Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Moyen Âge (philosophie du) (suite)

Les sept arts

Selon la tradition de la culture latine reprise par Cassiodore, dans ses Institutions des lettres divines et séculières, l’enseignement, tel qu’Alcuin, puis les universités du xiiie s. l’organisèrent, est fondé sur les « sept arts libéraux » : trois arts (trivium) proprement dits (grammaire, rhétorique, dialectique) et quatre disciplines (quadrivium) [arithmétique, musique, géométrie, astronomie]. La différence entre un art et une discipline, c’est que le premier a un objet contingent, alors que la seconde traite de choses qui ne peuvent se produire autrement qu’elles ne font.

Un organisateur de l’enseignement Alcuin

Ce savant religieux anglo-saxon a vécu de 735 environ à 804. Charlemagne le rencontra en Italie et fit de lui un de ses principaux collaborateurs. Il dirigea l’école du palais d’Aix-la-Chapelle et celle de Tours. Membre de l’Académie palatine, il y avait pris le pseudonyme de Albinus Flaccus. Son action a été très importante sur quatre points : restauration culturelle (enseignement de la grammaire, de l’art de bien parler et de bien écrire, conservation des manuscrits antiques par les copistes), lutte contre les hérésies, cessation des violences dans la conversion des Saxons, couronnement impérial de 800.

• Les universités (« universitas studiorum » = la communauté de ceux qui étudient). Elles sont nées d’un besoin d’indépendance du corps enseignant à la fois envers l’autorité ecclésiastique, qui, par l’intermédiaire de l’évêque, pesait sur les écoles établies près des cathédrales, et envers le pouvoir laïque.

Assez curieusement, elles trouvèrent un sérieux appui, dans la revendication de leur indépendance, auprès du pouvoir pontifical. Pour les papes, en effet, ce fut, comme plus tard pour les ordres mendiants, le moyen d’assurer directement leur autorité. C’est donc le Saint-Siège qui octroya aux universités les statuts d’exception que l’on sait : exemption de la juridiction laïque ; indépendance intellectuelle.

Quant aux princes, ils s’en accommodèrent assez rapidement : les universités constituaient pour eux une pépinière d’administrateurs, et le prestige en rejaillissait sur la ville. Dans les faits, elles furent donc de plus en plus liées au gouvernement laïque : on ne peut plus séparer les universités de Plaisance et de Pise de la gloire des Visconti et des Médicis, ni la Sorbonne de celle du régent Bedford.

• L’évolution des universités.

1. Universalité puis spécificité de la formation. Au xiiie s., lorsque furent fondées les premières universités (Bologne est la première), maîtres et écoliers étaient itinérants ; ils ne séjournaient que quelques années au même endroit, ce qui assurait une sorte d’universalité de la formation universitaire. Cette universalité cessa lorsque, au xive s., les établissements se multiplièrent sous la poussée des princes, qui voulaient contrôler la formation de leurs administrateurs. C’est ainsi que furent créées les universités de Prague, de Cracovie, de Turin, de Dole, d’Aix, de Louvain.

2. Les locaux. Au début, ces universités n’avaient pas toujours de locaux propres. On se réunissait chez les maîtres, dans les chapelles des couvents, etc.

Les collèges étaient les résidences des étudiants boursiers (les bourses étaient, comme les arts à cette époque, fruit du mécénat).

En 1257, le chapelain de Louis IX, Robert de Sorbon (1201-1274), fonda un collège, la future Sorbonne.

Mais la plupart des étudiants vivaient chez l’habitant ou à l’auberge, intimement mêlés à la vie de la ville.

3. Fonction rétribuée et ordres mendiants. Au xiiie s., la fonction enseignante était une profession. À la rétribution des auditeurs s’ajoutaient les bénéfices ecclésiastiques.

C’est en particulier en protestation contre cet ordre de choses qu’apparurent les ordres mendiants. Les maîtres séculiers, se sentant menacés dans leurs privilèges, ne tardèrent pas à évincer Franciscains et Dominicains.

L’organisation des universités médiévales

Les étudiants sont jeunes — de quatorze à vingt ans —, nombreux — plusieurs milliers au xve s. dans les grandes universités — et répartis en groupes linguistiques et nationaux.

On distingue les facultés des « arts » (arts libéraux), qui constituent l’enseignement secondaire, et l’enseignement supérieur. Rien n’est moins systématique que la répartition de ce dernier : chaque université est spécialisée dans une branche.

On va à Paris pour les arts et la théologie, à Montpellier pour la médecine, à Bologne pour l’enseignement juridique.

Les statuts aussi sont différents selon les villes. À Bologne, au Moyen Âge, les étudiants gouvernent ; à Paris, les écoliers sont associés au pouvoir, mais les maîtres en ont la réalité.

Procureurs, recteurs, doyens, chanceliers sont élus ; quant aux maîtres, ils sont choisis par leurs pairs.


L’évolution de la pensée médiévale


Les « fondateurs du Moyen Âge »

• Boèce (v. 480-524). Le philosophe de l’Antiquité ayant exercé la plus forte influence sur le développement de la science médiévale fut un grand personnage de la cour du roi goth Théodoric : Boèce. C’est à travers lui que se perpétua la tradition de la philosophie antique : jusqu’au xiiie s., on ne connaîtra la logique qu’à travers les traductions qu’il fit de l’Organon d’Aristote*. Son ambition, héritée du néo-platonisme, était de concilier Platon* et Aristote. Cela ne va pas, semble-t-il, sans quelque incohérence (c’est ainsi que, à propos du problème des universaux, tantôt, commentant Aristote, il tint pour impossible que les idées générales soient des substances séparées des choses sensibles, tantôt il soutint l’existence d’un monde intelligible de nature platonicienne...), mais explique aussi l’importance de son influence, certains médiévaux retenant l’aspect aristotélicien, d’autres l’aspect platonicien de son œuvre. Dignitaire de la Cour, il fut accusé de conspiration, dépossédé de ses biens et emprisonné. C’est avant d’être exécuté, et pour affermir son âme devant le supplice, qu’il composa son œuvre la plus connue, d’inspiration platonicienne, De consolatione philosophiae (De la consolation de la philosophie). De style très soigné, l’ouvrage connut un immense succès, et il eut d’innombrables imitations (dans des circonstances, heureusement, la plupart du temps, moins dramatiques). Bien que le De consolatione ne contienne aucune référence à l’Écriture, il semble que l’on ne puisse mettre en doute les convictions chrétiennes de Boèce, à qui on attribue cinq traités théologiques.