Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Mustélidés (suite)

Groupe des Moufettes

Il présente des animaux à fourrure particulièrement appréciée. Le type en est le Skunks commun d’Amérique du Nord. Sa fourrure est brun-noir rayée de bandes blanches longitudinales. Le Skunks vit dans des terriers récupérés sur d’autres animaux, après les avoir arrangés à sa convenance. Certains, comme le Skunks Spilogale, ont une attitude de menace très particulière quand ils veulent intimider leurs antagonistes. Ils marchent pendant plusieurs mètres sur les pattes de devant, l’arrière-train dressé, leur queue en panache bien relevée, et projettent le contenu nauséabond et irritant de leurs grosses glandes anales à des distances de 2 à 4 m avec une précision étonnante sur l’adversaire. Certains de ces animaux hibernent partiellement.


Groupe des Ratels

Il comprend des animaux ayant un peu l’allure d’un Blaireau. Le Ratel a un dos blanc grisâtre ; la face, les membres et la surface inférieure du corps sont d’un noir de jais. Le Ratel chasse la nuit et le jour, mais serait plutôt diurne. Il se nourrit de petits Oiseaux, Mammifères et Reptiles, de fruits et de racines. Il a une prédilection particulière pour le miel, d’où son nom scientifique de Mellivora. On dit qu’il y aurait une association à bénéfice réciproque entre cet animal et les Oiseaux appelés pour cela Indicateurs, qui lui indiqueraient par leurs cris la présence des rûches sauvages à attaquer. Il répondrait alors à l’Oiseau par un sifflement particulier. Il est combatif, agressif et intolérant sur son terrain de chasse.


Groupe des Loutres

Ces animaux sont parfaitement adaptés à la vie aquatique. Ils sont gracieux et joueurs. Leurs pattes sont courtes et palmées, mais ils se propulsent dans l’eau par des ondulations de leur corps et de leur queue. La Loutre d’Europe a une belle couleur marron. Elle mesure 80 cm de long, et sa queue atteint 45 cm. C’est une nocturne : dans la nature, on ne la voit pratiquement jamais. Ses proies sont les Poissons, les Crustacés, les Batraciens, les petits Mammifères et Oiseaux. La Loutre vit au bord des rivières ou dans des endroits marécageux. Elle s’abrite dans des terriers, creusés d’habitude avec une entrée sous l’eau et une cheminée d’aération verticale. On la distingue des autres animaux aquatiques par sa grosse tête plate et par sa large queue ronde. La Loutre a sur le museau des vibrisses très développées, qui peuvent être d’un grand intérêt pour pêcher quand les eaux sont troubles. Elle serait capable de rester immergée jusqu’à dix minutes ! Elle peut avoir de deux à quatre petits, qui iraient déjà à l’eau avec leur mère à huit semaines et resteraient auprès d’elle pendant six mois. Sa fourrure est très appréciée en toute saison.

La Loutre de mer est la plus intéressante. Elle vit par bandes dans le Pacifique, sur les côtes de l’Alaska et de la Californie. Elle vit totalement en mer, y dort et y niche. Sa nourriture consiste en Mollusques, en Crustacés, en Oursins. La qualité et la beauté de sa fourrure lui ont été néfastes. Presque exterminée, la Loutre de mer a été protégée. C’est un des rares animaux sachant se servir d’un outil : pour concasser les coquillages dont elle se nourrit, elle utilise un caillou.

P. B.

 P. L. Dekeyser, les Mammifères de l’Afrique noire française (I. F. A. N., Dakar, 1956). / R. Hainard, Mammifères sauvages d’Europe, t. I : Insectivores, chéiroptères et carnivores (Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1961). / E. P. Walker et coll., Mammals of the World (Baltimore, 1964 ; 2e éd., 1968, 3 vol.). / P.-P. Grassé et C. Devillers, Précis de zoologie, t. II : Vertébrés (Masson, 1965). / F. H. Van Den Brink, Guide des Mammifères d’Europe (trad. du hollandais, Delachaux et Niestlé, Neuchâtel, 1967).

Mutanabbī (al-)

Poète arabe, de son vrai nom Abū al-Ṭayyib Aḥmad ibn al-Ḥusayn (Kūfa 915 - Dayr al-‘Āqūl, près de Bagdad, 965).


La carrière du poète resté célèbre sous le surnom d’al-Mutanabbī (« Celui qui se donne pour prophète ») est l’exemple le plus saisissant d’une ascension dans un cadre hostile. Né, en effet, d’une famille très humble de Kūfa — son père est porteur d’eau —, Abū al-Ṭayyib semble destiné à demeurer dans la misère. Son intelligence, son extraordinaire mémoire et la précocité de ses dons poétiques attirent toutefois l’attention d’un notable de Kūfa, qui patronne sa première formation. L’Iraq est d’ailleurs à ce moment en pleine subversion du fait de la propagande sociale, religieuse et politique des chī‘ites qarmaṭes ; en 924, ceux-ci mettent à sac Kūfa, et l’enfant et tous les siens trouvent refuge parmi les Bédouins travaillés par cette secte, nomadisant entre les steppes euphratiennes et celles de Palmyre. C’est sans aucun doute à la faveur de ce séjour qu’à peine adolescent Abū al-Ṭayyib est touché par la nouvelle doctrine et en même temps s’assure la maîtrise de la langue du désert. Deux ans plus tard, il rentre à Kūfa, où il paraît s’attacher à un propagandiste qarmaṭe qui poursuit son initiation. Poussé probablement par son zèle religieux autant que par son ambition naissante, il quitte bientôt sa ville natale et passe en Syrie, où l’accueil est sans chaleur ; l’irritation grandit en lui avec l’impatience d’être méconnu. Vers dix-sept ans, le petit port de Lattaquié lui semble un lieu favorable à l’expression de sa révolte, nettement marquée par le qarmaṭisme ; le jeune poète prend la tête d’un mouvement subversif dans la steppe à l’est d’Homs ; mais l’aventure tourne court : le rebelle est capturé, et deux années d’un cruel emprisonnement le conduisent à une rétractation (935). Abū al-Ṭayyib renoue avec sa vie de poète « itinérant » ; des notables d’Antioche, de Tripoli reçoivent l’hommage de ses vers. Assez brusquement, c’est la percée grâce à la protection de l’émir gouverneur de Cisjordanie Badr al-Kharchanī. Neuf années s’écoulent, cependant, avant qu’enfin Abu al-Ṭayyib passe au service d’un mécène digne de lui, le prince Sayf al-Dawla, seigneur d’Alep et de toute la Syrie du Nord ; la capitale de ce dernier est d’ailleurs un centre de haute culture où savants, poètes et écrivains forment une société brillante et attractive ; le prince se rend en outre célèbre par ses luttes et ses exploits contre les Byzantins, Bardas et plus tard Nicéphore II Phokas. Al-Mutanabbī tire sans peine ressource de ces prouesses dans ses poèmes à la mesure d’un mécène qui fait figure de champion de l’islām. Pendant neuf ans, en dépit de l’hostilité d’une cabale animée par l’émir Abū Firās al-Ḥamdāni (932-968), cousin du seigneur d’Alep, et malgré sa morgue et ses attitudes maladroites, le panégyriste restera en faveur auprès de son maître ; sa fortune est devenue considérable, et l’espoir d’une dotation foncière miroite à ses yeux. Déçu dans son rêve, al-Mutanabbī se résigne à la rupture, passe en Égypte, où, par une compensation jugée dérisoire à ses yeux, il gagne la faveur du régent ikhchīdite, l’eunuque Kāfūr ; fragile est l’entente, et, commencée par des panégyriques, elle s’achève sur des satires. Au péril de sa vie, al-Mutanabbī fuit, franchit la péninsule arabique. Après plus de trente ans, en 960, le voici de nouveau à Bagdad ; les hommes et les choses, tout lui est devenu étranger ; Kūfa, Bassora ne se sont pas relevées des ruines qu’y ont semées les qarmaṭes ; seule Bagdad a recouvré une partie de son éclat sous l’autorité des Buwayhides (Būyides) d’origine iranienne, mais déjà elle n’est plus la seule grande métropole intellectuelle du Proche-Orient. Réaliste et certainement aussi pressé par la nécessité, al-Mutanabbī renonce, après une tentative restée vaine, à s’y fixer. Puisque la faveur du vizir iranien ibn al-‘Amīd s’offre à lui, il part pour la Perse méridionale et pousse jusqu’à Chirāz, où l’attend la protection de l’émir buwayhide ‘Aḍud al-Dawla, celui-là même qui, un moment, parviendra à unifier sous son autorité l’Iran et l’Iraq. Les poèmes composés à ce moment attestent une certaine compréhension entre lui et ce mécène remarquable à tant d’égards, et pourtant, en août 965, al-Mutanabbī met à exécution son projet de revenir dans le monde de l’« arabicité » que sont pour lui l’Iraq et sa capitale. Il tombe sous les coups de brigands bédouins près du couvent de Dayr al-‘Āqūl, sur la rive orientale du Tigre, à une étape de Bagdad.