Mais deux de ses œuvres, le Discobole et le groupe d’Athéna et Marsyas, permettent de serrer sa personnalité d’un peu plus près. Le Discobole, dont l’original était en bronze, compte parmi les chefs-d’œuvre de la sculpture antique. Il intéresse à la fois les historiens de l’art, les archéologues et les sportifs. Dans cette représentation du lanceur de disque, l’artiste a saisi non seulement le geste momentané de l’athlète, mais, en raccourci, tout le mouvement qu’il vient d’exécuter ainsi que celui qu’il va accomplir. On remarquera, en effet, que sa position exprime le dynamisme de l’effort et la tension de l’homme sur le point de lancer son projectile, tout en indiquant avec précision les phases successives du mouvement. Pour ce faire, Myron a recouru à un procédé de style : la composition même de la statue, qui présente une suite de triangles disposés dans des plans différents, suggère l’enchaînement chronologique et spatial de l’effort. Toutefois, le visage de l’athlète reste empreint de l’impassible sérénité propre à la sculpture grecque préclassique.

La seconde des œuvres de Myron, le groupe d’Athéna et Marsyas, est totalement différente. Son attribution à Myron est certaine, mais la composition du groupe demeure hypothétique. La déesse, gracieusement drapée dans une tunique (peplos), est représentée en compagnie d’un silène, personnage mythique appartenant au cortège dionysiaque, nu comme il convient à ce type d’êtres sauvages.

Le mythe qui a servi de prétexte à la création du groupe relate l’histoire de l’invention de la flûte double. Athéna, que l’emploi de cet instrument avait exposée aux quolibets des dieux de l’Olympe, le rejette. Le silène Marsyas s’en empare ; par la suite, il lancera un défi à Apollon, ce qui causera sa perte. Dans l’œuvre de Myron, le contraste entre les deux personnages, l’un nu, l’autre vêtu donne au groupe une partie de sa force expressive. Mais l’essentiel réside dans l’opposition des deux attitudes. Athéna, debout de face, vient de laisser tomber la flûte. Son bras gauche est encore tendu vers l’instrument, tandis que, de son bras droit, elle tient la lance. Le silène, lui, dressé sur la pointe des pieds, amorce un vif mouvement de recul. Mais, alors que son mouvement de surprise apparaît au premier coup d’œil, le pas empreint de majesté qu’esquisse Athéna est infiniment plus discret. Le corps tourné, celle-ci s’apprête à quitter les lieux. Mais sa tête est dirigée vers le silène, dont elle contemple les ébats d’un air amusé, tandis que son pied gauche pointe toujours vers lui. On a comparé l’œuvre de Myron à une « danse à deux personnages inspirée de l’orchestique dionysiaque » (J. Charbonneaux). Myron a su, le premier, exprimer le rythme et la beauté du corps humain. Sans doute, dans ce progrès vers l’idéal classique, n’a-t-il pas encore touché le domaine de la vie intérieure. Ce sera la conquête des dernières décennies du ve s. Myron n’en demeure pas moins l’artiste qui, avec Polyclète*, a ouvert la voie vers des créations nouvelles.

P. B. D.

 P. E. Arias, « Mirone », dans Quaderni per lo studio del Archeologia (Florence, 1940).