Muḥammad V ou Mohammed V (suite)
Le roi du Maroc indépendant
Muḥammad V doit alors faire face aux problèmes que pose la construction du Maroc indépendant. Il commence d’abord par étendre son autorité sur la zone espagnole et la ville de Tanger, qui perd pour un temps son statut international.
Mais le plus difficile est de concilier les deux courants, le moderne et le traditionnel, qui se partagent le pays. Muḥammad V compte sur l’enseignement, auquel il accorde un intérêt particulier, pour transformer les structures mentales de la population et l’engager progressivement, mais pacifiquement dans la voie du modernisme. En attendant, il se pose comme arbitre entre les divers courants et essaie, avec beaucoup de tact et de prudence, de concilier l’existence du Maroc traditionnel avec les exigences du monde moderne. Le code du statut civil, par exemple, promulgué à la fin de 1957, protège la femme marocaine des excès du droit musulman en matière matrimoniale, sans pour autant mettre en cause cette législation.
De la même façon, Muḥammad V rompt avec les traditions théocratiques attachées à la monarchie ‘alawīte, sans s’engager franchement dans la voie constitutionnelle. En 1956, il institue une assemblée dont les membres, désignés par lui, ont un pouvoir purement consultatif. Proclamé roi en 1957, il prend même la direction du gouvernement, auquel il associera son fils, le prince héritier, comme vice-président. En matière économique et sociale, il admet le principe d’une planification de l’activité du pays sans, pour autant, se réclamer du socialisme. Le plan biennal (1958-1959) et le plan quinquennal (1960-1964) ne touchent pas à la propriété privée. Ils visent à la modernisation de l’économie, à l’augmentation du revenu national et à la création d’emplois pour faire face à un taux de croissance démographique de l’ordre de 3 p. 100.
Pour atteindre ces résultats, Muḥammad V fait appel à l’aide de la France. Mais, malgré le respect des intérêts français au Maroc, l’affaire algérienne a, pour un temps, envenimé les rapports franco-marocains. À la fin de 1956, les relations diplomatiques sont même coupées entre les deux pays. Toutefois, l’année suivante, le roi parvient à apaiser la situation et signe avec l’ancienne métropole des conventions de coopération technique, culturelle et judiciaire. En 1960, il peut même obtenir l’évacuation totale des troupes françaises du Maroc. Mais l’affaire mauritanienne, soulevée la même année, refroidit quelque peu ses rapports avec la France.
Pour sortir le Maroc de son isolement, Muḥammad V établit des rapports diplomatiques et commerciaux avec des pays communistes et s’engage dans une politique arabe et africaine. En 1958, il donne son adhésion à la Ligue arabe. La même année, il participe à la conférence d’Accra et noue des relations étroites avec certains pays africains. À sa mort, survenue subitement en 1961, les problèmes du Maroc sont loin d’être résolus. Mais le pays connaît une certaine cohésion, qui repose essentiellement sur l’attachement de la population à la personne de ce souverain « bien aimé ».
M. A.
➙ Maroc.
