Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

musique de film (suite)

 C. Samuel, Panorama de l’art musical contemporain (Gallimard, 1962). / O. Clouzot, « la Musique de film » dans Histoire de la musique, sous la dir. de Roland-Manuel, t. II (Gallimard, « Encycl. de la Pléiade », 1963). / H. Colpi, Défense et illustration de la musique de film (Serdoc, Lyon, 1963). / N. Burch, Praxis du cinéma (Gallimard, 1969). / F. Porcile, Présence de la musique à l’écran (Éd. du Cerf, 1969). / Musique de cinéma (l’Arche, 1972).

Musset (Alfred de)

Poète français (Paris 1810 - id. 1857).


Il semble que, pendant longtemps, son nom seul n’ait pas suffi à le désigner. La périphrase était obligée. Elle était sélective. On disait « le poète des Nuits » ou « l’auteur de Lorenzaccio » ... Des générations éprises de lyrisme n’ont été attentives qu’au Musset de la passion, du déchirement et des sanglots. Érigé en statue à l’angle de la Comédie-Française, il dut paradoxalement quelques-uns de ses meilleurs succès de théâtre à la « Nuit de mai » et à la « Nuit d’octobre », traitées en dialogues dramatiques. Mais ces chants d’amour, de douleur et de pitié ne possèdent plus le ton que réclament nos sensibilités désaccordées et notre exaspération du social. La statue a disparu..., le luth confidentiel, étouffé par les « sonos », a pris le chemin du magasin aux accessoires. Le baiser à la muse, l’estomac ouvert du pélican sont devenus trop fades nourritures pour les modernes disciples d’Eros et du « divin marquis ». Et la fleur d’églantier, l’innocent talisman du poète, n’est pas la plante des voyages psychédéliques.

Des investigations moins primaires ont, en revanche, placé au premier rang le drame historique, romantique et shakespearien — modèle unique en France — dont ses contemporains n’avaient pas voulu. Avec une hâte compensatoire, on a inscrit au programme des grandes reprises et des festivals, depuis un demi-siècle, une œuvre qui défie la mise en scène et que Sarah Bernhardt elle-même ne réussit pas à imposer, lorsqu’elle la créa en 1896. Après les tentatives de Marguerite Jamois et de Gaston Baty, au théâtre Montparnasse (1945), celles du Théâtre national populaire et de Gérard Philipe à Avignon (1952) et à Paris, on n’a plus prétendu voir en Musset que l’auteur de cette superproduction sur Lorenzo de Médicis — lequel, paraît-il, lui ressemblerait comme un frère et aurait incarné dès 1834, en termes précinématographiques, le drame moral de l’absurde, sans oublier de pressentir, dans leurs grandes lignes, les conflits politiques des temps présents. Lorenzaccio ou le tout-en-un... quelle aubaine pour l’époque du digest !

Or, les deux Musset ne sauraient exister séparément. Si les peintres nous ont laissé de son visage des portraits satinés, bien peignés et apparemment sans équivoque sur sa beauté — mais ces toiles qui se ressemblent entre elles ressemblaient-elles à l’homme fané avant l’âge ? —, son profil moral et ses spectres littéraires demeurent, eux, sans cesse antagonistes. L’originalité du personnage et sa parfaite adéquation à notre époque sont en partie dans cette identité toujours recomposée, et dans ce jeu de significations particulièrement fuyant. Mais quel travail pour la critique !

Quelles clefs nous fournit-elle, précisément ? Et parvient-elle à échapper aux simplifications excessives de l’opinion courante ? On a réussi à éclairer d’une manière presque exhaustive les questions de biographie et d’histoire littéraire. Reste-t-il encore beaucoup à découvrir du petit garçon à l’éducation libérale et protégée, que son père fit grandir dans l’amour de la littérature et le culte de J.-J. Rousseau ? de l’élève modèle du collège Henri-IV ? du page de l’Arsenal, de l’« enfant plein de génie », turbulente recrue du Cénacle ? du dandy des Italiens et du boulevard de Gand ? Le recensement des amours du prince Phosphore de Cœur-Volant est tout aussi soigné. Et l’on finit par rajuster tant de témoignages sur le voyage à Venise que le doute n’est plus permis sur les conséquences de ce drame dans la création littéraire de Musset. Il a favorisé la naissance d’une nouvelle poétique, celle de la reconversion de la douleur. Pourtant, elle ne gouverne pas tout, dans l’aventure intérieure de Musset, et le cycle des Nuits apparaît bien comme la liquidation d’un passif sentimental où interviennent d’autres traumatismes que la blessure infligée par George Sand. Mais dès que l’on aborde les problèmes d’introspection, les solutions proposées deviennent plus discutables, car on est presque toujours conduit, pour saisir Musset, à sérier les éléments de son caractère au lieu de considérer que son unité se trouve exactement dans la contradiction.

Lorsqu’on quitte l’homme pour s’attacher à l’œuvre, on se soumet encore trop docilement aux impératifs d’un classement par genres. Les grands déshérités sont alors les récits en prose que l’on traite, avec une certaine condescendance, comme des pages gracieuses, mais de nécessité alimentaire, exception faite cependant pour la longue et romanesque Confession d’un enfant du siècle (1836), que l’on tient pour un document estimable sur le mal de vivre d’une certaine jeunesse. Et pourtant, dans le raccourci du conte et de la nouvelle, Musset fait preuve d’une virtuosité à laquelle on devrait se référer plus souvent, depuis que l’on s’intéresse aux problèmes d’écriture posés par cette forme d’expression littéraire. Les Deux Maîtresses (1837), Emmeline (1837), Frédéric et Bernerette (1838), Croisilles (1839), Mimi Pinson (1845), la Mouche (1853) semblent veinés de vif-argent, moins encore, cependant, que cette manière de chef-d’œuvre qu’est la délectable Histoire d’un merle blanc (1842). Grâce à leur tour elliptique et caricatural, les amours de cet oiseau rare avec une merlette socialiste et lettrée, qui n’est pas garantie bon teint, représentent, mieux que la Confession d’un enfant du siècle ou que les Nuits, une mise au point féroce et véridique des démêlés de Musset avec George Sand. Et le langage y est maîtrisé avec une souveraine aisance.