Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

musique (suite)

La révolution atonale

Pour renouveler le langage tonal, quasi fixé dès le xvie s., bien qu’enrichi par le chromatisme, les musiciens français de la fin du xixe s. vont user de gammes exotiques (pentatone chinois, gammes hindoues), de l’échelle à cinq tons entiers, des modes de l’ancienne Grèce. Après Berlioz et Duparc, c’est Fauré* qui saura créer une véritable harmonie modale, très personnelle, qu’il applique avec un rare bonheur dans ses mélodies, notamment dans ces chefs-d’œuvre que constituent ses derniers cycles : la Chanson d’Ève, l’Horizon chimérique. Debussy n’avait guère attendu pour user de gammes les plus diverses, tout comme Ravel ou Roussel dans ses mélodies et Padmâvatî, drame de l’Inde.

En Allemagne, à l’opposé, l’emprise de deux colosses, Beethoven et Wagner, est telle que le principe tonal — dont le schéma primitif peut se ramener à une cadence terminale — a gardé prisonniers la plupart des compositeurs dans leurs productions les plus étudiées. Seule une rupture brutale pouvait libérer de cette servitude. Ce sera l’œuvre de Schönberg, qui, se doublant d’un subtil théoricien, établit le principe de l’atonalisme : les douze demi-tons de la gamme n’ont plus de pouvoir attractif, et toutes les agrégations ou rencontres de notes sont licites. En un second temps, Schönberg élabore la technique sérielle, où les thèmes, dont certains intervalles consonnants sont exclus, peuvent être traités suivant les anciens procédés de la fugue (thème par mouvement contraire, rétrograde, etc.). Vite répandu en pays germaniques, le système ralliera à Vienne, son lieu d’origine, deux musiciens importants : Anton von Webern*, qui pratique une sorte d’hyper-impressionnisme, et Alban Berg*, dont le drame Wozzeck (où résonne un dernier écho de Pelléas) constitue une date dans l’histoire du théâtre lyrique.


Le second après-guerre

Le désir d’oubli, celui d’une vie normale, après les conflits meurtriers, se traduisent souvent par la recherche d’esthétiques nouvelles. Le phénomène « Ars gallica » après 1870, les « Six » et la folie du jazz* après 1918 vont se renouveler en 1945. Un musicien hongrois qui venait de mourir dans la pauvreté, Béla Bartók*, va connaître un engouement exceptionnel. Il concrétise, malgré ses audaces, toutes les conquêtes du tonal, du modal (avec refus de l’atonal sériel), usant du folklore hongrois ou roumain, de rythmes issus de danses bulgares, le tout intégré dans une technique longuement mûrie. En France, alors que les aînés, très au fait du système atonal, n’y avaient pas davantage adhéré — le modalisme leur ayant servi de novation —, la jeunesse, au contraire, va adopter l’école viennoise atonale. L’un de ses premiers adeptes est Pierre Boulez*, qui fait connaître de nombreuses œuvres contemporaines aux concerts du Domaine* musical, dont il a été l’excellent chef d’orchestre. D’autres techniques se font jour. À côté de l’usage de bandes magnétiques « travaillées », de l’emploi des sons produits électroniquement (musique électro-acoustique associée à l’utilisation des bruits par P. Schaeffer dans sa musique concrète*), de la musique aléatoire*, improvisée en partie, de la considération spatiale, avec ses groupes sonores dispersés, de nombreux chercheurs tentent des disciplines nouvelles : Penderecki*, Ligeti*, Xenakis*, qui s’inspire de concepts mathématiques. Toutefois, certains musiciens parmi les plus originaux refusent en tout ou en partie le dodécaphonisme sériel ; parti de Debussy, Messiaen*, avec un art très raffiné, s’est inspiré des rythmes hindous, du gamelan javanais, du chant des oiseaux pour atteindre à une synthèse remarquable ; André Jolivet*, qui veut rejoindre la magie de la musique primitive, emploie, à l’instar de son maître Varèse*, une percussion très importante, aujourd’hui d’un usage courant, voire dominateur ; H. Dutilleux* s’est créé un chromatisme personnel. En Italie, un Petrassi*, un Dallapiccola* ont, tout un temps, ignoré l’école viennoise, prolongeant l’effort d’Alfredo Casella (1883-1947) pour doter d’un mouvement symphonique un pays où, durant tout le xixe s., l’opéra régnait en maître avec Bellini, Rossini, les « véristes » assez douteux (sauf le sensible Puccini), surtout avec Verdi*, dont la verdeur a su magnifier ses deux derniers opéras : Otello et Falstaff. Même refus en Angleterre avec Britten*, en Allemagne, malgré l’avant-gardiste Stockhausen*, avec Carl Orff*, l’auteur de Carmina Burana. De cette germination multiple et constante, un style, peut-être, se dégagera et, à la fin du siècle, donnera à la musique un visage nouveau.

A. H.

 Boèce, De institutione musica (vie s. ; éd. modernes, Leipzig, 1867 et 1872). / J. Tinctoris, Terminorum musicae diffinitorium (Trévise, 1476 ; éd. moderne par A. Machabey, Richard-Masse, 1951). / M. Praetorius, Syntagma musicum (Wittenberg et Wolfenbüttel, 1614-1619 ; 3 vol.). / M. Mersenne, Harmonie universelle (Paris, 1636 ; rééd., C. N. R. S., 1964, 3 vol.). / S. de Brossard, Dictionnaire de musique (C. Ballard, 1703). / J. P. Rameau, Traité de l’harmonie (C. Ballard, 1722). / J. J. Fux, Gradus ad Parnassum (Vienne, 1725 ; nouv. éd., Leipzig, 1742). / E. Titon du Tillet, Description du Parnasse françois (J. B. Coignard, 1727 ; nouv. éd., 1732). / J. G. Walther, Musikalisches Lexikon (Leipzig, 1732 ; rééd., Cassel et Bâle, 1953). / J. Mattheson, Grundlage einer Ehrenpforte (Hambourg, 1740 ; rééd., Berlin, 1910). / J.-J. Rousseau, Dictionnaire de musique (Duchesne, 1768). / C. Burney, A General History of Music (Londres, 1776-1789, 4 vol. ; rééd., New York, 1935, 2 vol.). / J. Hawkins, A General History of the Science and Practice of Music (Londres, 1776 ; 5 vol.). / J. B. de Laborde, Essai sur la musique ancienne et moderne (E. Onfroy, 1780 ; 4 vol.). / J. N. Forkel, Allgemeine Geschichte der Musik (Leipzig, 1788-1801 ; 2 vol.). / E. L. Gerber, Historisch-biographisches Lexikon der Tonkünstler (Leipzig, 1790-1792, 2 vol. ; 2e éd., 1812-1814, 4 vol.). / A. E. Choron et F. Fayolle, Dictionnaire historique des musiciens (Valade, 1810-11 ; 2e éd., Chimot, 1817, 2 vol.). / F.-J. Fétis, Biographie universelle des musiciens et Bibliographie générale de la musique (Méline, Bruxelles, 1838-1844, 8 vol. ; nouv. éd., Didot, 1860-1865 ; suppl. par A. Pougin, Didot, 1878-1881 ; 2 vol.). / A. W. Ambros, Geschichte der Musik (Breslau, 1862-1864, 2 vol. ; 2e éd., Leipzig, 1880-1882, 5 vol.). / E. de Coussemaker, Scriptorum de musica medii aevi (Durand, Lille, 1865-1877 ; 4 vol.). / E. Blom (sous la dir. de), Grove’s Dictionary of Music and Musicians (Londres, 1879-1890, 4 vol. ; 5e éd., 1954, 9 vol. ; 1 vol. de suppl., 1961 ; nouv. éd. en cours). / H. Riemann, Musik-Lexikon (Leipzig, 1882 ; nouv. éd., 1959-1961, 2 vol. ; trad. fr. Dictionnaire de musique, Perrin, 1897, nouv. éd., Payot, 1931). / A. Mocquereau et J. Gajard (sous la dir. de), Paléographie musicale (Solesmes, 1889 et suiv. ; 18 vol.). / R. Eitner, Biographisch-Bibliographisches Quellen-Lexikon der Musiker und Musikgelehrten (Leipzig, 1900-1904, 10 vol., suppl., 1913-1916 ; réimpr., New York, 1947, 10 vol.). / M. Emmanuel, Histoire de la langue musicale (Laurens, 1911 ; 2 vol.). / J. Combarieu, Histoire de la musique des origines à la mort de Beethoven (A. Colin, 1913-1919, 3 vol. ; rééd., 1955). / A. Lavignac et L. de La Laurencie (sous la dir. de), Encyclopédie de la musique et dictionnaire du conservatoire (Delagrave, 1913-1931 ; 11 vol.). / K. Nef, Einführung in der Musikgeschichte (Bâle, 1920 ; trad. fr. Histoire de la musique, Payot, 1925 ; nouv. éd., 1931). / M. Brenet, Dictionnaire pratique et historique de la musique (A. Colin, 1927). / E. Bücken, Handbuch der Musikwissenschaft (Potsdam, 1928-1934 ; rééd., New York, 1949 ; 13 vol.). / A. Schering, Geschichte der Musik in Beispielen (Leipzig, 1931 ; rééd., New York, 1950)./ J. M. Müller-Blattau, Hohe Schule der Musik (Potsdam, 1935-1938 ; 4 vol.). / A. Della Corte et G. Pannain (sous la dir. de), Storia della musica (Turin, 1936, 2 vol. ; 3e éd., 1952, 3 vol.). / T. Gérold, Histoire de la musique des origines à la fin du xive s. (Laurens, 1936). / O. L. Thompson (sous la dir. de), The International Cyclopedia of Music and Musicians (New York, 1939 ; 9e éd., 1964). / A. Pirro, Histoire de la musique, de la fin du xive s. à la fin du xvie s. (Laurens, 1941). / W. Apel, Harvard Dictionary of Music (Cambridge, Mass., 1944 ; nouv. éd., 1961). / A. Albert Torrellas (sous la dir. de), Diccionario enciclopedico de la musica (Barcelone, 1947-1951 ; 4 vol.). / F. Blume (sous la dir. de), Die Musik in Geschichte und Gegenwart (Cassel, 1949-1968 ; 14 vol. ; suppl. en cours). / J. Chailley, Traité historique d’analyse musicale (Leduc, 1951). / A. Hodeir, les Formes de la musique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1951 ; 5e éd., 1969). / J. Pena et H. Anglés (sous la dir. de), Diccionario de la Musica (Barcelone, 1954 ; 2 vol.). / A. Machabey, Genèse de la tonalité musicale classique, des origines au xve s. (Richard-Masse, 1955). / N. Dufourcq (sous la dir. de), Larousse de la musique (Larousse, 1957-58 ; 2 vol.) ; la Musique, les hommes, les instruments, les œuvres (Larousse, 1965 ; 2 vol.). / F. Michel (sous la dir. de), Encyclopédie de la musique (Fasquelle, 1958-1961 ; 3 vol.). / Roland-Manuel (sous la dir. de), Histoire de la musique (Gallimard, « Encycl. de la Pléiade », 1960-1963 ; 2 vol.). / R. Bernard, Histoire de la musique (Nathan, 1962-1971 ; 4 vol.). / C. Sartori (sous la dir. de), Enciclopedia della musica (Milan, 1963-64 ; 4 vol.). / R. de Candé, Dictionnaire des musiciens (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1964) ; la Musique. Histoire, dictionnaire, discographie (Éd. du Seuil, 1969). / J. H. Davies, Musicalia. Sources of Information in Music (Londres, 1966). / D. Ewen (sous la dir. de), Great Composers, 1300-1900. A Biographical and Critical Guide (New York, 1966). / H. Barraud, Pour comprendre les musiques d’aujourd’hui (Éd. du Seuil, 1968). / N. Dufourcq, M. Benoit et B. Gagnepain, les Grandes Dates de l’histoire de la musique (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969). / M. Honegger (sous la dir. de), Dictionnaire de la musique (Bordas, 1970 ; 2 vol.) ; Science de la musique (Bordas, 1976 ; 2 vol.).