Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

musique de chambre (suite)

Ce refus d’abandonner l’art du « petit ensemble » et son émanation qui semble toujours la plus parfaite — le quatuor à cordes — prouverait que, au-delà des tentatives hasardeuses et spectaculaires destinées à frapper l’imagination de l’auditeur, les créateurs contemporains cherchent à conserver l’idée d’une musique pure coulée dans les moules d’un art de chambre créé voici quelque deux cents ans et alimenté par les recherches de chaque génération de compositeurs. Cet « esprit » de la musique de chambre représente peut-être une sorte de valeur musicale absolue avec laquelle tout musicien digne de ce nom se doit de ne pas tricher.

Y. G.

 W. Altmann, Kammermusik-Katalog. Ein Verzeichnis von seit 1841 veröffentlichten Kammermusikwerken (Leipzig, 1910 ; 6e éd., 1945). / G. Cucuel, la Poupelinière et la musique de chambre au xviiie siècle (Fischbacher, 1913). / J. de Marliave, les Quatuors de Beethoven (Alcan, 1925 ; nouv. éd., Julliard, 1960). / Cobbett’s Cyclopedic Survey of Chamber Music (Londres, 1929-1963 ; 3 vol.). / E. H. Meyer, English Chamber Music from the Middle Ages to Purcell (Londres, 1946). / R. H. Rowen, Early Chamber Music (New York, 1949 ; nouv. éd., 1969). / A. Cœuroy et C. Rostand, les Chefs-d’œuvre de la musique de chambre (Bon Plaisir, 1952). / S. M. Helm, Catalog of Chamber Music for Wind Instruments (Ann Arbor, Mich., 1952 ; nouv. éd., 1969). / O. Alain, la Musique de chambre (Soc. fr. de diffusion musicale et artistique, 1956). / M. K. Farish, String Music in Print (New York, 1965-1968 ; 2 vol.). / H. J. Moser, Musica da camera, vol. III de La Musica. Enciclopedia storica (Turin, 1966).

musique de film

La musique de film a presque le même âge que le cinéma. Dès le début du siècle, les premières salles de cinéma dignes de ce nom engagèrent des pianistes, voire des orchestres d’accompagnement, comme si la projection des images dans le silence était chose inacceptable (ce que dément l’expérience des cinémathèques modernes). Il fallait, il est vrai, couvrir le bruit barbare des appareils de projection.


Le plus souvent, les pianistes improvisaient en suivant l’image ; mais les chefs d’orchestre durent constituer des répertoires, des kinothèques, où les pages les plus célèbres étaient modestement classées en fonction d’un critère d’« ambiance », au demeurant très discutable : « grand pathétique », Cinquième Symphonie ; « plein air », Prélude à l’après-midi d’un faune ; « poursuites et chevauchées », ouverture de la Flûte enchantée. Exceptionnellement, on commandait à un compositeur une partition originale. Ainsi Camille Saint-Saëns* écrivit pour l’Assassinat du duc de Guise (1908), Erik Satie* pour Entr’acte de René Clair* (1924) ; et Arthur Honegger* destina au film d’Abel Gance* la Roue (1922) les esquisses de Pacific 231.

Avec l’avènement du cinéma parlant, la musique s’intègre au film même, considéré en tant qu’objet. On l’enregistre par séquences successives, dont le réalisateur a choisi ou choisira l’emplacement. On « monte » ces séquences, on les « mélange » aux autres éléments sonores (voix, bruitage, effets), en leur donnant plus ou moins d’importance selon les cas : quelquefois on gomme les bruits au bénéfice de la musique, quelquefois celle-ci est à peine perceptible. La piste sonore ainsi constituée s’inscrit sur la pellicule : elle sera lue en parfait synchronisme avec la projection de l’image.

Plus rarement — dans le dessin animé, ou pour des scènes de ballet — on utilise le procédé du play-back ; la musique est alors enregistrée avant l’image. Enfin, le Canadien Norman McLaren a expérimenté des techniques d’avant-garde, dans lesquelles le dessin ou la gravure de la piste sonore se substitue à l’enregistrement de sons musicaux.

Lorsqu’on aborde la fonction esthétique de la musique de film, il convient de mettre à part le film musical. Dans Don Giovanni, simple « mise en film » de l’opéra de Mozart et Lorenzo Da Ponte, la musique n’a évidemment ni la même place ni la même signification que dans un film de type courant. Il en est de même pour la comédie musicale, l’un des départements les plus riches du cinéma américain. Les meilleurs compositeurs de musique légère d’outre-Atlantique : Irving Berlin, George Gershwin, Jerome Kern, Cole Porter, Richard Rodgers, ont collaboré aux « classiques » d’un genre que le cinéma anglais, naguère, a renouvelé (Help [1965], de Richard Lester, avec les Beatles). Mais le cinéma allemand avait produit, en 1931, avec l’Opéra de quat’ sous de Pabst*, tiré de la pièce fameuse de Brecht*, musique de Kurt Weill, une œuvre d’une tout autre envergure.

En dehors du film musical, où le chanteur est vu comme tel, le chant n’a longtemps été admis qu’à titre exceptionnel. Il a fallu le récent succès de la pop music, essentiellement vocale, pour que la convention cinématographique accepte l’usage « off » (c’est-à-dire : non présent dans l’image) de la voix (Des Fraises et du Sang [1970], de Stuart Hagman). Celle-ci et les paroles qu’elle est censée prononcer étaient jusque-là jugées trop peu discrètes. On permettait à la musique d’un film d’être expressive, non d’attirer l’attention.

Ces directives, imposées hiérarchiquement du plus haut étage de la production, tendirent à écarter les musiciens authentiques d’un « art » où ils n’avaient aucune place. Le métier de musicien de film devint, à Hollywood surtout, une affaire de spécialistes. Les Steiner, Tiomkin, Waxman, etc., régnèrent longtemps sur les superproductions américaines. Pour les comédies, on faisait souvent appel à des auteurs de chanson, afin qu’ils garnissent de plaisantes mélodies la continuité musicale, fabriquée, elle, par quelque habile arrangeur dont le savoir-faire était appelé à suppléer l’analphabétisme du « compositeur ». Ce type d’attelage s’est également généralisé en Europe depuis que la musique de variétés tend à remplacer, sur les pistes sonores, la musique symphonique.