Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Murat (Joachim) (suite)

Une ambition effrénée

Deux ans plus tard, commandant la garde consulaire, il épouse (janv. 1800) la coquette et ambitieuse Caroline Bonaparte, qu’il a conquise par sa faconde et sa belle allure. L’avenir s’ouvre brillant devant lui. Aiguillonné par sa femme, Murat est chaque jour plus avide d’honneurs et d’argent. Après la seconde campagne d’Italie, il reçoit la fonction de gouverneur de Paris (1804) et doit désigner les membres du tribunal militaire chargés de condamner le duc d’Enghien. Il reçoit une grosse gratification pour ses bons offices — ce qui ne l’empêchera pas, plus tard, de manifester une grande indignation contre le crime de Vincennes... L’Empire est fait. L’ambition de Murat grandit encore. Il devient maréchal (1804), grand amiral et prince d’Empire (1805), grand aigle de la Légion d’honneur ; après Austerlitz, il reçoit le titre de grand-duc de Berg et de Clèves (1806), où il joue au potentat. Il parade dans des costumes splendides et extravagants. Pendant la campagne de Prusse, le grand sabreur fonce sur l’ennemi à Iéna, puis à Eylau (1807). Montera-t-il, comme il l’espère un peu, sur le trône de Pologne ? Non : Napoléon l’envoie à Madrid persuader les princes espagnols de se laisser attirer à Bayonne. Mais les Madrilènes se soulèvent et, le « dos de Mayo » (2 mai 1808), Murat réprime dans le sang l’insurrection. Ce haut fait l’incite à croire qu’il va ceindre la couronne de Charles Quint. Lorsqu’il apprend qu’elle est destinée à Joseph, sa déception est si grande qu’il tombe malade.


« Ce titre de roi vous a tourné la tête » (Napoléon)

Désigné par Napoléon pour remplacer ce même Joseph à Naples (juill. 1808), Murat connaît une certaine popularité auprès de ses sujets et travaille à la réorganisation du pays. Mais il se lasse vite des exigences financières et économiques que lui impose l’Empereur, irrité par ses dettes et ses manquements au Blocus continental. Il s’entoure, en outre, d’Italiens suspects (comme le ministre de la Police Antonio Maghella [1766-1850]) et met à l’écart certains hauts fonctionnaires et officiers français. Dans l’espoir de reconquérir la Sicile, il entreprend une fâcheuse expédition contre l’île (sept. 1810). L’année suivante (juin 1811), il veut obliger les Français employés dans son administration à acquérir la nationalité napolitaine, mesure que Napoléon annule en leur donnant la double nationalité. Ses querelles de ménage avec Caroline, dont l’ambition est insatiable, exaspèrent l’Empereur, qui, par ailleurs, condamne les initiatives malheureuses de son beau-frère, grisé par le pouvoir. (« La reine, dit-il, a plus d’énergie dans son petit doigt que le roi dans toute sa personne. »)

Désormais, « Joachim » vit dans la hantise d’être dépossédé de son sceptre. En 1812, il se bat avec sa bravoure habituelle en Russie, malgré un échec à Vinkovo (oct.), mais, pendant la retraite, il abandonne au prince Eugène la Grande Armée, dont il a reçu le commandement après le départ de Napoléon, pour regagner Naples (janv. 1813) et négocie secrètement avec l’Autriche. La trahison est proche. Après la bataille de Leipzig, il entre en tractation avec les Alliés, auxquels il promet 30 000 hommes moyennant son maintien sur le trône (janv. 1814). L’Empereur s’indigne. « La trahison du roi de Naples est infâme », s’écrie-t-il lorsqu’il apprend la défection du « traître extraordinaire ». Mais le congrès de Vienne n’est pas favorable aux ambitions de Murat. En 1815, le roi pressent que la couronne de Naples va être rendue à Ferdinand IV. Il essaie alors de soulever les Italiens (proclamation de Rimini, 30 mars), se fait battre par les Autrichiens à Tolentino (2 mai), puis se réfugie en Corse. Après Waterloo, il tente un débarquement en Calabre, mais, capturé et condamné, il est fusillé par les partisans de Ferdinand (13 oct.).

Murat à travers le Mémorial

« L’Empereur disait, au sujet du courage physique, qu’il était impossible à Murat et à Ney de n’être pas braves ; mais qu’on n’avait pas moins de tête qu’eux, le premier surtout » (4-5 déc. 1815). « Murat, sans vrai jugement, sans vues solides, sans caractère [...]. En 1814, son courage, son audace pouvaient nous tirer de l’abîme ; sa trahison nous y précipita [...]. Il était dans la destinée de Murat, disait l’Empereur, de nous faire du mal [...] Jamais à la tête d’une cavalerie on ne vit quelqu’un de plus déterminé, de plus brave, d’aussi brillant » (7-8 févr. 1816). « Murat avait un très grand courage et fort peu d’esprit » (14 juill. 1816).

A. M.-B.

 M. Dupont, Murat, cavalier, maréchal de France, prince et roi (Hachette, 1934). / A. Valente, Giocchimo Murat e l’Italia meridionale (Turin, 1941). / J. Bertaut, le Ménage Murat (le Livre contemporain, 1958). / J. P. Garnier, Murat, roi de Naples (Plon, 1959). / G. Doria, Murat, re di Napoli (Naples, 1966).

Murcie

En esp. Murcia, région de l’Espagne méridionale, sur la Méditerranée ; 26 175 km2 ; 1 141 000 hab.


Constituée des provinces de Murcie et d’Albacete, la région de Murcie s’est individualisée lors de la Reconquista* comme une marche castillane ouvrant un accès à la Méditerranée entre les royaumes de Valence et de Grenade. C’est donc une région historique sans unité géographique.

Disposée transversalement aux cordillères Bétiques — qui alignent en coulisses, du S.-O. au N.-E., chaînons et massifs —, elle déborde largement au nord sur la Meseta, dont les monotones platitudes résultant d’un remblaiement tardif s’accidentent de rides au sud d’Albacete, la couverture du socle ayant été bousculée par les poussées bétiques. Deux traits morphologiques rendent le franchissement de cette transversale particulièrement aisé : l’existence d’un grand ensellement qui explique l’altitude modeste (1 200 à 1 500 m) des montagnes (sauf aux confins occidentaux de la région, où le Revolcadores dépasse 2 000 m) et à la faveur duquel la moyenne vallée du río Segura s’est implantée transversalement aux plis ; le morcellement des reliefs qu’isolent d’amples couloirs et seuils, particulièrement dans la partie méridionale, où de lourds massifs se dispersent au milieu de vastes plaines de remblaiement que borde au nord du cap Palos une côte à lagunes.